Wahou ! voit Bruno Podalydès en agent immobilier, qui malgré quelques longueurs, perpétue ici la poésie toute singulière et infinement précieuse de son cinéma.
Wahou ! est (déjà) le dixième film de Bruno Podalydès. Manifeste d’un univers à part, d’un geste oscillant entre l’anachronisme et la poésie enfantine pure, à rebours totale de notre époque, l’oeuvre du cinéaste compte à ce jour quelques petites merveilles, du récent Comme un avion, en passant par Adieu Berthe, l’enterrement de mémé où du plus cruel qu’il n’y paraît Liberté-Oléron. Des références à Tintin, aux avions, à la sempiternelle glaviole qui traîne dans le décor, l’oeuvre de Bruno Podalydès possède ainsi sa propre mélodie, son charme désuet, ainsi que sa fidèle troupe de comédiens que l’on retrouve avec plaisir dans chacune de ses oeuvres. Si récemment son entrée dans le monde de la start-up avec Les 2 Alfred nous avait (un tout petit peu) déçu, Wahou ! poursuit pourtant le même geste avec une poésie toute similaire, délaissant cependant un tempo comique trop étouffant pour une observation aussi juste qu’universelle.
Les oeuvres récentes de Bruno Podalydès avaient ainsi conviées une grande actrice, à priori étrangère et entrant souvent avec malice dans l’univers du cinéaste et de sa troupe en y apportant une couleur toute nouvelle : ce fut Valérie Lemercier pour Adieu Berthe, l’enterrement de mémé, Sandrine Kiberlain pour Comme un avion, Les Deux Alfred et ce sera ici Karin Viard pour ce Wahou !. À savoir, l’observation du quotidien de deux agents immobiliers, Catherine (Karin Viard) et Oracio (Bruno Podalydès) et de leur quête du fameux effet Wahou! au cours de la visite de deux biens immobiliers, et de leurs drôles de clients. Et de ce dispositif théâtral que n’aurait pas renié un certain Alain Resnais (avec qui Bruno Podalydès avait collaboré sur Vous n’avez encore rien vu et qui possédait la même idée de troupe d’acteurs fidèle), le cinéaste croque toujours avec le même oeil averti, et la même malice, des portraits de personnages toujours aussi touchants.
Visites intimes
Dans Wahou ! on est ainsi très loin d’un trop intrusif Stéphane Plaza où du bling-bling épuisant de L’Agence : l’immobilier de luxe en famille. Les agents immobiliers de Bruno Podalydès sont aussi imparfaits que leurs clients, et adaptent leurs discours aux comportements et aux postures de ces derniers, ici croqués avec toujours autant de finesse. De la troupe de musique qui s’étiole (menée par une Agnès Jaoui, impériale comme à son habitude), au jeune couple faisant l’acquisition de son premier bien (et d’un paternel sec campé par un Roschdy Zem décidemment toujours parfait), en passant par le duo de startupeurs blasés, dans Wahou ! on ne vend pas uniquement des biens mais l’on crée de véritables moments de vie, habillant des lieux qui en sont alors desertés. Comme pour filmer l’humain, l’acteur, scénariste et réalisateur croque les petits détails de ces sites de visite avec une singularité qui lui est propre, éparpillant tout son cinéma dans ces décors, dans lesquels on se sent ainsi instantanément chez soi.
Il y a ainsi une véritable proximité, transfigurant les spectateurs en visiteurs, se régalant du sens du détail, de la posture, des amusantes mimiques de chaque personnage et des histoires de chacun, rappellant presque le brillant dispotif d’En thérapie, le comique en plus, et d’agents immobilers ici parfois transfigurés en psychologues. Dans ces instantanés de vie, il y a ainsi parfois quelques longueurs, mais même ces dernières demeurent précieuses car pétries d’une sincérité qui touche peu importe les âges et les classes sociales observées. Plus qu’un cinéaste, Bruno Podalydès se fait ici, une fois de plus, poète du quotidien et des instants les plus précieux, et transfigure, comme dans Adieu Berthe, l’enterrement de mémé et son entreprise de pompes funèbres, ses agents en véritables acteurs essentiels du cheminement d’une vie, témoins précieux et incontournables bien que cruellement remplaçables.
Biens humains
Il y ainsi dans Wahou !, comme dans les récentes oeuvres de Bruno Podalydès, la mise en scène d’inadaptés, d’idéaux et d’une époque tous amenés à disparaître, s’épanouissant dans des lieux hors du temps. C’était un homme ne sachant choisir et dire adieu à son enfance dans Adieu Berthe, l’enterrement de mémé, d’un cinquantenaire lassé du quotidien et de la rapidité de ce dernier dans Comme un avion, des individus et leur singularité contre la start-up et la technologie dans Les Deux Alfred. C’est ici un agent immobilier souhaitant vendre de la vie et y trouver un refuge et n’y trouvant que des exigences irrésolubles et une concurrence froide et décinsarnée dans Wahou !. Mais mieux qu’une nostalgie morbide, et d’un sempiternel, redondant et surtout artificiel « c’était mieux avant », Bruno Podalydès choisit une fois de plus d’y répondre avec intelligence et poésie.
Celle d’un jeune amour éclairé à la lumière de la bougie de Sainte-Rita dans un appartement vide aux volets fermés, d’un couple au crépuscule de leur vie souhaitant quitter une maison où ils ont passé leur vie et se réfugiant comme des enfants dans une pièce dissimulée pour lire Tintin, et surtout, du regard d’un métier de simple vendeur aux bénéfices faciles, ici observé avec une infinie tendresse. Wahou !, c’est un peu tout ça, c’est peut-être rien, mais du rien, l’on peut faire beaucoup, des petits riens de notre vie qui ne veulent à-priori plus rien dire, mais dont Bruno Podalydès sait s’emparer pour leur redonner toute leur beauté, leur poésie et surtout leur infinie préciosité face à l’insolluble temps qui passe.
Wahou ! est actuellement en salles.
Avis
Wahou ! perpétue avec la même poésie, la même finesse et préciosité l'oeuvre à part de Bruno Podalydès. Capturant des visites comme de précieux moments de vie, Wahou ! distille sa petite mélodie, comme une ritournelle à la fois charmante et réconfortante d'une époque qui délaisse parfois l'humain et ses singularités, que Bruno Podalydès sait capturer avec une malice et un plaisir omniprésents.