Les Films du Camélia ressortent sur le grand écran un trio de films noirs argentins des années 50 : La bestia debe morir, El Vampiro Negro de Román Viñoly Barreto sortis respectivement en 1952 puis en 1953 et Los Tallos Amargos de Fernando Ayala sorti en 1956. Trois films qui reprennent les codes d’un Hollywood des années 50, versé dans les récits de crimes rythmés par des gros plans et des expressions faciales exagérées.
Avec La bestia debe morir, El Vampiro Negro et Los Tallos Amargos, les Films du Camélia nous proposent un voyage dans l’univers des années 1950 et l’esprit d’une industrie cinématographique obnubilée par les récits noirs qui revient au cinéma. Le tout dans un univers de noir et blanc à la mise en scène soignée et la bande sonore des plus saisissante pour découvrir trois films noirs argentins.
Le film noir, genre trop peu connu
Le genre du film noir est souvent lié aux films policiers. Si tout est plus lent, le scénario du film noir est marqué par un profond pessimisme. Les thèmes comme l’angoisse, la mort, la trahison sont omniprésents. Cette restauration de trois films argentins donne un aperçu de choix de ce genre quelque peu oublié de l’histoire du cinéma. Oublié, oui, alors que le film noir évoque ces après-midis pluvieux, où la seule occupation possible est de s’enfoncer dans un canapé devant un bon film.
De fait, ce bouquet de longs métrages est un détour des plus agréables dans l’histoire d’un genre cinématographique. En effet, La bestia debe morir, El Vampiro Negro et Los Tallos Amargos méritent d’être vus. Chacun à leur manière, ces trois films sont touchants. Peut-être pour le plaisir d’entendre parler espagnol, la beauté de l’image en noir et blanc ou encore pour le portrait acide d’une bourgeoisie superficielle. Ces longs-métrages argentins dressent le portrait d’une civilisation qui s’effondre sur elle-même, dans un entrelacs de dialogues piquants et d’une critique de la société parfois assez peu dissimulée.
Retour vers les années 50
Avis aux amateurs de cinéma, ces trois films sont un réel plongeon dans le passé. De fait, l’atmosphère de certains longs-métrages est assez surprenante pour un regard moderne. En effet, les années 50 sont marquées par une grammaire classique du cinéma. C’est l’alternance du gros-plan, de plans rapprochés, de plans américains etc. De prime abord, c’est assez surprenant. Mais on s’y fait. C’est une autre manière de voir un film, d’appréhender une histoire et l’évolution de ses personnages.
Sans surprise, les trois trames narratives traitent de meurtres ou de vengeance, tout cela dans une ambiance des plus étouffante. La plus glaçante de ces histoires est sans conteste celle de Los Tallos Amargos. Le personnage principal y est en proie à des doutes qui le mènent à sa perte. Il y a une ironie sous-jacente dans ce scénario qui est de loin le plus cinglant des trois films. Carlos Cores, acteur incarnant Alfredo Gasper, est, dans la tradition du genre, filmé de très près et ses expressions très exagérées ressortent d’autant plus. Mais on y croit. Et ce qui semble d’apparence très proche du burlesque bascule de plus en plus dans le réalisme et l’oppressant.
Des récits peut-être trop bavards
Les trois histoires dépeignent des destins souvent brisés. Dans La Bestia Debe Morir, le scénario prend très légèrement des allures de La Dame de Shanghaï d’Orson Welles sorti en 1947. En effet, la beauté de Laura Hidalgo évoque celle de Rita Hayworth. Le tout est pourtant un peu trop bavard, certaines discussions ralentissent considérablement l’intrigue. Mais encore une fois, il ne faut pas oublier que ces films nous ramènent dans les années 50, à une époque où l’esthétique cinématographique prônait la lenteur.
Par contre, El Vampiro Negro, remake de M le Maudit de Fritz Lang, en étant trop verbeux rate le coche. Si le scénario, trop fidèle à l’original manque de surprise, Román Viñoly Barreto trouve le moyen de s’approprier l’histoire terrible de ce tueur d’enfant en donnant la parole aux mères. Dans ce désir de fidélité, il est nécessaire de relever la ressemblance de Nathán Pinzón, interprétant Ulber, avec Peter Lorre, M, dans le film éponyme de Fritz Lang. Malgré tout, El Vampiro Negro s’essouffle dans les méandres de dialogues qui n’en finissent pas.
Ce cycle de films noirs argentins est une faille vers un monde de lenteur et une forme d’introspection. On est remis face à nos propres angoisses et désirs en regardant ces films. Si certains éléments des films laissent à désirer, peut-être du fait d’un regard habitué au cinéma moderne, ces trois longs-métrages méritent d’être vus, et ce, pour une plongée dans le passé et un détour dans l’histoire d’un cinéma qu’on connaît trop peu.
Les Films du Camélia ressortent La bestia debe morir, El Vampiro Negro et Los Tallos Amargos au cinéma depuis le 19 juin 2024.
Avis
La bestia debe morir, El Vampiro Negro et Los Tallos Amargos ne sont pas de gros coups de cœur, mais plutôt le genre de films qu’on aime regarder en souvenirs de ces après-midi où rien n’était plus important que de savoir devant quoi on allait s'asseoir. Les Films du Camélia offrent donc un retour vers le passé des plus plaisant, contrastant agréablement avec les actuelles sorties sur le grand écran.
- El Vampiro Negro
- Los Tallos Amargos
- La Bestia Debe Morir