Malgré son intrigue relativement classique, Tunnel to Summer de Tomohisa Taguchi séduit par la délicatesse de son animation. Une histoire d’amour contemporaine qui s’envole au-delà du temps.
Selon une légende, le tunnel d’Urashima permettrait à celui qui le traverse de réaliser son vœu le plus cher, mais pas sans contrepartie : pour chaque seconde passée dans le tunnel, ce sont plusieurs heures qui s’écoulent à l’extérieur. Deux espaces-temps différents, deux lycéens prêts à jouer leur vie pour retrouver ce qu’ils ont perdu.
Adapté du light novel de Mei Hachimoku Natsu e no Tunnel, Sayonara no Deguchi, Tunnel to Summer de Tomohisa Taguchi suit la rencontre entre deux lycéens. Alors que Kaoru ne parvient pas à faire le deuil de sa petite sœur, il se lie d’amitié avec Anzu, une adolescente qui lui propose de faire équipe afin de percer le mystère du tunnel.
Un peu trop de déjà-vu ?
Une histoire d’amour entre deux lycéens tourmentés, des traumatismes qui refont surface, la découverte fortuite d’un tunnel capable de distordre le temps, la promesse d’un vœu qui pourrait tout changer. Étrangement, Tunnel to Summer rappelle par son intrigue nombre de films d’animation japonais, à commencer par ceux de Makoto Shinkai. Spécialiste des histoires d’amour entre lycéens au sein d’univers parallèles et de traversées du temps, on ne peut s’empêcher de voir dans Tunnel of Summer des clins d’œil – volontaires ou non – à Your name, ou encore aux Enfants du temps.
On se remémore aussi tous ces films qui mettent en scène une jeunesse perdue et blessée prête à tout pour réaliser son vœu le plus cher, à l’instar de Brave Story de Kôichi Chigira, sorti en 2008, où le récit tragique de Mitsuru rappelle étrangement celui de Kaoru. Jusqu’où est-on prêt à aller pour revoir le visage de l’être le plus cher ?
Ces histoires déjà vues qui “pop” tout au long du film sont sûrement le point faible de Tunnel to Summer : on se laisse porter par le récit sans être véritablement surpris, comme si l’intrigue était écrite par avance, une quête initiatique qui semble déjà toute trouvée. A cela s’ajoutent des scènes aux décors un peu trop familiers du cinéma d’animation japonais : le feu d’artifice de la fête du village et la sortie dominicale à l’Aqua Museum. Malgré tout, on s’accroche à ces deux personnages qui tiennent à eux seuls les 82 minutes du scénario.
A nous deux
Tomohisa Taguchi tient ses promesses en adaptant un light novel et offre avec Tunnel to Summer la naissance d’une belle histoire d’amour. Il délaisse les autres personnages en arrière-plan, préférant se focaliser sur Kaoru et Anzu sans se perdre dans des scènes qui n’auraient pas apporté plus de profondeur au film. Bien que certains éléments de l’intrigue soient amenés de manière un peu trop didactiques, il parvient avec justesse à transmettre le passé chaotique de ces jeunes adultes, nous liant émotionnellement à eux. On s’accroche ainsi à leur histoire, cherchant à découvrir où elle les mènera.
C’est certain, Tunnel of Summer garde une ligne bien tracée mais c’est de cette simplicité que le film tire sa beauté. L’animation en elle-même reflète cette poésie, avec ses dessins empreints de réalisme qui dépeignent des situations quotidiennes et qui reflètent subtilement les émotions des personnages. Finalement, seul le tunnel rompt avec le reste du film, nous donnant accès à un espace par-delà le temps.
Un tunnel par-delà le temps
Difficile de ne pas se perdre avec les personnages dans le tunnel, cet espace hors du monde qui défie les lois du temps. La découverte de ce lieu étrange arrive après seulement quelques minutes du film et il suffit d’une bribe d’instants pour que l’on soit happé par ce couloir sans fin. Un tunnel à la fois vide et rempli de souvenirs, où le son et la lumière extérieurs sont filtrés jusqu’à leur dernière goutte. Seul persiste le bruits de pas de Kaoru et Anzu, le clapotis de l’eau d’un noir de jais qui tapisse le sol.
A l’aide d’une caméra volante, Taguchi multiplie les angles de prise de vue et les effets visuels, déformant ainsi l’espace de la caverne. De part et d’autre s’étendent des érables japonais aux feuilles d’un rouge-orangé phosphorescent et aux troncs décorés de myriades de photographies, instantanés de souvenirs passés ? Le réalisateur nous projette ainsi dans un lieu fantastique où tout semble possible mais qui garde également un ancrage dans la réalité.
Il est indéniable que l’on passe un beau moment devant Tunnel to Summer. Un film d’animation qui a su se frayer un chemin en obtenant le Prix Paul Grimault au Festival international du film d’animation d’Annecy 2023 et qui saura trouver son public.
Tunnel to Summer est à découvrir au cinéma dès le 5 juin 2024.
Avis
Tunnel to Summer est un film d'animation japonais de Tomohisa Taguchi qui rappelle de nombreuses autres réalisations, à commencer par celles de Makoto Shinkai. Un long-métrage qui tire sa poésie de sa simplicité et qui nous lie à ses personnages. Une belle histoire d'amour par-delà le temps.