L’exposition « Étienne Dinet, passions algériennes« , présentée à l’Institut du monde arabe, met en avant l’œuvre d’un peintre français qui a dédié sa carrière à l’Algérie et sa culture. Échappant jusqu’à aujourd’hui au reproche d’exotisme et au procès fait au regard colonial, il propose une vision unique de ce pays d’adoption. Une exposition nourrie par sa passion et son amour pour ce pays.
Dans les années 1970, le peintre français Étienne Dinet fut reconnu comme un « maître de la peinture algérienne » par l’État algérien. Malgré ses origines coloniales, il a su dépeindre avec réalisme ce pays et ses habitants. Il donne ainsi une image de l’Algérie à l’étranger qui entre en rupture avec l’inauthenticité de l’exotisme. L’exposition, découpée en plusieurs segments, permet de nous faire découvrir ses tableaux, dessins et ouvrages sous différents angles.
La réalité algérienne
L’exposition s’ouvre sur un espace entièrement dédié à « l’immersion dans la réalité algérienne ». La toute première œuvre, Une crue de l’Oued M’ZI (1890), est un plan d’ensemble aux couleurs pastel et chatoyantes. Les reflets des collines dans l’eau scintillent d’un enchevêtrement de bleu et d’orange, deux tons que l’on retrouve dans la scénographie de l’exposition. Cette dernière, conçue par Maya Nassif, est agréablement pensée en laissant la place aux œuvres grâce à leur disposition dans l’espace.
Dès ces premiers tableaux, on découvre la volonté d’Étienne Dinet de représenter des fragments de vie. Adepte de la photographie, on pressent dans ses peintures son désir de capturer un instant fugace. Ses trois tableaux dédiés aux jeunes-fille de Bou-Saâda nous donnent ainsi accès à des moments anodins de vie, comme les bavardages dans un coin de rue entre un groupe de sept enfants.
Un zoom progressif sur le peuple
Plus on avance dans l’exposition, plus les peintures deviennent intimistes. Etienne Dinet s’immisce au plus près de ses modèles, délivrant ainsi des portraits d’une grande profondeur. Il nous plonge dans le regard de L’homme au grand chapeau et dans celui d’une rêveuse accoudée à un escalier. Le réalisme des traits nous donne à voir des individus à part entière et il devient difficile d’échapper aux expressions qui émanent de leurs yeux.
Comme grand nombre de peintres de l’époque, Etienne Dinet a représenté des nus féminins. Alors que le musée de Bou-Saâda cache cette partie de sa création (il faut demander l’accès pour entrer dans la salle), le commissariat de l’exposition Mario Choueiry a fait le choix de dévoiler ces œuvres. Naît alors de ces tableaux une ambiguïté : à la fois Etienne Dinet peint ces femmes avec réalisme, à la fois la représentation de ces corps répond à des archétypes fantasmés. Chacun pourra se faire son son avis sur ces tableaux, mais ils n’en restent pas moins envoûtants.
Une culture par l’écrit
L’exposition se penche également sur le rapport profond entre Étienne Dinet et l’Islam. Converti officiellement en 1913, cette religion a pris une place conséquente dans sa vie, comme en témoignent plusieurs ouvrages qu’il a lui-même rédigés ou illustrés. Dans l’une des vitrines de l’exposition, on découvre ainsi son livre La Vie de Mohammed, Prophète d’Allah qu’il écrit en 1918.
Son goût pour la culture arabe le pousse également à illustrer avec 132 planches gravées l’illustre Roman d’Antar, l’œuvre la plus précieuse et ancienne de la littérature arabe. Dans l’exposition, une vingtaine d’études préliminaires de ces dessins sont alignées sur un mur et donnent à voir des extraits de ce grand récit épique.
“Etienne Dinet, passions algériennes” permet de découvrir l’œuvre d’un artiste qu’aucune exposition parisienne depuis 1930 n’avait donné la possibilité d’entrevoir. Un regard unique sur l’Algérie.