Malgré de belles réussites incontestables, c’est surtout parce que la forme ne rend pas justice au fond que Velvet Buzzsaw ne restera pas une toile mémorable.
Un critique d’art et ses collègues galeristes expérimentent les retombées surnaturelles de l’exploitation d’œuvres d’un artiste décédé. Avec son casting 5 étoiles, dont notre chouchou Jake Gyllenhaal, et la réalisation (et scénarisation) de l’efficace Dan Gilroy, Velvet Buzzsaw avait tout pour devenir une œuvre unique, malheureusement entachée par une forme bancale, incomplète.
Velvet Buzzsaw reste enclavé dans un genre horrifique sans réelles surprises, où les prises de liberté de Gilroy peinent à rendre le film crédible. Même si la production de Netflix s’en sort quand même plutôt bien, notamment grâce à cette folie élitiste qui dégage une ambiance contrastée, à la fois inquiétante et électrisée et de beaux morceaux de mise en scène.
Velvet Buzzsaw, le « Criticon’art » de l’horreur !
Pour ceux qui ne connaîtraient pas ce générateur de critiques d’art contemporain, on vous conseille d’aller y faire un tour, histoire de vous la péter comme le ferait Gyllenhaal dans Velvet Buzzsaw. À base de discours ésotériques et d’une dialectique empreinte d’une suffisance effroyable, le long-métrage de Gilroy montre ici la superficialité d’un monde prétentieux poussé à l’extrême. A la limite de la parodie sur fond de minimale, Jake Gyllenhaal excelle en mode Dujardin dans 99 francs et joue à outrance la carte du « puissant crétin irresponsable », face à une Renée Rousso exécrable à souhait. Seul Malkovich, en artiste désabusé et exclu du système semble représenter notre focalisation éberluée dans un film à la limite de la satire, mais qui jamais n’assumera son ton irrévérencieux et dénonciateur pour servir autre chose qu’un effet de style.
A contrario, le papa de Night Call essaye de tout mettre en œuvre pour peindre une seconde partie flippante qui cependant, ne parvient pas à nous laisser en émoi. Chacun des protagonistes fini par payer les pots cassés de la surexploitation capitaliste et le film se transforme en slasher ironique sans que jamais l’horreur ne nous fasse sursauter. Anticipées et attendues, les situations deviennent risibles, perdues dans un ton en demi-teinte. Surtout que Velvet Buzzsaw aurait pu jouer de sa forme pour approfondir son fond attrayant. Sans compter le superbe générique ou des séquences millimétrées, la photographie préfère les grands angles aseptisés à diverses focales lourdes de sens et visuellement riches. De ce fait, l’esthétisme du film pâtit d’une gentillesse bien calibrée. De quoi finir de brosser le spectateur dans le sens du poil sans le malmener le moins du monde.
Malgré la palette de possibilités, Velvet Buzzsaw se cantonne à un classicisme dénué de risque, proposant un gentil film d’horreur sans qu’aucune touche originale ne vienne servir le verbe dénonciateur de cette satire mi-figue mi-raisin. En gros, « la gestation du nihilisme absolu jalonne la facilité » si vous voulez…