Jean-Louis Trintignant s’en est allé à 91 ans. L’acteur, comme l’homme, furent discrets mais s’affirmèrent au détour d’une filmographie flamboyante.
Jean-Louis Trintignant, un maître très discret s’en est allé. Tel est l’adjectif que l’on adjoint souvent au nom de l’artiste. L’acteur avait révélé être déjà parti, loin de la vie et du cinéma, après le décès de sa fille, Marie Trintignant, en 2003. Sur près de 120 films, on l’avait pourtant retrouvé, magistral, dans le Amour de Michael Haneke en 2012, récompensé d’une Palme d’Or amplement méritée. Et puis, un dernier tour de piste en 2019 avec Les Plus Belles Années d’une vie, pour la suite du chef d’œuvre de Claude Lelouch Un homme et une femme, lui aussi récompensé d’une Palme d’Or en 1966, qui ne valait que pour les retrouvailles de son duo d’interprètes, et d’un Jean-Louis Trintignant déjà très affaibli.
Prestigieux discret
On peut cependant comparer Jean-Louis Trintignant à Alain Delon. Souvent deuxième, où troisième choix de casting, l’acteur révélé en 1956 dans Et Dieu… créa la femme de Roger Vadim, exposant alors une relation infidèle avec l’actuelle compagne du réalisateur, une certaine Brigitte Bardot. Séducteur également ,mais à l’instar d’Alain Delon, Jean-Louis Trintignant campait des rôles désagréables au cinéma, acceptant pour Costa-Gavras un rôle plus torturé dans Compartiments tueurs en 1965, alors que le cinéaste avait laissé le choix à l’acteur d’un personnage plus sympathique, où campant un militant d’extrême-droite dans Le Combat dans l’île d’Alain Cavalier en 1962.
Ce qui n’a pas empêché au réalisateur de rivaliser avec d’autres grands acteurs de sa génération, tels que Jean-Paul Belmondo, Jean-Pierre Marielle où Jean Rochefort, c’est bel et bien sa filmographie. D’Éric Rohmer (Ma nuit chez Maud), au Conformiste de Bernardo Bertollucci, sa carrière italienne fut également très riche. Fort de ses nombreuses collaborations avec le maestro Ettore Scola (Passion d’amour, La Nuit de Varennes) et Colpire al cuore de Gianni Amelio, récompensé à la Mostra de Venise. On se souviendra ainsi, et surtout, d’un acteur tournant dans des films plus auteuristes, et plus politiques, en atteste le Z de Costa-Gavras, le Vivement Dimanche ! de François Truffaut, Trois Couleurs : Rouge de Krzysztof Kieślowski et des deux premiers longs-métrages d’un certain Jacques Audiard.
Une voix si particulière
Ce qui restera gravé dans notre inconscient collectif à tout jamais, au-delà de sa prestation d’amoureux fan d’automobile dans Un homme et une femme, c’est cette voix, chancelante, tremblante et habitée, qu’Arthur H avait eu la bonne idée d’inviter sur l’un de ses plus beaux titres, L’ivresse des hauteurs / Elias Basquiat, figurant sur son album Baba Love, poème sublime où la voix de Jean-Louis Trintignant régnait en majesté. Un maître discret, dont les funérailles reflèteront cet effacement, puisqu’elles se feront, loin des projecteurs, en toute intimité.
L’occasion donc de voir, revoir, de découvrir où de redécouvrir la filmographie folle d’un homme dont la discrétion aura cependant marqué des plus belles images du 7ème art. L’on vous laisse donc avec cette voix si sensible, si marquante, qui aujourd’hui qu’elle s’est tue, résonne encore plus fort, remuant la mémoire d’un acteur si formidable, si complet, si complexe, qui s’il n’aura jamais eu la même gloire que ses semblables, gardera une place toute particulière dans nos cœurs d’auditeurs et de cinéphiles. Adieu, en toute discrétion, mais avec un amour aussi débordant que son talent, qui lui, n’a jamais su être discret pour s’imposer.