Un coup de dès, avec sa promesse de thriller haletant porté par un casting prestigieux, n’est en fait que d’un détestable nombrilisme.
Les films d’Yvan Attal se suivent mais ne se ressemblent pas. Il y ainsi un écart de ton (et de qualité) immense entre Les Choses Humaines et ce Un coup de dès. Ainsi, si l’acteur-réalisateur épatait dans ce qui paraît se confirmer comme son meilleur film, il retombe aujourd’hui dans ses pires travers, à l’image de son égotique et plutôt fade adaptation de Mon chien stupide du grand John Fante. Parce qu’il y avait dans son adaptation du roman de Karine Tuil un portrait contemporain de la justice, du sexisme sur fond de lutte des classes qui relevait d’une infinie préciosité, dont ce Un coup de dès paraît revenir des années en arrière, pourtant inexplicablement tous deux écrit par le même duo de scénaristes, Yvan Attal et Yaël Langman.
La présence d’acteurs connus pour des projets au narcissisme assez élevé, Guillaume Canet et son Lui, Maïwenn et son Jeanne du Barry, quand la toujours précieuse Marie-Josée Croze se voit purement sacrifiée, renforce ainsi cette impression de projet jamais réellement tendu mais plutôt rapidement détestable. Parce que d’une voix off (rapidement insupportable) surlignant tout ce qui se passe à l’image, de la peinture complètement détestable de personnages bourgeois, sexistes et complètement lâches, et de la prestation surlignée du malheur d’un acteur-réalisateur en perpétuel sous-jeu, il ne reste à ce Un coup de dès plus grand chose pour lui.
Un coup manqué
Pour la petite histoire, tirée d’une comédie d’Eric Assous, l’on se trouve clairement dans une pièce de boulevard plutôt classique, ici transfigurée en un thriller ronflant. On y suit ainsi deux couples d’amis « pour la vie » à « l’amitié indéfectible » s’accompagnant « dans les peines et les réussites« , à la fois beaux, intelligents, et riches dont il ne suffira que d’une liaison de l’un d’entre eux avec une très jeune femme (Alma Jodorowsky, dans un rôle plutôt gênant et très mal écrit) pour absolument tout saboter. On ne croit ainsi absolument à rien dans ce Un coup de dès : tout y est surligné, telle une carte postale cauchemardesque d’un monde qui devrait cesser d’exister, celui des cadres supérieurs roulant dans des grosses voitures et refaisant leurs vies dans le Sud de la France pour détruire des terrains naturels afin d’y implanter d’immondes villas sans charme.
Fêtes sur des yachts, crises existentielles évidemment toujours masculines, et toujours ridicules, amitiés, sentiments et dialogues complètement artificiels, tout y est afin que l’on ne s’attache absolument à personne et que cette intrigue racontée en flashback par une voix off nous narrant absolument tout ce qui se passe à l’image ne surligne cette impression de thriller caricatural de bout en bout. Il y ainsi, au-delà sexisme et du fond daté du métrage, quelque chose de malaisant à voir Maïwenn agresser physiquement quelqu’un, alors qu’elle se trouvait condamnée pour les mêmes faits au moment de la sortie du film. Heureusement, l’ensemble s’avère mené avec rythme, malgré quelques grosses baisses de régime sur une heure et vingt-cinq minutes, et l’emballage technique s’avère soigné, avec une photographie signée Rémy Chevrin rappelant le meilleur d’Olivier Marchal et les partitions prenantes, malgré tout, de Dan Levy.
Dès pipés
Devant cette facture technique solide, et un acteur-réalisateur-scénariste-donnez-lui-un-César qui sait malgré tout tenir une caméra, on ne peut ainsi s’empêcher de regarder ce Un coup de dès d’un regard endormi. Parce que tout le talent de scénariste et de metteur en scène dont faisait preuve Yvan Attal dans Les Choses Humaines, aurait pu, s’il avait été confectionné avec le même soin, offrir un excellent thriller, et confirmer le talent d’un cinéaste qui ne fait ici que confirmer une filmographie en dents de scie. Surligné, caricatural, détestable, et très, très égotiste, ce Un coup de dès a en plus le don d’ennuyer et de creuser l’écart entre les mêmes acteurs nous offrant les mêmes films caricaturaux ne prenant jamais le pouls d’une époque qui change, et dont les bouleversements permettraient une écriture plus fine, plus respectueuse et plus représentative d’une société qui évolue.
Si la récente défense d’Yvan Attal contre les accusations envers Gérard Depardieu ne l’avait confirmé, on constaterait une énième sortie de route pour un cinéaste qui n’a jamais été meilleur que devant la caméra des autres, ou bien effacé en tant que simple mais pourtant bon metteur en scène quand il se contente de n’être que derrière la caméra. On s’évertue pourtant à penser que tout ne se joue malheureusement pas en Un coup de dès, et que des projets tels que celui-ci nous seront encore réservés dans un avenir qui ne se contente malheureusement pas que du meilleur.
Un coup de dès sera disponible en VOD, Blu-ray et DVD chez SND le 29 mai 2024.
Avis
Un coup de dès n'est finalement qu'un thriller caricatural au fond ultra-daté, mettant en scène des personnages aux comportements complètement détestables, finissant ainsi de faire ressentir un ennui complet devant cette éreintante démonstration de vide entre amis.