Cela n’a pas toujours été le cas, mais Guillermo Del Toro fait désormais office de réel nom prestigieux dans l’industrie. Un artiste dont la sensibilité et l’amour immodéré pour les monstres en tout genre transpire dans chacune de ses œuvres. Un corpus éclectique en terme d’ampleur depuis plus de 30 ans, oscillant entre blockbusters populaires et films plus intimistes. Et à l’occasion de la sortie de son Frankenstein sur Netflix, revenons sur l’ensemble de sa filmographie avec un petit Top !
Guillermo Del Toro fait partie d’un renouveau du cinéma mexicain, au même titre que ses comparses Alfonso Cuarón (Roma, Disclaimer, Les Fils de l’Homme) et Alejandro González Iñárritu (The Revenant, Birdman, Amours chiennes). Véritable adorateur des monstres et du fantastique au sens le plus large, le bougre s’est illustré via une filmographie riche. Entre blockbusters d’auteur et films plus intimistes, la constance artistique est de mise dans chacun de ses projets de part sa sensibilité à fleur de peau.
Voici donc un classement (évidemment le seul le vrai !) de la filmographie de Guillermo Del Toro en tant réalisateur. En effet, il convient également de noter que le cinéaste mexicain a aussi produit des séries (Trollhunters, Le Cabinet de Curiosités) et a été consultant sur certains films d’animation Dreamworks (Les Cinq Légendes). Un bel échantillon sachant que bon nombre de projets du bonhomme ont été avortés (un western Le Comte de Monte-Cristo, Le Fantôme de l’Opéra, Le Hobbit, Justice League Dark, Doctor Strange, Je suis une Légende, Halo…), tandis qu’on espère encore le voir s’atteler aux Montagnes Hallucinées...
1- Le Labyrinthe de Pan (2006)

Le chef-d’œuvre incontesté de Guillermo Del Toro ! Le Labyrinthe de Pan détient d’ailleurs encore la couronne de la plus longue standing ovation jamais enregistrée au Festival de Cannes. Prenant place au début de l’ère totalitaire de l’Espagne franquiste, cette parabole d’un conte de fée place la jeune Ofelia dans une quête pour sauver un mystérieux royaume souterrain. Devant braver diverses épreuves, elle devra non seulement braver divers dangers fantastiques mais aussi prendre en compte la poigne de fer de son cruel beau-père.
Nourri de plusieurs niveaux de lecture, d’une atmosphère oscillant entre cruauté et merveilleux, Le Labyrinthe de Pan pourrait s’imposer comme le film fantastique terminal du genre de par sa finalité trouble et désenchantée (pas si éloignée de Le Vent se lève de Miyazaki quelques années plus tard). Mais est-ce que l’imaginaire suffit à s’échapper d’un monde où l’ignominie humaine prévaut ? La question reste ouverte, dans ce voyage absolument inoubliable !
2- Nightmare Alley (2021)

Peut-être un des films les plus sous-évalués du réalisateur, et pourtant le plus grand film récent de Guillermo Del Toro ! Avec Nightmare Alley, le cinéaste réadapte le roman Le Charlatan de William Lindsey Gresham. Récit à la fois ample et intime, il nous présente un escroc (Bradley Cooper dans son meilleur rôle) gravissant peu à peu les échelons (d’un crique itinérant au plus belles salles New-yorkaises) en vendant ses dons factices de télépathe. Et si ce film est aussi admirable, ce n’est pas seulement dans le savoir-faire de mise en scène ahurissant de Del Toro (trouvant ici de réelles cimes artistiques d’un pur point de vue filmique), mais dans le traitement sans filet orchestré.
Point de fantastique ou d’ésotérisme, la caméra et le pur langage cinématographique du réalisateur s’articule telle une déité portant un regard extrêmement misanthrope concernant la condition humaine. En résulte une odyssée adulte levant le voile sur une période sombre des USA (coincée entre la prohibition et l’après-guerre) où opportunisme et fuite en avant sont synonymes de perte d’humanité. Avec ce qui est certainement le meilleur film noir de ce début du XXIe siècle, Guillermo Del Toro le dit presque explicitement : les vrais monstres qu’il faut craindre, c’est nous !
3- L’Échine du Diable (2001)

