En attendant le tournage de la Saison 3, qui débute ce mois-ci, retour sur Sex Education. Jouissant (oui on utilise le vocabulaire adéquat à la rédaction) d’un vrai succès avec plus de 40M de spectateurs, la série Netflix est aujourd’hui un incontournable de la plate-forme. Et loin d’être un teen drama graveleux, c’est avant tout une des séries les plus rafraîchissantes actuelles !
Otis est un jeune lycéen comme les autres. Ou presque : sa mère est une thérapeute sexologue, habite dans une belle maison emplie de décorations phalliques et autres peintures suggestives…et à 16 ans, il est toujours puceau. De ce canevas de base, n’importe quel spectateur s’imagine forcément un énième American Pie ou autre comédie potache portée sur le dessous de la ceinture. Et pourtant Sex Education prend à bras le corps ce postulat pour en extraire un véritable potentiel comique certes, mais tout en y posant un regard empli de sincérité.
Prenant pour inspiration les films de John Hughes, jusque dans sa direction artistique intemporelle, la série souhaite montrer les péripéties et questionnements adolescents. Une étape importante vers le passage à l’âge adulte, où on se découvre réellement. Bon nombre d’œuvres existe sur le sujet évidemment, abordant une floppée de thèmes inexorablement liés comme la famille, l’addiction, l’amour, l’estime de soi et bien sûr la sexualité. Ce dernier thème prend évidemment une place centrale dans Sex Education comme son nom l’indique.
Car oui, sur un ton humoristique cru qui fait mouche, Sex Education prend principalement le point de vue de lycéens, en apprentissage complet de leur identité propre. Otis refuse les conseils intrusifs de sa mère (Gillian Anderson est exquise), a des problèmes pour se masturber, mais finalement devient une sorte de conseiller gourou pour tout son bahut. Pour gérer l’aspect financier, il fera équipe avec Maeve, la bad girl paria du lycée. Un duo opposé donnant à l’intrigue des allures de buddy movie, avant de se rendre évidemment compte de la complémentarité émotionnelle du tandem.
Autour gravitent une bonne dizaine d’autres personnages : Eric le meilleur pote queer, Adam le bully du lycée cherchant son identité, Jackson la star sportive du campus faisant face à ses propres anxiétés, Aimee qui sera victime d’agression sexuelle…. Beaucoup d’archétypes mais jamais désincarnés, via un casting attachant et de qualité ! Ce sont réellement les acteurs qui nous vendent le package, alliés à une écriture pleine de malice offrant de belles évolutions narratives aux protagonistes.
Une série pertinente
Malgré son titre, il ne faudrait pas prendre Sex Education pour une série éducative. Néanmoins, le panel de situations et autres thématiques à connotation sexuelle se révèlent pertinents de par leur ancrage réaliste. On retiendra surtout le fait que chaque élément scénaristique épouse complètement l’avancée et l’évolution des personnages. En effet, le sexe est évidemment une part importante des relations et de la vie de chacun. C’est à la fois un moyen de communication, mais parfois aussi d’introspection. Il peut sublimer tout comme détruire quelqu’un.
De ce simple postulat, Sex Ed’ joue habilement de ses éléments, ne tombant jamais dans la surenchère, le déplacé, le grossier ou au contraire l’esbroufe. À l’image d’un trombinoscope mettant la variété ethnique, culturelle ou sexuelle au premier plan, on tient avant tout une des séries les mieux gérées à ce niveau (comme Sense8). Le progressisme servant donc à dépeindre des personnages complexes actuels, auxquels on peut très facilement s’identifier.
Bien sûr, nous ne sommes pas dans une série naturaliste ou documentaire, Sex Education c’est avant tout un ton pop, fun et souvent absurde. Le visionnage se fait toujours tel une lettre à la poste. Un vrai plaisir, malgré certaines tournures scénaristiques vues et revues (l’ambivalence de sentiments, le bal de fin d’année, les engueulades entre meilleurs potes, les scènes de quiproquo, et autres outils présents dans beaucoup de séries adolescentes). Si on est pas dans une série coup de poing à la Euphoria, Sex Education partage parfois son goût pour la mélancolie introspective. On retiendra une poignée de scènes versant vers l’émotion ou des thématiques moins propices à la rigolade (toxicité masculine, abus de drogue, protection infantile, harcèlement, l’absence de figure parentale…). Des moments plus edgy qui marchent d’autant plus grâce au talentueux casting hétéroclite.
Asa Butterfield (qui a bien grandi depuis Hugo Cabret) est très bon en introverti un peu gauche mais néanmoins plus mûr que ses camarades. Ncuti Gatwa (Eric) est le best friend haut en couleurs, apportant une vraie énergie comique. On retiendra aussi la française Emma Mackey, aussi ravissante que talentueuse en Maeve Wiley. Une prestation rayonnante dans un rôle de femme aux cojones plus grosses que ses comparses mâles ! Gillian Anderson illumine l’écran à chacune de ses savoureuses apparitions, et bon nombre d’autres acteurs campant des personnages secondaires se révèlent plus centraux par la suite. Souvent présentés via un ressort comique, on se surprend à très vite avoir de la compassion pour eux au fur et à mesure que l’histoire avance, parfois de manière inattendue.
Une série attachante
Jamais gratuite, Sex Education est donc une des séries les plus rafraîchissantes du moment. Rythmée, tendre, mature, avec un humour british des plus délectables, même si parfois stéréotypée. C’est en épousant les clichés inhérents à son genre et son sujet que ses 2 saisons réussissent leur pari, se révélant moins bas du front qu’au premier abord. En parlant de ça, la saison 1 pose très bien les bases de la série, se concentrant avant tout sur une poignée de protagonistes principaux (avec toujours Otis au centre) avant de poursuivre le tout dans la saison 2. Si cette dernière exploite plus l’ensemble des persos et est toujours aussi honnête, l’intrigue est un chouilla plus titubante et moins ficelée.
Il faudra encore attendre plusieurs mois pour la saison 3, après un final de S2 en suspens entre Otis et Maeve. Une relation mise à mal que l’on espère de nouveau fusionnelle rapidement. Si on s’attend encore à de nouveaux personnages, et à retrouver toute cette bande de lycéens plus barjos les uns que les autres, on espère que Sex Education continuera sur sa lancée sans tomber dans le redite. En attendant, les 16 épisodes déjà produits sont disponibles pour se rappeler que oui : Sex Ed’ c’est très bien !