The Pale Blue Eye, c’est la promesse plus qu’alléchante de réunir le duo gagnant d’Hostiles pour un thriller d’époque. Mais si l’ensemble s’avère solide, son classicisme empesé étouffe néanmoins toute émotion.
The Pale Blue Eye marque donc les retrouvailles entre Scott Cooper et Christian Bale. Le metteur en scène est ainsi passé par beaucoup de genres, apportant à chaque fois sa patine à la fois empreinte d’un classicisme élégant et viscéral, du western Hostiles (son meilleur film), en passant par l’horreur de l’injustement passé inaperçu Affamés. Christian Bale, après être passé chez Marvel pour Thor : Love and Thunder, l’un des pires opus de la franchise, et avoir retrouvé David O. Russell pour un Amsterdam décevant, retrouve ici un rôle à sa pleine mesure, dans la peau d’un détective désabusé, enquêtant avec un certain Edgar Allan Poe au sein de l’Académie militaire américaine. Malheureusement, tout s’avère ici bien trop rugueux pour provoquer la moindre étincelle.
Mon pote Poe
Pale Blue Eye s’empare ainsi avec beaucoup de respect de tous les codes des plus prestigieuses productions de la Hammer et du thriller victorien. Des forêts embrumées, des paysages enneigés, des meurtres sordides et un peu d’ésotérisme, le décor s’avère parfaitement mis en scène par un Scott Cooper toujours parfaitement conscient de ses influences, délivrant ainsi une réalisation si rugueuse qu’elle en oublie le chair de son intrigue. Parce que les mines sont ternes et le paysage si désolé que même Christian Bale semble quelque peu éteint, face au fantasque Harry Melling (Dudsley dans Harry Potter), qui déploie ici tout son talent pour camper un Edgar Allan Poe diablement attachant.
Les talentueux Charlotte Gainsbourg, Toby Jones et Gillian Anderson livrent ainsi de solides prestations, adjectif qui peut également s’appliquer à décrire ce qu’est The Pale Blue Eye. Parce que l’adaptation du roman éponyme de Louis Bayard signée Scott Cooper manque cruellement de chair. La durée du métrage peut ainsi étonner tant l’enquête semble, même volontairement, jouée d’avance, proposant un dernier acte qui aurait pu être émouvant s’il avait pris le temps d’apporter une once d’humanité à des personnages dont la sécheresse étouffe toute possible émotion. On reste ainsi de marbre devant The Pale Blue Eye, qui est heureusement loin d’être dénué de qualités.
Rigueur militaire
On retrouve ainsi l’essence, même par petites touches, du cinéma de Scott Cooper, des paysages arides d’Hostiles, à l’attachante amitié entre deux générations de Crazy Heart, au surnaturel secret familial d’Affamés. Mais plutôt que de proposer un patchwork inspiré de son cinéma, le cinéaste s’empare ici de l’œuvre de Louis Bayard avec beaucoup trop de discrétion, comme pour tenter, sans succès, de dynamiter un scénario bien trop empesé pour s’inscrire au rang de ses métrages les plus notables. Pale Blue Eye reste ainsi terne et quelque peu désincarné, même lorsqu’il souhaite toucher en plein cœur un récit qui a délibérément passé son temps à le geler.
The Pale Blue Eye n’en demeure pas moins une proposition solidement et rondement menée, mais ne peut cependant s’empêcher de laisser l’impression d’un rendez-vous manqué. Une entrevue obligatoire où personne n’a vraiment l’air d’exister qu’au détour du seul personnage ayant vraiment marqué l’histoire et étant entré à la postérité, celui d’Edgar Allan Poe. Le film de Scott Cooper souffre ainsi du même défaut que le décor d’école militaire américaine dans lequel il se déroule : sa rugosité et sa pesante obéissance aux règles d’un scénario glacial auquel il s’entend pourtant d’obéir aveuglément. Pour ne délivrer qu’un œil bleu bien désespérément pâle, et se dire que la boucle est finalement bouclée.
The Pale Blue Eye est disponible sur Netflix.
Avis
The Pale Blue Eye est un projet aussi solide que diablement désincarné. Scott Cooper délivre par petites touches l'essence de son cinéma pour tenter d'éveiller un scénario et des personnages atones, dont seule l'interprétation d'Henry Melling dans la peau d'un fantasque Edgar Allan Poe semble échapper. Un film bien trop pâle pour susciter la moindre émotion à un cœur que le métrage a longuement pris le temps de glacer.