Très certainement LE film de Guillermo Del Toro qui l’aura propulsé sur la scène internationale en tant que véritable auteur. C’est simple, L’Échine du Diable conjugue déjà tout son cinéma plus intimiste : une Espagne en pleine Guerre, un orphelinat, la notion de deuil, un fantôme qui hante les lieux en même temps que la menace littérale d’une autorité fasciste représentée par ce plan de bombe plantée dans le sol. Un pur modèle du genre en terme de sensibilité, régulièrement cité par le cinéaste lui-même comme le film qui lui a sauvé la vie après son cuisant échec suite à son premier film de studio avec Harvey Weinstein… Culte !
4- Blade II (2002)

On l’oublie peut-être, mais Guillermo Del Toro s’est attelé lui-même à la suite de Blade (dont le modeste succès aura été la locomotive pour tout le cinéma super-héroïque moderne), en démultipliant les possibles pour transcrire le langage du comic book au cinéma. En résulte sans nul doute son film le moins plébiscité, mais qui des années après ne ressemble pour ainsi dire à aucun autre blockbuster du genre !
Sorte de Douze Salopards conjugué à du film d’arts martiaux asiatique, de l’horreur punk teintée de gothisme et de l’action XXL piochant sa grammaire autant dans le jeu vidéo que dans le comic book ou la japanimation. Du gonzo musclé certes, de la frime en pagaille oui, et un Wesley Snipes à nouveau parfait en Daywalker (Del Toro disait que peu importe où on plaçait la caméra, l’acteur avait une pose parfaite de super-héros). Mais c’est bien dans son bad guy interprété par Luke Goss que ce Blade II tient du miracle, offrant là encore de surprenantes notes d’émotion aux monstres. Le Del Toro le plus sous-coté !
5- Pinocchio (2022)

Première (et pas la dernière..) incursion de Guillermo Del Toro dans le genre de l’animation en stop-motion, cette adaptation de Pinocchio fut un des projets de très longue date du réalisateur. Sorte de fin de trilogie sur le fascisme, ce récit aussi beau que cruel conserve la moelle du récit originel de Collodi, mais vu par le prisme d’un Del Toro doux-amer sur l’enfance.
Embrigadement sous Mussolini, mort synonyme de quotidienneté, relation père-fils quasi autobiographique… Pinocchio est vu sous un prisme plus noir sans occulter sa part de luminosité. Le tout dans une fabrication absolument impeccable, qui s’est soldée par l’Oscar du meilleur film d’animation (une rareté pour un film de petit studio en images par images). Bref, un excellent cru !
6- Frankenstein (2025)

D’aucun y verra un best-of du cinéma de Guillermo Del Toro, et peut-être n’auront-ils pas complètement tort. Avec cette ré-adaptation plus proche du matériau source de Mary Shelley, l’adorateur des monstres boucle la boucle en quelque sorte en revisitant le mythe qui a forgé sa cinéphilie. La matrice de son cinéma et tout y est dans un film-somme aussi beau qu’épique : du gothique, une relation père-fils conflictuelle, l’amour-haine envers Dieu, le fardeau de la création et le feu de Prométhée..
Frankenstein éclot ainsi dans un superbe écrin pour ce qui est instantanément sa meilleure incarnation au cinéma (Jacob Elordi bouffe autant l’écran que Oscar Isaac). Une manière de redonner ses lettres de noblesse à une figure mythologique généralement expurgée de toute son humanité, dans un film à la fabrication encore une fois exemplaire de minutie. Un pur bonheur, qui signe la fin d’une ère pour son auteur !
7- La Forme de l’Eau (2017)

La Belle et la Bête rencontre la Créature du Lac Noir et Amélie Poulain ! Une manière réductrice de définir le film le plus accessible de Guillermo Del Toro : La Forme de l’Eau aura symbolisé la consécration du cinéaste via son triomphe à la Mostra et aux Oscars, de quoi peut-être rendre son succès plus signifiant qu’il n’a l’air. Pour autant, le mexicain réussit un pari étonnant dans cette histoire impossible en pleine Guerre Froide.
Une romance sans une once de sexualisation ou de glamour, entre une femme de ménage sourde (superbe Sally Hawkins) et une créature aquatique déifiée jouée par l’habitué Doug Jones. Entre tension et légèreté, Del Toro livre un parfait illustré de sensualité renfermée et de romantisme à fleur de peau où la simple mise en scène et la puissance évocatrice de son sujet universel suffit à emporter la plus forte des adhésions. Un conte adulte mais incroyablement tendre, laissant la part belle aux laissés pour compte : très très beau !
8- Hellboy II (2008)

