Réalisé par Yossi Aviram, le long métrage Il n’y a pas d’ombre dans le désert raconte l’histoire d’amour entre Ori et Anna. Un drame dans lequel se mêle mémoire de la Shoah, résurgence de traumatismes et amour unilatéral…
Dans Il n’y a pas d’ombre dans le désert de Yossi Aviram, se déroule une romance trouble avec en trame de fond, le procès d’un ancien dignitaire nazi. Ori et Anna se croisent dans les couloirs du tribunal, lui est profondément touché de recroiser la femme de sa vie, alors qu’elle ne semble pas le reconnaître.
Trahison du spectateur
Yossi Aviram prend comme point de départ de son film, le procès d’un ancien dignitaire nazi. Et si la mise en place de ce pan de l’intrigue est assez lente, on pourrait croire qu’elle va occuper la majeure partie du film. Cependant, c’est le tandem Ori et Anna qui prend progressivement toute la place dans le scénario. Et c’est malheureusement assez déceptif. Le procès en lui-même génère des remous narratifs qui semblent tout simplement plus prenants qu’une histoire d’amour basée sur un souvenir erroné.
En un sens, c’est donc une espèce de trahison pour le spectateur. Si le synopsis du long métrage précise d’emblée qu’il n’y a pas que ce procès, cette déviation reste frustrante. Il n’y a pas d’ombre dans le désert semble travailler deux voix narratives avant de laisser de côté celle qui semble être la plus intéressante. De fait, ce qui pose problème avec cette bifurcation scénaristique dans le film d’Aviram, c’est l’extrême lenteur de la romance qui s’installe.
Des personnages au ralenti
En effet, les personnages paraissent prodigieusement mous une fois que le prisme de la lenteur s’est installé dans le film. Anna, l’écrivaine interprétée par Valeria Bruni Tedeschi, évolue dans une sorte de ralenti constant qui en devient des plus agaçant. Elle dégouline d’une espèce d’innocence et d’une douceur forcée dans sa manière d’être qui laisse espérer une explosion de colère du personnage, ce qui pourrait enfin lui donner une quelconque profondeur. Mais non, la seule potentielle rébellion du personnage en devient presque ridicule tant elle est minime.
Ori, joué par Yona Rozenkier, concentre un ramassis d’illogisme narratif qui en devient particulièrement frustrant. Ori est très mou, et peut-être même plus qu’Anna. Ce qui est incompréhensible, c’est la quantité de point que le scénario ne permet pas d’éclairer quant à la vie de ce personnage. Si c’est un parti pris artistique, à savoir que le soin d’interprétation est laissé aux spectateurs, ici, c’est loin d’être pertinent. Autrement dit, Il n’y a pas d’ombre dans le désert suggère de nombreuses choses sur ses personnages mais ne prend jamais le temps de les exploiter, les laissant parfois totalement de côté. Et cet abandon volontaire des éléments du scénario se retrouve sur l’intégralité du film qui, de fait, semble se désintéresser de lui-même.
Une mise en scène désintéressée
La caméra ne donne pas le sentiment d’accorder une quelconque importance à l’histoire qu’elle raconte. De fait, on a l’impression d’observer les comédiens de loin, avec ce même regard qui ne semble pas se préoccuper de ce qui est raconté. De plus, la colorimétrie est assez fade. Les couleurs sont en majorité passées, et perdent grandement d’une potentiel attrait visuel. Ce choix, s’il fait écho avec le décor du désert de Tel Aviv en devient vite très maussade.
Enfin, si la musique occupe une grande place au cinéma, Il n’y a pas d’ombre dans le désert prend le parti de ne pas la rendre omniprésente. Une décision qui est par ailleurs, souvent salutaire. Mais Aviram ne parvient pas à tracer la juste frontière entre absence de musique et les simples sons du réel. Un film comme No Country for Old Men des frères Coen, prend par exemple le parti de s’abstenir de toute musique. Ce choix est très vite contrebalancé par des comédiens hors-pair et un scénario des plus affuté. Malheureusement, Il n’y a pas d’ombre dans le désert s’abime dans la contemplation désintéressée de ses propres personnages.
Il n’y a pas d’ombre dans le désert, long métrage de Yossi Aviram ne parvient pas à être réellement captivant. Le détachement qui imprègne la globalité du film se fait ressentir jusque pour le spectateur qui n’est pas émotionnellement invité à prendre part à l’histoire dont il est témoin.
Il n’y a pas d’ombre dans le désert est sorti en salle le 28 février 2024 et en blu-ray, DVD & VOD le 16 juillet.
Avis
Il n’y a pas d’ombre dans le désert n’est pas un long-métrage mémorable. On regarde le film avec un œil détaché, le scénario ne fournissant pas de porte d’entrée pour s’impliquer dans l’histoire. Peut-être par manque de rythme ou alors par choix de favoriser une lenteur malheureusement dévalorisante, le long-métrage manque cruellement de quelque chose pour en devenir vraiment captivant.