Son odeur après la pluie est l’hommage tendre et profond d’un humain à son chien et aux années de bonheur partagées.
C’est une histoire d’amour, de vie et de mort. Celle de deux êtres n’appartenant pas à la même espèce, mais qui ont pourtant partagé ce qu’il existe de plus précieux : un amour pur et inconditionnel. Un seule en scène original, tendre et bouleversant sur un thème rarement abordé au théâtre et pourtant universel.
Un pari audacieux
Nous attendions impatiemment cette adaptation du best-seller de Cédric Sapin-Defour par la compagnie Les Âmes Libres qui nous a habitués à faire du beau, de l’humain, du poétique avec tout ce qu’elle touche. Depuis notre rencontre sous forme de coup de cœur devant sa merveilleuse adaptation du roman de Maupassant, Une vie, nous suivons en effet avec beaucoup d’attention le travail de cette équipe passionnée.
« Une respiration avant, il y avait le bonheur d’être ensemble. »
Nous avions hâte mais, c’est vrai, nous étions aussi un peu inquiets. Car le défi à relever ici n’était pas mince. En effet, ce roman aux plus de 700 000 exemplaires vendus, et qui vient également d’être adapté en superbe roman graphique par José Luis Munuera, semble à première vue se prêter assez mal à une adaptation sur les planches. Certes, l’histoire est belle, touchante, bouleversante même, mais pas simple du tout à rendre « vivante » sur scène.
Son odeur après la pluie : un moment suspendu
Car il n’y a dans cette histoire ni action, ni rebondissement, ni héros. Rien d’autre que le temps qui s’arrête comme on retiendrait son souffle pour explorer un lien d’attachement dans ses moindre replis, dans ses plus petits bonheurs et ses plus grandes tragédies, dans ses promesses et ses souvenirs. Une succession d’arrêts sur image avec toujours au premier plan : l’amour.

Mais le regard sensible de Véronique Boutonnet, l’inventivité de Richard Arselin et le talent indiscutable de Marie-Hélène Goudet ont à nouveau fait des merveilles et sont venus s’entremêler avec la plume poétique de Cédric Sapin-Defour. Et c’est bien la vie qui jaillit de cette adaptation envoûtante, très joliment animée par la création musicale et sonore de Glaze Furtivo qui contribue grandement à notre immersion et apporte une profondeur supplémentaire à cette scénographie de toute beauté.
« Un antidote à la morosité. Un antidote à la fossilisation. Tous les grognons devraient passer une heure avec un chien. »
L’ennui, c’est simple, ne trouve aucun espace pour s’installer. Ni dans le décor ingénieux et charmant de cette forêt merveilleuse (faite de véritables troncs d’arbres !) où le bonheur finira par partir en cendres, ni dans le jeu habité, vibrant, et d’une sincérité bouleversante de Marie-Hélène Goudet dont nous n’en attendions pas moins depuis les larmes que la comédienne nous avait déjà tirées dans Moi vivante, au festival d’Avignon 2022. Et puis il y a le corps, jamais oublié dans les mises en scène et dans la direction d’acteur de Véronique Boutonnet qui s’applique toujours à faire du mouvement un langage.
De l’amour à n’en plus finir
Quiconque a un jour eu le privilège de connaître ce lien fort, unique, cet amour pur et inconditionnel avec un animal trouvera dans chaque mot, chaque geste, chaque regard, chaque silence de la comédienne une résonance qui convoquera tour à tour la joie, la nostalgie, indéniablement aussi le chagrin, et surtout la gratitude. Quelques rires aussi, notamment dans la scène franchement géniale du repas de famille où s’invitent les conversations de politesse, les incompréhensions, les jugements, et quelques personnages délicieusement interprétés !

Dans un monde où nous cherchons sans cesse à passer de stimulation en stimulation, de surprises en rebondissements, d’encore mieux en toujours plus, il est bon aussi d’accepter de s’arrêter un instant. Pour explorer, s’imprégner, ressentir, écouter, contempler. C’est ce que le chien amène son maître à faire, et c’est ce à quoi invite Son odeur après la pluie. À nous blottir dans le cœur battant d’un lien affectif où tout n’est qu’instinct, loyauté, confiance, complicité ; où la différence est précisément ce qui réunit avec autant de force, où seul l’instant présent compte. Un lien que l’on tentera d’expliquer à ceux qui diront « ce n’était qu’un chien » parce que, sans connaître, comment comprendre ? Dans cette forêt où tout commence et tout finit, où tout demeure, Ubac, le Bouvier Bernois, aura rendu plus vivants que jamais tous nos petits compagnons adorés. Une petite merveille.
Son odeur après la pluie, de Cédric Sapin-Defour, adaptation Véronique Boutonnet, mise en scène Richard Arselin et Véronique Boutonnet, avec Marie-Hélène Goudet, se jouera du 5 au 26 juillet 2025 au théâtre du Petit Chien, à Avignon.
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Avis
Si ce récit aborde le thème forcément douloureux du deuil animalier, il le fait avec beaucoup de délicatesse et d'amour. Et c'est surtout de vie dont il est question ici ! Aussi, même si l'on a récemment été confronté à la mort de son petit compagnon, on ne ressort pas triste de cette pièce mais rempli d'amour et de gratitude pour ces instants de vie partagés, si joliment célébrés ici.