Après une carrière musicale de renommée, Lin-Manuel Miranda signe son premier passage derrière la caméra avec Tick Tick… Boom! – une adaptation de la comédie musicale du même nom.
Tick Tick… Boom! raconte l’histoire de Jonathan Larson – incarné par Andrew Garfield -, un jeune compositeur New Yorkais. Tandis qu’il travaille dans un restaurant Drive-in dans les années 1990, il écrit ce qu’il espère devenir la plus grande comédie musicale américaine qui ait jamais existé. Véritable déclaration d’amour aux artistes en devenir, Lin-Manuel Miranda semble réussir un nouveau pari, celui d’exceller – encore et toujours – malgré quelques faiblesses…
Un personnage antipathique
Redondant au travers de Tick Tick… Boom! ; le personnage de Jonathan Larson ne cesse de rappeler – en boucle – son inquiétude de ne pas réussir à percer avant ses trente ans. Dès lors se dresse un portrait du personnage assez compliqué, avec un mélange mi-prétentieux / mi-égoïste sur son rapport aux autres. Méprisant parfois sa petite amie pour ses choix de carrière ; Jonathan n’hésite pas non plus à se confronter avec ses proches aux choix qu’il estime moins “artistique”.
Absorbé par son désir profond de réussite, le comportement du personnage tend à dresser une véritable distance entre le spectateur et le protagoniste, ce qui peut rendre l’approche de Tick Tick… Boom! compliquée. Pourtant, malgré une exposition difficile à aborder, Lin-Manuel Miranda arrive à vite contrebalancer cette première impression en développant son personnage, et c’est une grande force du film.
Un parcours initiatique
Après une première impression qui laisse à désirer, le cinéaste développe son personnage au travers d’un contexte social marquant, celui de la crise sanitaire du sida dans les années 1980-1990. Tick Tick… Boom! passe alors d’une crise contre la montre à une course contre la mort, confrontant Jonathan à ses amis proches, tombant malade les uns après les autres. Dès lors, le réalisateur remet son personnage en question, s’interrogeant sur la notion de réussite qui l’obsède et celle du temps qui lui semble limité du haut de ses vingt-neuf ans. On découvre Jonathan prenant conscience d’une réalité bien plus triste que la sienne, avec un personnage moins nombriliste, plus attachant, plus humain.
L’auteur-compositeur de In The Heights semble dresser une véritable réflexion sur le rapport au temps et à la réussite. Jonathan semble alors incarner – ou représenter – les jeunes artistes en devenir, obsédé par leur volonté de percer, tout en étant confronté à des choix moraux opposant rêve et réalité.
De nouveaux outils de narration
Alors que le film nous parle des rêves et ambitions du jeune compositeur qu’incarne Andrew Garfield, Lin-Manuel Miranda s’amuse avec sa réalisation. L’image se dessine au travers de lentilles anamorphiques, donnant un aspect organique et physique aux prises de vues, rappelant des textures d’images de la même époque. On remarque une photographie et une mise en lumière assez naturelle et proche de la réalité, venant trancher avec une mise en scène plus proche d’une comédie musicale, beaucoup plus pop, chaleureuse et fun.
Chaque scène propose de nouvelles manières de raconter l’histoire, avec notamment une véritable obsession pour le montage alterné. Tick Tick… Boom! alterne globalement entre deux séquences principales : le spectacle éponyme – raconté sur scène par Jonathan Larson – ; et les péripéties. Le compositeur de Vaiana s’amuse également en alternant par exemple une scène de dispute dramatique et scène musicale comique, donnant au tout un ton tragi-comique assez surprenant dans lequel le spectateur peut hésiter entre rire ou pleurer. Cette mécanique revient à plusieurs reprises, avec également une scène alternant entre deux scènes aux colorimétries, aux photographies et aux décors très opposés.
De ce fait, on semble pouvoir observer une véritable volonté de mise en parallèle en continue au travers de Tick Tick… Boom!, grâce aux différents outils narratifs qu’offrent la réalisation à l’artiste. Tandis que celui-ci semble totalement s’approprier ces nouvelles armes, on remarque très rapidement son passé musical, toujours dans sa dynamique de montage. Le montage de Tick Tick… Boom! émane d’une véritable musicalité et d’un sens du rythme maîtrisé quasi lyrique, donnant au montage un fond et une forme admirable.
Une envolée lyrique
Malgré quelques légères faiblesses, on se rend finalement vite compte qu’elles sont de véritables armes au service d’une narration fournie ayant du sens. Lin-Manuel Miranda semble réussir son pari, en signant une première réalisation touchante et inspirante, dans laquelle de nombreux artistes naissants sauront probablement se reconnaître.