Hubris est une création qui nous plonge avec talent et modernité au cœur d’une guerre de Troie intime, humaine et poignante.
Inspiré de l’Iliade d’Homère, Hubris revisite la Guerre de Troie pour aborder sous un autre angle ces figures de la mythologie. En les humanisant, mais aussi en s’intéressant aux oubliées de ces récits : les femmes. Une première création très très prometteuse de la compagnie Paizo.
Une belle surprise !
À moins que vous le sujet ne vous passionne, on sait ce que vous vous dites. « Bof, une tragédie grecque, ça ne me dit rien » ; « Je ne suis pas assez calé.e en mythologie » ; « Ça risque d’être un peu barbant »… On le sait parce que… gardez-le pour vous, mais c’est un peu ce qu’on s’est dit au début ! Même si nous gardons le souvenir d’un Eurydice aux enfers qui nous avait éblouis lors d’une précédente édition du festival. Mais vous le savez, ici on aime se lancer des défis, partir à l’aventure, explorer tout un tas d’univers et envoyer valser nos aprioris. Du coup, c’est une fois de plus notre curiosité qui a remporté la partie.

Mais avant de nous plonger dans l’histoire de la guerre de Troie, petit coup d’œil au Larousse pour éclaircir ce titre quelque peu énigmatique. « L’hubris (ou hybris, traduit par « démesure »), est une notion qui, dans la Grèce antique, renvoie à des attitudes excessives : passion, orgueil, outrage, crime, transgression. » Admettez que cela aiguise déjà un peu plus l’intérêt ! Et nous avons très vite compris, face à cette jeune troupe talentueuse, que nous n’allions pas piquer du nez pendant les 1h20 qui allaient suivre.
Un récit qui va au-delà de la mythologie
Le décor, déjà, à la fois simple et imposant, est efficace pour nous transporter ailleurs, dans le temps et dans l’espace. C’est sous une gigantesque tente que nous retrouvons d’abord Thétis et son fils adoré, Achille, interprétés par Clara Jauvar-Lacoste et Louis Djabali, tous deux très charismatiques. Bien que sa mère fasse tout pour l’en dissuader, Achille refuse de se contenter de régner. Il veut devenir un héros en rejoignant son armée sur le champ de bataille, aux côtés de Patrocle, que Corentin Gerold nous rend très attachant.
« L’honneur d’un homme naît dans sa mort »
Achille
La suite sera alors faite d’orgueil, beaucoup d’orgueil, de crimes évidemment, de relations familiales malmenées, de passion, de trahison… jusqu’à l’immoral, l’inhumain, l’insensé… Jusqu’à l’hubris. Il y a de la puissance, de l’intensité et une tension permanente dans cette pièce de Clara Jauvart-Lacoste qui nous livre un récit humanisé de l’Illiade. Dans ce que l’humain a de bon, de beau, de touchant. Mais aussi dans ce qu’il a de cruel, de torturé et de laid. Dans ses ombres et ses contradictions.
Hubris : une création pleine de modernité
C’est un combat à mains nues que se livrent ainsi le cœur et l’orgueil d’un Achille auquel on s’attache, pour ses contradictions justement, et ces élans de douceur que l’on voit parfois poindre. La parole est également ici rendue aux femmes, alors réduites à l’état d’esclaves, battues, violées, mais aussi battantes, courageuses, héroïnes. « Nous ne sommes pas divines par le sang mais par nos actions » exprime Thétis dans un propos qui résonne bien au-delà de la mythologie. La manière dont évolue la relation entre ces deux sœurs est d’ailleurs très touchante, même si l’autrice a pris soin d’explorer et de rendre intéressants tous les liens entre les différents personnages.

Cécile Garnier dans le rôle de Briséis, et Léa Michelot dans celui de Chryséis sont épatantes. Quelle intensité là encore ! Quelle présence et quelle justesse dans l’interprétation de ces deux rôles qui les confrontent au pire… On salue d’ailleurs l’intelligence de la mise en scène qui sait se faire subtile quand il le faut. On pense notamment à une scène de romance entre Briséis et Achille, tout en pudeur et délicatesse, ainsi qu’à une autre, particulièrement poignante, où un viol se laisse deviner à travers le seul corps dansant de Chryséis. Des moments visuellement et émotionnellement très marquants.

L’ensemble trouve également sa force et sa résonance dans les jeux de lumière et les musiques d’Ugo Bussi qui jouent également avec les contrastes, et viennent parfois l’un et l’autre embraser l’atmosphère. Le propos est clair, fluide, accessible aux plus néophytes. On aurait envie que toute la mythologie grecque nous soit contée de cette manière. Il est en tout cas clair que nous serons au rendez-vous de la prochaine création de cette jeune autrice, comédienne et metteuse en scène, qui fait directement, avec cet Hubris et aux côtés de ces artistes non moins talentueux, son entrée dans la cour des grands.
Hubris, écrit et mis en scène par Clara Jauvar-Lacoste, avec Louis Djabali, Cécile Garnier, Corentin Gerold, Clara Jauvart-Lacoste & Léa Michelot, se joue du 5 au 26 juillet 2025 au Théâtre de L’Adresse.
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Avis
Il se pourrait bien qu'Hubris nous ait donné le goût de la tragédie grecque ! Avec sa modernité, son intensité et sa justesse, aussi bien dans son propos que dans son esthétique et l'interprétation de ses comédien.ne.s, cette création ne peut laisser indifférent. On ne se souviendra sans doute pas de tout ce que nous aurons vu pendant ce festival, mais nous n'oublierons pas que nous avons vu Hubris.