En 2020, pas moins de 9 ans depuis un certain Serious Sam 3 : BFE, l’excellent The Talos Principle, un changement de nom et un reboot, voilà enfin Serious Sam 4. Si la qualité de The Talos Principle – précédent jeu de la Croteam – n’a plus à être prouvée, la qualité d’un nouveau Serious Sam faisant suite au très décevant BFE, elle, était loin d’être assurée.
Mais d’abord, pour les quelques-uns du fond qui ne connaîtraient pas Serious Sam, il s’agit d’une ode à la subtilité et à la poésie. Un FPS moins crétin qu’il n’en a l’air, mettant l’accent sur la gestion de foule et la mobilité horizontale. Grossièrement, pour ce Serious Sam 4 attendez-vous donc à : des hordes de monstres, des gros flingues, et du mauvais goût de bon aloi.
Nombreux ça fait beaucoup
Serious Sam est un shooter à bestiaire et cette nouvelle itération ne change rien à ce bon état de fait. On retrouvera donc nos classiques chargeurs à la peau verte, nos cerveaux sur pattes équipés de fusils lasers et autres taureaux surexcités. En plus de tout le roster classique, on accueillera aussi quelques nouveaux venus. Ainsi que de gros rééquilibrages, notamment par rapport au troisième épisode. En résulte un jeu quasiment dépourvu de hitscan, à quelques bonnes exceptions près. Elles laissent le temps au joueur de réagir et l’oblige à jouer avec les lignes vues.
L’ajout de points critiques sur les ennemis vient également dépoussiérer certaines monstruosités du bestiaire en offrant des changements de paradigmes bienvenus. Si ce n’est pas un bouleversement profond pour la philosophie de jeu, c’est un ajout loin d’être mineur. Il s’intéresse à des aspects importants du jeu : la façon dont on bouge et la façon dont on pose le réticule sur les ennemis.
Il nous faudra aussi rapidement vous parler des boss, et que dire… Ils ne sont pas très bons. Ils n’ont jamais été très bons dans la série. Et ce n’est clairement pas cet épisode qui relèvera le niveau. Même si ces rencontres ne sont que rarement désagréables, on regrettera tout de même qu’elles ne soient pas plus palpitantes. Au moins le boss final, lui, tient encore bien son rôle, offrant un moment plus mémorable que ses petits confrères.
Artistiquement enfin, le tout ne se mélange pas toujours de façon très élégante. Certains nouveaux arrivants donnent simplement l’impression de sortir d’un autre jeu. De la même façon, difficile de toujours corréler les lieux visités et leur bestiaire. Pas que cela soit dramatique, mais un léger effort pour harmoniser les modèles aurait fait du bien à ce casting un peu trop “réaliste” par endroits, surtout comparé aux premières entrées de la série.
Reboot à deux roues
S’il y a bien un endroit côté gameplay où l’on sent que le jeu a été reboot, c’est assurément son level design. Mais plus précisément encore, les quelques chapitres très ouverts que propose le second acte du jeu. À moto, en quad ou encore à dos de moissonneuse-batteuse, vous vous retrouverez à devoir traverser champs et prairies. Des étendues vastes, même pour un Serious Sam. De là à y voir des morceaux d’open world réarrangés pour convenir à la structure finalement plus linéaire de ce quatrième épisode, il n’y a qu’un pas.
Ces quelques chapitres – 2 ou 3 pas plus – qui font le choix de l’ouverture s’avèrent néanmoins être de bonnes respirations. On apprécie la liberté relative qu’ils offrent, leurs grands espaces et leur rythme un peu plus posé dans la progression. D’ailleurs ce début de second acte, en France, surprend par une certaine cohérence des proportions et de la géographie, notamment grâce aux points de repère que sont la ville de Carcassonne, ainsi que le gros vaisseau extraterrestre lévitant au loin. On les aperçoit d’abord à l’horizon et plusieurs chapitres après on se retrouve à leurs pieds, donnant une sensation de progression appréciable.
Côté visuel cependant, même si les charmes champêtres de Carcassonne s’apprécient et que les ruines grecques de The Talos Principle font encore leur petit effet, difficile pourtant de nier le plus évident : il n’y a rien de bien intéressant à se mettre sous la dent visuellement.
Surtout si l’on commence à venir comparer à des jeux comme Serious Sam 2, qui faisait la part belle à l’exotisme. On reste finalement sur un jeu dans la lignée de Serious Sam 3 au niveau esthétique, avec ce réalisme un peu étrange et dissonant, ainsi que ce manque d’audace presque obsessionnel dans les décors traversés. Bien que les couleurs semblent ici reprendre un peu de leur vibrance et que le level design s’avère tout à fait efficace combiné au bestiaire bien fourni, on reste encore à regretter les débuts de la licence…
Quand on aime, on ne compte pas
Parce que c’est bien mignon d’avoir de juteux ennemis encore faut-il avoir de quoi engager les négociations ! Sur ce point, difficile de faire les fines bouches, non seulement il y a quantité mais aussi qualité.
Déjà l’entièreté de la balistique a été repensée pour être maintenant “projectile based” avec un superbe effet de balles traçantes. Si l’on aurait pu craindre perdre en consistance, il n’en est rien. Non seulement les armes gardent toute la précision arcade que l’on attend d’elles mais se dotent en plus d’excellents feedbacks. Mention spéciale à leurs animations, on sent indéniablement le temps écoulé depuis Serious Sam 3.
