Lou est un personnage vraiment unique. Comment vous est venue cette idée ?
Dave Mullins : La première fois que j’ai écrit sur lui, je pensais simplement à mon enfance. Je déménageais énormément étant petit, donc j’étais souvent le nouveau de la classe. J’étais toujours très gêné, alors j’essayais de me cacher des autres élèves. Avec Lou, je souhaitais vraiment créer un personnage que les gens ne peuvent pas voir. Je voulais qu’il soit invisible, et quand j’y pense, c’est un concept très étrange. J’ai ainsi imaginé de quelle manière est-ce que je pouvais me cacher, et j’ai pensé à me mettre sous un tas d’affaires oubliées. A l’origine, Lou était donc un enfant dissimulé sous les objets, et finalement, il n’est devenu qu’un amas de jouets.
Avez-vous construit un vrai modèle de Lou afin de voir comment l’animer ?
Dave Mullins : Oui, ma femme, Lisa, a fabriqué une maquette afin que l’on puisse se rendre compte de la façon dont le personnage pouvait fonctionner. J’avais déjà plusieurs dessins de ce que je voulais. Mais ça n’avait pas l’air aussi intéressant que ce que l’on souhaitait. Donc on a redessiné de nombreux éléments et on est finalement arrivé à quelque chose de satisfaisant.
Avez-vous animé Lou comme un squelette ou chaque objet séparément ?
Dave Mullins : Le personnage de Lou est fait de plusieurs objets différents, donc on a du tout décomposer. Au départ, la capuche devait simplement servir de bouche. On y a, ensuite, mis les balles de baseball à l’intérieur pour faire les yeux, puis le haut du sweat-shirt est devenu la ligne de sourcils… Il a fallu tout animer à la main, c’était un véritable cauchemar ! (rires)
Dana Murray : Les animateurs sont toujours en colère d’ailleurs. (rires) , Non je plaisante. Ils ont vraiment adoré le challenge, mais c’est vrai que ça été difficile.
Pourquoi avez-vous choisi d’aborder la question du harcèlement scolaire ?
Dave Mullins : L’idée du harcèlement scolaire est venue plus tard, ça n’a jamais été le fil conducteur de LOst & foUnd. Au départ, le scénario tournait vraiment autour de ce personnage qui se cachait et qui cherchait l’acceptation des autres, le harcèlement en a simplement découlé. Dans nos premières versions, JJ n’était pas tellement un voleur, il s’approchait plutôt du « cafteur », seulement, on avait besoin qu’il terrifie les autres élèves pour créer de l’empathie. Mais, une fois que l’on voit ce qui lui arrive, on comprend mieux le personnage et sa situation. Il n’est pas qu’un méchant garçon, il a une véritable histoire. Si on avait créé un enfant uniquement horrible et sans pitié, il n’y aurait aucune émotion à la fin.
Au départ, l’enfant s’appelait JT. Pourquoi l’avoir modifié en JJ ?
Dave Mullins : Effectivement, dans les premiers storyboards, il s’appelait JT, mais c’était juste un nom que j’avais mis au hasard, histoire de mettre quelque chose. Puis, j’ai réalisé que c’était les initiales de mon ennemi d’enfance et je me suis dit : « ça craint, je ne vais pas mettre le nom de ce mec dans mon film ». (rires) Bon, c’était pas vraiment un ennemi…c’était juste ce gamin qui… Non, je n’avais pas d’ennemi (rires). Au final, j’ai décidé de mettre quelque chose qui avait du sens pour moi, donc JJ, c’est les initiales de ma grand-mère.
Est-ce que le résultat final reste proche du pitch original ?
Dave Mullins : On est finalement resté assez proche. Ce qui a le plus changé, c’est le ton. Car au début, c’était un peu moralisateur et le message était lourd. On a essayé d’alléger un peu tout ça et je pense que c’était vraiment notre plus gros chalenge.
Dana Murray : Je pense que c’est JJ qui a le plus évolué au fil des versions. On a beaucoup travaillé sur lui pour ne pas le faire ressembler à un énorme cliché.
Est-ce que vous avez ressenti une alchimie particulière lors de votre collaboration ?
Dana Murray : Dès le début, Dave et moi avons eu une très bonne connexion. Et je pense que cela vient surtout de l’humilité et l’humour, dont nous faisons preuve en permanence. Même les plus mauvais jours, on passait notre temps à rire. Les membres de l’équipe étaient absolument formidables et avec eux, le courant est tout de suite passé. Cela s’explique en partie par les petits effectifs, car cela rend la communication plus facile.
Dave Mullins : Nous invitions également tout le monde à s’exprimer, à donner son avis, ses idées et à partager ses difficultés. De ce fait, je pense que chacun avait l’impression d’avoir une place importante dans le film et c’est ce qui donnait autant d’énergie.
Il n’y a pas beaucoup de moyen accordés aux courts-métrages. Comment avez-vous réussi à animer autant d’enfants avec si peu ?
Dana Murray : Pour commencer, on a pu reprendre des personnages déjà créés pour d’autres films. On a retravaillé chaque enfant pour lui donner un certain aspect, mais si vous regardez Vice Versa ou Le monde de Dory, vous en reconnaitrez certains. Donc cela nous a permis d’économiser du temps et de l’argent. La plupart des courts-métrages n’ont pas autant de personnages que nous en avons ici. C’est pour cela que nous avons trouvé cette idée ingénieuse de « recyclage » des personnages.
Dave Mullins : On a vraiment créé et dessiné les principaux protagonistes, comme JJ et Lou. Mais pour être clair, les autres courts sur lesquels j’ai travaillé avaient 3 ou 4 personnages. Ici, on en avait plus d’une vingtaine. On s’est vraiment compliqué la tâche (rires).
Vous êtes resté en petit comité pour faire le film. Pourquoi ?
Dana Murray : Les longs-métrages sont la priorité des studios et les courts, qui font partie intégrante de la culture Pixar, restent finalement assez minimalistes. On prend ce qu’on nous donne quand on nous le donne. Donc on reste en effectifs réduits, comme si l’on ne voulait pas qu’on nous remarque (rires).
Est-ce qu’il y a eu des choses que vous n’avez pas pu faire à cause des restrictions de temps et de budget ?
Dave Mullins : Je pense que les restrictions sont une bonne chose, mais c’est sûr qu’il y aurait eu certains éléments à changer ou à améliorer. Cela dit, je crois qu’on est plutôt contents du résultat. L’histoire nous semble bonne, et c’est ce qui comptait le plus pour nous. On adore ce que l’on a fait de JJ et Lou, et c’est vraiment le plus important.
Dana Murray : En temps que productrice, je vous assure que les restrictions sont nécessaires, car les artistes ne savent pas s’arrêter ! (rires) Ils cherchent toujours à aller plus loin ! Ils en veulent toujours plus ! C’est la vérité !