Quand l’irrévérencieux et iconoclaste Danny Boyle met en boîte une histoire du scénariste de Love Actually ça donne Yesterday : une comédie romantique des plus conventionnelles qui rattrape le coup grâce à la maîtrise de son réalisateur, mais qui offre un film tout de même très gentillet.
Le tout évidemment saupoudré des Beatles. Parce qu’à la base le film devait effectivement parler de Jack Malik, artiste musical en galère de succès, se réveillant du jour au lendemain dans un monde où les Beatles n’ont jamais existé. Un arrière goût de notre Jean-Philippe national me direz-vous ? Et bien plutôt son inverse en réalité. Car là il n’est pas question de faire percer les-dits chanteurs, mais d’utiliser leurs créations à son propre compte pour récolter le succès. Un point de départ des plus prometteurs qui peut permettre à tout créateur de questionner la transmission artistique, le plagiat créatif, la valeur d’une création : vient-elle de l’oeuvre en elle même ou plus de son artiste ?
Plein de thématiques qui sont malheureusement laissées en surface au profit d’une intrigue amoureuse conventionnelle dans laquelle le héros devra refuser son succès pour vivre son amour. Un point du scénario qui devient beaucoup trop centrale pour ce qu’il raconte et qui se greffe maladroitement au pitch de base, en devenant même incohérent : Lily James demande au héro de choisir entre elle ou son succès, sans qu’elle ne sache que ses chansons ne sont pas de lui alors que jusque là elle le poussait à percer. Le scénariste Richard Curtis essaie de gauchement tisser avec des grosses ficelles une morale niaise et manichéenne où pour être heureux il faut refuser la célébrité. Malgré que cette dernière ne soit pas méritée, il y aurait fallu confronter le personnage à son dilemme éthique, plutôt que de travestir cela en but amoureux comme accomplissement du héros. Le tout finissant dans un happy end un peu capillotracté où l’ami qui était en couple avec la protagoniste accepte sans broncher, ni tristesse que celle-ci préfère le héros.
Danny, c’est toi ?
Tout n’est pourtant pas à jeter, loin de là, dans la plume de l’auteur de Quatre mariage et un enterrement; auteur qui rappelons le à plus ou moins redéfinit les codes du genre de la rom-com à lui tout seul. On se surprend alors vraiment à rire à certains dialogues finement écrits, ayant la petite touche d’humour british des plus reconnaissables. Et lorsque qu’il embrasse réellement la thématique de la transmission artistique, avec ces deux autres fans se rappelant des Beatles, il esquive intelligemment l’écueil de crier au plagiat et offre un propos beaucoup plus nuancé : si la reprise est le moyen de faire vivre une oeuvre, elle en devient donc nécessaire. Une conclusion qui n’est pas si étonnante quand on sait que Curtis idéalisait les radios pirates dans son magnifique Good Morning England. Mais pourquoi ne parlons-nous que du scénariste alors que c’est un film de Danny Boyle ?
Et bien là est tout le paradoxe de l’oeuvre. Elle a beau être réalisé par le visionnaire de Trainspotting, on est définitivement devant une création de Richard Curtis dont on se demande pourquoi il n’a pas osé prendre la caméra. Bien évidemment, avec une personnalité marquée comme Boyle à la barre, on retrouve des réminiscences éparses de son style qui ponctuent les meilleurs scènes. Mais que ce soit autant dans son fond que dans sa forme, on se retrouve bien loin des expérimentations (et claques) filmiques qui marquent l’entièreté de sa filmographie. C’est cependant bien la maîtrise de l’art cinématographique et de la narration du réalisateur confirmé qu’il est, qui parvient à élever cette histoire un chouilla niaise et clichée, en un récit des plus divertissants.
Son flegme à gérer le montage, le rythme et à faire ressortir le meilleur de ses acteurs, qui sont par ailleurs excellents avec en tête un Himesh Patel qui sort agréablement des figures standards, impulse une énergie communicatrice qui donne un joli feel good movie. Et tout naturellement, les notes des Beatles participent à la création de ce cocon de bonnes vibes qui égayent le spectateur et fera vibrer tout fan du groupe. D’un autre côté, faire un film autour de la discographie de ce groupe culte, est un bon moyen de se mettre une partie du public dans la poche.
Yesterday est un film qui manque finalement d’originalité et n’effleure que la surface de son potentiel au détriment d’une romance convenue, avec à la caméra un réalisateur plus effacé que d’habitude malgré quelques fulgurances. Il maîtrise cependant assez la cinématographie pour offrir un film des plus divertissants et qui ne fait de mal à personne.