Entre ces très bonnes sensations, il faudra aussi noter l’ajout de tirs secondaires sur la plupart des armes ainsi que l’arrivée d’un nouveau lanceur de plomb. Sans vous gâcher toutes les nouveautés, sachez qu’elles viennent parfaitement s’intégrer à l’existant.
Certaines armes que l’on aurait pu croire rendues caduques par la progression, comme le fusil à pompe de base par exemple, garde finalement de l’intérêt tout au long du jeu grâce à l’ajout d’un lance-grenade. Pareillement le choix de transformer l’habituel lance-grenade en un presque mortier est une très bonne idée. Cela le différencie du lance-roquette et lui trouve une niche d’utilisation propre.
Dans l’ensemble, difficile d’avoir à redire sur ce segment, tant on sent l’effort consenti pour offrir un équilibre de jeu excitant. Toutes les armes sont utiles et fun à utiliser, sans pour autant contraindre le joueur à trop de systématisme. Il y a un très agréable équilibre de jeu – en difficulté difficile du moins – entre les trois piliers que sont : le bestiaire, le level design et l’armement.
Serious Sam 4 propose également d’autres nouveautés bienvenues à défaut d’être originales. Une roue des armes qui vous rappellera sans doute un certain reboot de Doom ou encore Wolfenstein. L’idée, la Croteam ne l’a pas inventée, mais elle a compris qu’elle s’intégrait très bien dans leur jeu. Surtout lorsque que l’on vient par dessus ajouter la possibilité d’équiper une arme différente dans chaque main. Un ajout divin. Le fait de pouvoir tirer et recharger en courant s’avère également être une souplesse indispensable, quelque chose qui manquait cruellement au troisième opus. Il réussit même à rendre digestes certaines mauvaises idées de ce dernier. On partait pourtant de loin.
Entre tradition et modernité
Quêtes secondaires, consommables et arbre de compétence. Bien que ces mots puissent vous arracher un long soupir, force est de constater qu’en jeu… le tout fonctionne à peu près. Même si l’arbre de compétence a un gros souci d’équilibrage. La branche “akimbo” étant largement plus intéressante que son homologue dédiée au corps-à-corps. Il évite généralement les compétences poubelles qui n’ont aucun intérêt autre que statistique et permet l’incorporation progressive de mécaniques – qui sont spécifiques à cet épisode pour la plupart. Cela dit, la façon de les obtenir via des caisses à récupérer dans les décors est assez peu pratique. Le jeu aurait gagné à simplement nous les distribuer à chaque fin de chapitre.
Quant aux missions secondaires, elles offrent souvent des affrontements et récompenses uniques, donnant au passage toujours plus de Serious Sam. Ce n’est pas original pour un sou, mais leur intégration reste efficace.
La gestion des différents consommables pouvant être utilisés à la volée, ajoute une certaine profondeur délectable aux affrontements. La gestion de ceux-ci sur le “long cours” est un facteur stratégique inattendu et rafraîchissant.
“I lost my shoe”
Bien que les deux premiers chapitres laissaient présager du pire. Le scénario enchaînant les interruptions dans le gameplay à grand coup de cinématiques vaseuses. Serious Sam 4 trouve finalement un point d’équilibre après le chapitre 4 en s’avérant être une sympathique série Z. La réalisation exécrable viendrait presque la rendre involontairement plus drôle. Comme un immense nanar que l’on apprécie au coin du feu, un air coupable au visage quand on ne rigole pas simplement à ses bonnes mauvaises blagues.
Cependant, il ne faut se méprendre. Sous cette couche de crasse, se cachent beaucoup d’amour et de maturité. On sentirait presque que The Talos Principle est passé par là. Notamment lors de ce générique de fin presque touchant, qui transpire de l’amour sincère que la Croteam semble avoir pour leur joyeuse crétinerie. Peut-être un certain affect pour le studio nous trahit-il ici, mais nous n’avons pas détesté – loin de là – ce que Serious Sam 4 avait à nous raconter.
La maison brûle mais la maison tient
Le mot a déjà dû vous être passé, mais Serious Sam 4 n’est pas ce qu’on pourrait appeler un foudre de guerre. Et cela va bien au-delà de la question graphique. Les cinématiques, les nombreux bugs, les soucis d’affichage, l’optimisation… Même sans rencontrer de bugs marquants et en restant jouable, difficile de fermer les yeux sur l’état technique actuel du jeu, le manque évident de finitions qui le caractérise. Même si à l’heure actuelle la Croteam semble être réactive sur les patchs, il va falloir que cela continue. Le jeu ne pourra en être que meilleur.
Même si certains passeront au-delà, tant le fond du jeu lui est solide et renoue avec la tradition brisée par le troisième épisode. Beaucoup ne pourront pas justifier le bilan technique livré par la Croteam ; surtout au prix affiché, 40€ tout de même.
Toutefois, ne vous y trompez pas, nous avons passé un moment surprenamment bon en compagnie de Serious Sam 4. Simplement, autant que l’on vous prévienne. En l’état, on vous le recommande à demi-mots tout de même, peut-être après quelques patchs et des soldes. Pour patienter, il ne vous reste plus qu’à vous plonger dans The Talos Principle. Un jeu que l’on peut largement vous recommander cette fois-ci.