Présenté au Festival de Cannes à la Semaine de la Critique, Vincent doit mourir se présente comme un pur film de genre qui justement ne fait pas genre. Via un concept de départ aussi improbable que burlesque, cette histoire de survie prend des allures aussi dramatiques qu’incarnées, le tout porté par un impeccable Karim Leklou.
Derrière son titre qui embrasse le pur cinéma de genre, Vincent doit mourir tient également d’un concept tout à fait accrocheur : le film nous introduit donc au personnage de Vincent (Karim Leklou), fonctionnaire à la vie sans heurt, qui va subir une curieuse agression au travail. En effet, un collègue va décider de le frapper sans raison, pris d’une violente crise fugace.
Malheureusement, l’évènement va se reproduire le lendemain auprès d’une autre personne..puis une autre et encore une autre. Le point commun de ces attaques : Vincent ! Ne comprenant pas d’où provient cet étrange phénomène meurtrier, ce dernier va devoir s’isoler pour sa survie, tandis que n’importe quelle rencontre et n’importe quel regard échangé peuvent entraîner un pugilat mortel.
Invasion des profanateurs de regards
Avec ce pitch, on penserait presque à du film de zombie tendance Romero, mais Stephan Castang (dont c’est le tout premier film) s’inscrit dans le genre du body snatchers (popularisé par l’Invasion des profanateurs de sépultures). Un type de récit où une menace surnaturelle prend l’apparence du quotidien. Et le réalisateur s’en amuse de manière communicative d’entrée de jeu : un collègue, un passant, un automobiliste, des enfants…
Chaque rencontre initiale nous fait valider le postulat improbable de Vincent doit mourir pour mieux le pousser encore plus loin. L’absurde l’emporte donc jusque dans du réel comique de situation, à l’image de ce duel inventif..en pleine fosse septique ! Une noirceur ironique infuse cependant le métrage, abandonnant ensuite le burlesque au profit de la paranoïa et du survival.
Et les ingrédients sont simples : Castang nous immerge dans la propre violence de notre quotidien, renversant les échelles de valeur sociétales pour mieux exacerber la solitude de l’individu. Pour se faire, pas de trognes patibulaires, l’opposition et le danger viennent de faciès tout à fait ordinaires, jusque dans les chorégraphies de combats n’allant jamais vers le film d’action.
Karim Leklou doit mourir
Le choix de Karim Leklou en protagoniste en cristallise d’ailleurs toutes les intentions via son allure plus commune et singulière. Car Vincent c’est un nobody, comme le spectateur, non-entraîné à ce qui lui arrive. Il y a donc une réelle identification qui s’opère, tandis que le protagoniste tente de progressivement s’adapter et comprendre ce qu’il peut faire pour survivre. Inutile de dire que l’acteur s’en sort comme un chef, usant de postures, de silence et de regards encore plus communicatifs que le verbe.
Le métrage prend une tournure plus intime alors que l’excellente Vimala Pons intègre le récit : Vincent doit mourir met ainsi ses ambitions survivalistes plus extrêmes au service d’un regard plus posé et désespéré de l’indifférence face à la violence. Une dimension existentielle qui aurait sans aucun doute gagnée à être mieux approfondie, mais qui est bien présente (à l’image de cette figure du ruban couvrant les yeux, parfois même au sein d’un couple).
Au final, Vincent doit mourir ne donne sans doute pas de clés sur le phénomène qui survient dans le film (au mieux les règles du jeu nous sont parfaitement énoncées sans en dévier), et c’est en cela qu’il comprend le genre qu’il investit. Embrassant la violence impromptue d’un quotidien de plus en plus déstructuré, Vincent doit mourir est une nouvelle réussite du cinéma de genre, renforcée par la BO sous tension de John Kaced (excellent générique d’intro!) : pas mal non ? c’est français !
Vincent doit mourir sortira au cinéma le 15 septembre 2023
avis
Vicnent doit mourir est une preuve qu'en France on sait manier les codes du genre pour les subvertir et proposer un vrai survival original, porté par un excellent Karim Leklou. Le gag vire rapidement au drame survivaliste et une satire fine de notre société gangrenée par une violence sourde : Stephan Castang est désormais un talent à suivre !