Andrea Anorld (Fish Tank, American Honey) revient au Festival de Cannes en Compétition avec Bird. Un film typique de son autrice, portant son regard dans le milieu défavorisé du Kent anglais. La nouveauté tient cependant dans un curseur poétique jusqu’ici jamais embrassé de manière aussi frontale dans son cinéma !
Depuis près de 20 ans, Andrea Arnold s’est petit à petit forgé une place de choix parmi les plus brillantes cinéastes britanniques du XXIe siècle. De Wasp à American Honey en passant par Fish Tank, la triple lauréate du Prix du jury cannois a su prendre le pouls d’une jeunesse défavorisée (que ce soit chez les white trash américains ou dans des bourgades anglo-saxonnes) par un regard au plus près des corps.
Andrea Arnold fait son nid
Bird ne déroge pas à cette règle, alors qu’Arnold nous invite dans le Kent natal de la réalisatrice, auprès de Bailey (Nykiya Adams). Cette jeune fille de 12 ans vit avec son frère Hunter au crochet de son père Bug (Barry Keoghan), plus enclin à vendre de la drogue pour faire subvenir aux besoins de sa famille et se marier à sa nouvelle compagne.
Tandis que Bailey embarque dans cette période charnière qu’est l’adolescence, elle va faire la rencontre de Bird (Franz Rogowski), un curieux personnage errant à la recherche de ses parents. Un lien étrange va ainsi se créer entre ces deux âmes perdues, tandis que Bailey devra faire face au nouveau compagnon violent de sa mère.
Désir émancipatoire
Dès les premières secondes de Bird, nous sommes comme dans des petits chaussons confortables en retrouvant la grammaire et les thématiques du cinéma d’Andrea Arnold. Caméra à l’épaule pour déambuler dans la bourgade de Dartford, tandis qu’en quelques répliques et séquences, on semble faire partie de la famille recomposée de Bailey.
Une famille dysfonctionnelle à plus d’un titre, alors que l’excellent Barry Keoghan (Les Banshees d’Inisherin) campe un jeune pater familias plus enclin à produire de la drogue via de la bave de crapaud (un concept!) plutôt qu’à extirper ses enfants du taudis dans lequel ils évoluent.
Mais là encore, c’est dans la faculté de la réalisatrice à trouver des jeunes actrices inconnues (formidable Nykiya Adams, captant chaque photogramme avec une sensibilité brute). Alors que Bird pourrait donc ressembler à une petite redite, c’est dans son étonnant spleen aérien que le film nous capte à chaque instant.
Une poésie d’abord matérialisée par l’irruption régulière de la figure de l’oiseau ou de l’envol, métaphore évidente de l’héroïne prisonnière de sa condition, et dont la puberté fait écho avec le désir de liberté de Bailey. Dopée par une excellente bande-son (comme toujours chez Andrea Arnold) supportant la catharsis de ses personnages, c’est bien dans le personnage éponyme de Bird que le film trouvera sa singularité.
Bird, ou l’envol sensible
Un Franz Rogowsky parfait déroute au premier abord dans cette figure au comportement aviaire de plus en plus prononcé. Dès lors, Bird basculera dans un surréalisme jamais trahi par un changement de grammaire visuelle, jusqu’à une séquence pivot qui méritait cependant une amorce de l’imagerie fantastique beaucoup plus congruente/crescendo pour infuser le récit.
Pourtant, Andrea Arnold parvient assez miraculeusement à contrecarrer cette bascule abrupte via un épilogue aussi émouvant que tendre. Si bien que nous aussi, les yeux presque humides qu’on se dit nous aussi que « tout va bien se passer », car Andrea Arnold est toujours là !
Bird est sorti ce 1er janvier 2025.
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avis
Andrea Arnold prouve encore une fois avec Bird qu'il n'y a peut-être aucun cinéaste équivalent capable de prendre le pouls d'âmes perdues en pleine construction. Alors que le regard sensible de la réalisatrice est toujours présent, c'est bien dans son spleen aérien que le film trouve sa singularité, jusque dans sa poésie appuyée par une symbolique fantastique et émouvante !