Winter Break a tout du petit miracle de Noël, à la chaleur humaine contagieuse et habité par des personnages que l’on aimerait ne jamais quitter.
Winter Break, on l’espère, réussira à se frayer la place qu’il mérite vraiment au milieu des poids-lourds annoncés en grande pompe de cette fin d’année cinématographique, entre la ressortie de l’éternel Love Actually, du Wish de Disney, du Wonka campé par Timothée Chalamet ou bien des Trois Mousquetaires – Milady porté par à peu près tout ce que compte de talents notre cher cinéma hexagonal. Il faut dire que la tendresse, valeur principale du huitième long-métrage d’Alexander Payne, aura bien eu du mal à se frayer un chemin cette année, en ces temps durs d’actualités moroses et de blockbusters d’auteurs s’emparant de la face sombre de l’histoire américaine, tels qu’Oppenheimer et Killers of the Flower Moon, ou bien de produits désincarnés uniquement pensés comme des pompes à dollars, comme le furent Super Mario Bros, le film et Barbie.
Alexander Payne, cinéaste s’étant cassé les dents sur un projet à gros budget, à l’idée pourtant audacieuse mais au résultat décevant, Downsizing, n’aura pourtant eu de cesse d’empiler des merveilles de portraits de personnages, de Nebraska ayant redonné à Bruce Dern toute la gloire qu’il mérite à Monsieur Schmidt honorant alors un Jack Nicholson en fin de carrière. Winter Break, c’est ainsi et avant tout Paul Giamatti, acteur de renom souvent cantonné aux miettes, qui incarne ici avec merveille un vieux professeur aigri, de dix années au moins supérieur à son âge, et qui bouleverse autant qu’il amuse dans un projet qui parvient facilement à s’extraire de son appellation facile de vulgaire film de noël. Parce que dans Winter Break, il y a aussi peu de choses que l’essentiel : des personnages forts, un écrin soigné, et surtout une déclaration enamouré à tous les reclus et les rejetés qui continuera à émouvoir bien au-delà du sapin.
Précieuse mélancolie
Winter Break nous ramène ainsi à l’hiver 1970, sous la neige d’un lycée prestigieux de Nouvelle-Angleterre. En période de vacances scolaires, M. Hunham (Paul Giamatti, en bouleversant Scrooge qui mérite une voire plusieurs statuettes), un professeur d’histoire antique aigri et détesté, se voit ainsi contraint de garder 4 garçons demeurés sur place. Et il n’y a, à l’opposé du Licorice Pizza de Paul Thomas Anderson, aucune nostalgie solaire dans le film d’Alexander Payne, qui place ses personnages de délaissés en purs antithèses d’une Amérique triomphante, envoyant alors sa troisième mission spatiale dans l’espace et causant bien des ravages au Vietnam. Le trio du métrage, portée par un jeune étudiant difficile (incarné par le très juste Dominic Sessa), une cheffe de cantine endeuillée (fantastique Da’Vine Joy Randolph) et un professeur se refusant à sortir au-delà des murs du lycée qui l’a vu grandir paraît même incarner une sorte de refuge aussi improbable que chaleureux.
Trahissant rapidement son amusante bande-annonce rétro, mettant en scène l’affrontement puéril entre un professeur acariâtre et des élèves turbulents, Winter Break est ainsi, telle une bonne tisane au coin du feu, un film à décoction lente, prenant le temps sur ses près de deux heures et vingt-minutes (qui passent d’ailleurs en un éclair), le temps de déshabiller ses attachants personnages, et de peu à peu toucher une corde aussi juste que sensible. Par de discrets effets rétros de dézoom et d’une magnifique photographie granuleuse signée Eigil Bryld, Alexander Payne manie ainsi avec une précieuse maestria l’art de sublimer le commun, le banal, pour le muer en une chose aussi précieuse qu’éphémère. Comme la capture d’un moment de grâce, suspendu du temps, qui réussit ici à capter quelque chose d’essentiel, sur la partition d’une mélancolie tendre et jamais étouffante.
Dé-conte de noël
Winter Break ne tombe ainsi jamais dans le piège du film de noël doucereux, osant en quelques instants suspendus aborder des sujets graves avec un soin constant. L’amas de drame n’est ainsi nullement ici un refuge facile, surtout en pleine période de films à récompenses, la mise en scène d’Alexander Payne y préférant la tendresse de petits gestes, tels qu’une main tendue, un clin d’œil ou de petits sourires en coins, traduisant en de minuscules détails tout ce que la beauté et la maîtrise du septième art permet de faire parvenir directement tout près du cœur sans d’alourdissantes explications et d’inutiles effets appuyés. Deuil, solitude et dépression ne font ainsi habituellement jamais bon ménage au cœur d’une période où tous nous semblons presque contraints d’être automatiquement heureux, sauf lorsque tous ces sujets sont mis au service de personnages cruellement attachants, avec qui l’on aimerait rester même une fois le générique terminé.
Parce que dans Winter Break, noël, tout comme l’école, l’adolescence et le deuil sont ici mis au même rang : des périodes de transition dans lesquels se retrouver, écouter, regarder, apprécier et aimer, sans jugement ni appréhension aucune. Des instants suspendus où l’humain peut enfin se dévêtir de ses apparats les plus encombrants, de ses postures les plus étouffantes, se délester de ses apriori pour paraître tel qu’il est, au milieu du regard bienveillant de ceux qu’il aime. Winter Break c’est ainsi tout ça, et finalement si peu de choses, mais cela fait, surtout pour notre tout petit cœur, déjà beaucoup, et suffisamment pour vous recommander de ne pas passer à côté de cette véritable et précieuse, toute petite petite merveille.
Winter Break est actuellement en salles.
Avis
Winter Break ne se sert jamais de ses bons sentiments pour faire facilement et grossièrement pleurer dans les chaumières, en surfant sur la caricaturale appellation de film de noël. Le film d'Alexander Payne échappe à tout cela, avec une grâce infiniment précieuse faite de petits détails et de personnages à l'humanité tellement débordante qu'on ne voudrait jamais les quitter.