Récemment, du moins relativement récemment, on vous parlait de Deus Ex Human Revolution et de sa façon de répartir l’XP qui dénaturait la prise de décision. C’est, figurez-vous, en se penchant sur ses questions d’XP et de motivateurs extradiégétiques que nous en sommes venus à penser au Karma et à Fallout.
Il faut dire qu’un sujet aussi vaste que le précédent était une sacrée machine à ouvrir des portes. Beaucoup d’entre elles ont d’ailleurs été laissées sous le tapis – pas simple les portes ouvertes sous le tapis – pour ne pas perdre de vue l’essentiel. Or aujourd’hui, on se décide à accorder un peu de temps à une de ces portes laissées ouvertes derrière laquelle se cachait Fallout, celle de la quantification et la qualification de l’éthique via les statistiques de jeux de rôle – et même un peu au-delà !
Fallout et le Karma, comment ça marche ?
Alors, on ne vous ne parle pas là des alignements, style loyal mauvais, chaotique bon, etc. On parle ici de pures stats et de gros points. On vous parle de choses parfaitement quantifiables, mais qui ont trait à la morale. Le meilleur exemple que l’on ait trouvé est le fameux Karma qu’utilise Fallout… sauf le 4, mais bon, hein… c’est le 4, on ne va pas se formaliser sur les élucubrations de Bethesda Softwork sur une licence qu’ils n’ont jamais respectée.
Bref, comment le Karma fonctionne-t-il ? On va pour ça se baser sur l’itération du système que l’on connaît le mieux, celle de New Vegas qui reste de toute façon assez proche dans son fonctionnement des autres opus. En gros, si vous tuez une personne ou une créature (une brahmine par exemple) neutre ou bonne, vous perdrez des points, pareillement si vous volez, réduisez des enfants en esclavage ou si vous mangez vos petits camarades comme le dernier des cannibales, ça, ce n’est pas bon.
A contrario, vous gagnerez (des points de Karma) en faisant de « bonnes » actions (dons à un mendiant ou un lieu de culte) ou en tuant des créatures “mauvaises” (goules, bandits, etc). Notez, que les quêtes ainsi que vos décisions affecteront aussi votre Karma. Bref, vous pouvez apercevoir quelque chose d’assez proche dans Metro, où certaines actions donnent des bons points et d’autres de mauvais points, quoique la licence de 4A Games est plus tranchée sur ces questions, avec de bonnes et de mauvaises fins, ce n’est pas une stat rolistique non plus, on s’approche un peu moins d’un vrai “système”.
Le Karma ne change pas le niveau de puissance de votre personnage, il détermine surtout votre affinité avec différents PNJ ou factions, que vous soyez un bon samaritain ou un gros connard, c’est forcément un relationnel un peu différent. Les implications du Karma restent cela dit limitées d’autant dans les épisodes 3D et surtout New Vegas qui introduit un système de réputation et qui disons “désengorge” les implications très multiples que pouvait avoir le Karma par le passé. Dans New Vegas, il est un peu plus une question d’affinité et un peu moins de “réputation”.
Pression sociale
Le Karma vient agir comme une sorte de pression sociale, votre bonne conscience vous rappelle à l’ordre – même si cela dépend évidemment de votre niveau d’affinité avec le jeu ou votre personnalité, mais c’est quelque chose qui se produit chez beaucoup de joueurs.
D’ailleurs, Bioware avait, à ce sujet, dévoilé une statistique assez intéressante qui montrait que les joueurs de Mass Effect étaient davantage Parangon que Renegade – soit plus conciliant que pragmatique en version française. Les gens – et on est un peu pareil – jouent les “good guys”.
Les commentaires frustrés de certains sur Dishonored (se plaignant que le jeu « incite » à ne pas tuer alors que tuer est plus amusant) suivent plutôt bien cette logique. Techniquement, rien n’oblige le joueur à ne tuer personne dans Dishonored, il n’est pas réconpensé pour ça contrairement à Deus Ex Human Revolution par exemple. Seule la trame narrative est impactée de façon notable et pourtant, ça jase. Il y a confrontation entre “je veux être le good guy et avoir la bonne fin” et “je veux tuer des trucs”, sauf que dans Dishonored on ne peut pas être le good guy si l’on zigouille tout le monde. Malgré son influence négligeable sur l’aspect jeu de la proposition et bien quelque part, on voudrait le beurre et l’argent du beurre. Notre éthique nous colle aux pompes et on se décide à jouer d’une façon dont on apprécie moins le jeu, pour ne pas être le méchant… le tout dans un espace pourtant tout à fait virtuel !
Bref, le sujet est passionnant et certainement qu’on finira par y revenir, rien que pour parler plus en amont de Metro Exodus, The Last of Us Part II, Metal Gear Solid 3, Dishonored ou encore NieR, des jeux qui parlent de violence, de meurtres et de cercles vertueux… ou non. L’idée c’est que comme l’XP, des systèmes basés sur l’éthique du joueur influencent son comportement qui, sans ces petits rappels, pourrait oublier la teneur de ses actes. Si nous ne sommes pas fans de la dualité de Mass Effect – quoique le troisième fait mieux sur ce point -, on trouve le Karma de Fallout particulièrement intéressant.
À bon entendeur
Le Karma offre un feedback aux vols d’objets qui reste une plaie dans l’équilibrage des jeux Bethesda comme Fallout 4 ou même The Elder Scrolls Skyrim. Des jeux dans lesquels il n’y a de réponse que si vous vous faites repérer, sinon, pas de nouvelles patrouilles, pas de portes fermées ou de serrures plus difficiles à crocheter, rien. Vous pouvez vider une baraque sans qu’il n’y ait la moindre conséquence, ce qui fait d’ailleurs que le vol est très désincarné et qu’il n’y a pas dans la tête du joueur de grosses différences entre voler ou trouver un objet – à peine ne peut-on pas directement le revendre. On n’a pas vraiment l’impression de commettre un imper, ce qui est loin d’être le même ressenti sous l’épée de Damoclès du Karma.
Il n’y a pas de bon ou de mauvais Karma, là il n’y a que de la bonne XP, ce sont simplement deux chemins différents. Le jeu ne vous punit pas vraiment de voler, en soit, vous aurez même un bénéfice matériel immédiat à le faire, cela dit votre amour propre en prendra un coup, comme une sorte d’échange. Un peu comme dans l’excellent Bioshock : plus d’adam ou amour propre, il faut choisir. Accepterez-vous de vivre avec ce sang qui vous tache les mains ? Cette idée qu’être plus éthique peut vous pénaliser au niveau des ressources est super intéressante et crée de suite un paysage plus gris et nuancé, en plus de demander au joueur des sacrifices et de l’implication. Dur dur d’être good guy.
Le mendiant de Fallout 3 qui demande de l’eau purifiée à l’entrée de MegaTon en est aussi un bon exemple. Fatalement vous y perdez, vous lui donnez de l’eau purifiée contre le doux goût d’une bonne action, vous échangez une ressource contre un statut. Malgré l’espace virtuel, dans le jeu s’agitent quand même cette lanterne et cette culpabilité. Vous avez bon cœur.