Le Principal suit un Roschdy Zem exemplaire en principal, dans un film sec qui ne dépasse jamais les lignes.
Le Principal suit ce qui fut sûrement la plus grande année cinématographique de Roschdy Zem. Depuis son César du meilleur acteur pour Roubaix, une lumière d’Arnaud Desplechin, l’année 2022 fut ainsi émaillée de succès critiques et publics pour l’acteur, enchaînant coup sur coup les meilleurs films des cinéastes avec qui l’acteur a collaboré. L’Innocent, évidemment, de Louis Garrel, puis surtout Les Enfants des autres de Rebecca Zlotowski, en passant par Enquête sur un scandale d’état de Thierry de Pieretti, puis Les Miens, où Roschdy Zem épatait à la fois à la mise en scène, au scénario avec Maïwenn, et devant la caméra accompagné d’un Sami Bouajila impérial. L’acteur poursuit donc son état de grâce artistique en débutant sous les meilleures auspices l’année 2023 avec ce Principal.
Troisième long-métrage de fiction de Chad Chenouga, ce dernier avait ainsi déjà su croquer la difficulté de l’insertion et de l’ascension sociale dans le très beau (et en partie autobiographique) De toutes mes forces, où Yolande Moreau irradiait déjà l’écran. Pour Le Principal, le cinéaste s’inspire une fois de plus de faits réels, d’une histoire qui rentre cependant pleinement en concordance avec ses sujets de prédilection, en suivant un principal adjoint, prêt à tout pour la réussite de son fils, qui n’hésitera pas à contourner la loin afin que ce dernier obtienne son Brevet des collèges. Porté par un Roschdy Zem impeccable, Chad Chenouga épouse ainsi les contours trop bien tracés de son personnage, dans une mise en scène sèche qui fait à la fois la force et la limite du métrage.
Sans bavures
Le Principal suit ainsi la trajectoire sous contrôle de Sabri, principal adjoint irréprochable dans un petit collège de quartier, sec et rigoureux, qui rêve de la même réussite pour son jeune fils. Émaillé d’influences littéraires, qui ne noient jamais le récit mais lui apportent une solide direction, le film de Chad Chenouga observe ainsi avec beaucoup de réussite ce personnage d’homme froid, dont chaque acte s’avère calculé, et pour qui le perpétuel sentiment d’imposture se voit forcément calqué sur ses lectures, et sur son appréhension à l’art, qui se doit de suivre la même rigoureuse ligne de conduite qu’il s’applique lui-même au quotidien. Les confrontations entre Roschdy Zem et Yolande Moreau comptent ainsi parmi les plus belles scènes du film, où la poésie de l’actrice (et de son personnage) semblent en perpétuelle contradiction avec la rigueur de l’incarnation de ce principal bien sous tout rapports.
Du perpétuel syndrome de l’imposteur donc, en passant par la question de la réussite sociale, et de la filiation, tous ces sujets chers au réalisateur (et à l’acteur pour ce dernier) s’avèrent ainsi amenés avec beaucoup de minutie. Mais voilà, cette rigueur irrigue autant qu’elle assèche toutes les émotions que tente de susciter Le Principal. Laissant volontiers de côté un volet plus judiciaire, dont la conclusion s’avérera beaucoup plus décevante, Chad Chenouga semble ainsi pêcher comme son personnage, par excès de zèle, retombant cependant sur ses pieds lors de scènes de solitude infinie, où la rage intérieure et les contradictions du protagoniste principal semblent ne jamais vouloir exploser, très finement interprétées, toute en retenue, par un Roschdy Zem, une fois de plus impeccable.
Le principal défaut
On ne saurait donc faire les fines bouches devant ce film à priori aussi exemplaire que l’image du personnage qu’il s’entend croquer. Mais voilà, à force de trop de sérieux, on ne ressent jamais le trouble qui devrait exploser, ainsi que la mécanique de thriller que s’entend emprunter Le Principal. Devant un personnage aussi froid, et un scénario à l’imparable minutie, jamais Chad Chenouga ne sait ainsi pleinement saisir l’étouffement, ainsi que la trajectoire anxiogène qu’emprunte son protagoniste. Le métrage file droit, peut-être un peu trop, ne déraillant jamais vraiment de sa ligne de conduite. On pense ainsi assez évidemment à un autre portrait de personnage accroché à son statut social au bord de l’implosion, où le trouble, distillé par petites touches, épousait le contrôle total de sa protagoniste avec le Tàr de Todd Field.
Mais si ce dernier était porté par une mise en scène impériale, celle de Chad Chenouga, en plus d’aborder des sujets diamétralement opposés, se fait beaucoup plus discrète, et manque parfois cruellement de personnalité, de chair et des zones d’ombres propres à son sujet. Il ne restera ainsi de ce Principal que son portrait fin et en toute petites touches d’un personnage aussi sec que cruellement attachant, dont on aurait aimé apprécier une part plus généreuse d’humanité, d’un film qui s’évertue malheureusement à s’accrocher à sa sécheresse.
Le Principal est actuellement au cinéma.
Avis
À l'image de son protagoniste, Le Principal s'avère être d'une précision exemplaire, porté par un Roschdy Zem impeccable et un scénario minutieux. Mais au-delà de sa ligne de conduite, jamais rien ne dépasse, passant malheureusement sur les zones d'ombre de son sujet pour délivrer un résultat aussi sérieux que sec.