Suite du premier opus à succès, Hellboy II n’a malheureusement pas connu le même destin au box-office, annihilant les plans pour clôturer une trilogie initialement prévue. Avec ce second volet, Guillermo Del Toro opère un changement de ton qui pourra sans doute décevoir les puristes du premier volet. En contrepartie, le réalisateur se réapproprie complètement les comics de Mike Mignola pour aller plus loin dans la féerie et le spectaculaire.
D’une impressionnante séquence « Kaiju-esque » d’esprit élémentaire au climax impliquant les légions dorées en passant par la scène du marché (encore aujourd’hui le plus grand concentré de costumes/prosthétiques dans un film de Del Toro), Hellboy II se veut un vrai spectacle super-héroïque et fantastique au sens XXL. Mais c’est bien l’antagoniste (joué là encore par Luke Goss) qui rend cette suite marquante, proposant ni plus ni moins qu’un des meilleurs méchants du genre !
9- Pacific Rim (2013)

Ceux qui étaient là à la sortie pour découvrir Pacific Rim en salle 3D le confirmeront : cet hommage aux kaiju eiga ainsi qu’aux mechas issus de la japanimation est sans nul doute une des plus grandes franchises avortées ! Dans la mouvance d’un Blade II, Guillermo Del Toro s’amuse comme un enfant avec ses robots géants devant vaincre des monstres inter-dimensionnels, articulant son blockbuster autour de 3 grands morceaux d’action à la qualité variables certes (le climax reste la petite déception en terme de setting), mais à la générosité renversante.
Et outre un véritable acmé en plein milieu (cet affrontement nocturne en plein Tokyo), le film n’oublie jamais ses personnages brisés. Quand la fin du monde signifie se reconnecter à autrui pour exorciser ses traumas, cela donne une des plus belles séquences du cinéma de Del Toro sous forme de flash-back autant inspiré de Godzilla que des grands traumatismes guerriers de notre Histoire. Un très bon spectacle avec du fond !
10- Hellboy (2004)

Avec Hellboy, Guillermo Del Toro s’accaparait l’œuvre de Mike Mignola dans son premier blockbuster à succès ! Si bien que malgré les reboots moisis, c’est bien l’incarnation offerte par Ron Perlman qui reste dans les mémoires vingt ans plus tard. Démon sauveur parmi les humains et super-héros contre les forces du Mal, le colosse rouge tient le métrage par le simple charisme de son interprète, dans une aventure versant dans le cosmic horror lovecraftien et le pulp réjouissant. Del Toro oblige, c’est bien la dimension émotionnelle (romance impossible, relation au père) qui termine d’en faire une franche réussite !
11- Crimson Peak (2015)

La grosse production la moins célébrée de Guillermo Del Toro, pourtant Crimson Peak opère un véritable tournant stylistique dans la carrière de Del Toro. Notamment via sa collaboration avec le chef oéprateur Dan Lauststen (Le Pacte des Loups). La résultante est un film gothique teinté de romance absolument superbe plastiquement, saupoudré d’un triangle amoureux bien servi par son casting de choix. On regrettera sans doute une seconde partie plus classique dans son traitement du fantastique, heureusement servi par une mise en scène offrant quelques superbes séquences fantomatiques. Pas mal du tout !
12- Cronos (1993)

Premier long-métrage de Guillermo Del Toro, et pourtant tout son cinéma est déjà présent ! Une relique insectoïde capable d’offrir l’immortalité en contrepartie d’une métamorphose vampirique. Cronos est évidemment un film à petit budget, mais doit beaucoup à la sensibilité vivace du réalisateur, l’aura fataliste de son intrigue contenue, et l’interprétation sans faille de Federico Luppi dans un de ses plus beaux rôles ! Mineur peut-être…. mais finalement pas tant que ça !
13- Mimic (1997)

Le vilain petit canard dans la filmographie de Guillermo Del Toro ! Film de studio Miramax, Mimic bénéficie de jolis morceaux (son introduction notamment), dans une intrigue initialement excitante de créatures souterraines apparentées à des scarabées. Malheureusement, les affres du tournage (Del Toro précise qu’il a réellement tourné que trois quarts de ce qu’il voulait à cause des interférences des frères Weinstein) se ressentent au fur et à mesure d’un récit se précipitant jusqu’à un final décevant. Une curiosité pas forcément sauve par une director’s cut qui a au moins le mérite d’être sympathique, à défaut d’être remarquable !

