Alors que le résultat des élections américaines prédit la fin du règne de la terreur, la mini-série The Comey Rule vient un peu plus enfoncer le clou de l’incompétence de Donald Trump.
Tout juste nommé directeur du FBI, James Comey enquête sur la campagne présidentielle de Hilary Clinton, ce qui fait le bonheur d’un certain Donald Trump. Showtime propose The Comey Rule, une mini-série intelligemment diffusée outre-Atlantique fin septembre, en prévision de l’élection de 2020 et qui vient de voir la victoire de Joe Biden après moult péripéties. Le show, engagé et pertinent à bien des égards, souffre par contre d’un laxisme un peu dérangeant.
Ecrite et réalisée par Billy Ray, scénariste entre autres de Capitaine Phillips ou de Gemini Man, The Comey Rule est adaptée des mémoires de James Comey himself, A Higher Loyalty : Truth, Lies and Leadership. En résulte deux épisodes de deux heures chez nos cousins, redécoupés en quatre chez Canal+ qui se charge de diffuser la série chez nous fin octobre et début novembre. De quoi être bien échaudés par les récentes élections pour un dernier grain de sel en défaveur du Président sortant, mais pas seulement.
I can neither confirm nor deny
Avant que vous ne vous insurgiez, on sait bien que la phrase citée ci-dessus est utilisée par la CIA et non le FBI dont Comey fut le grand patron. Un hors sujet qui pourtant résume bien le sentiment mitigé qui se dégage de la série, dénonciatrice mais d’un engagement conservateur toutefois assez douteux, surtout concernant son encensement du fameux Federal Bureau of Investigation.
Focalisation et unique ligne narrative de The Comey Rule, l’enquête du FBI sur les écarts de communication de Hillary Clinton ou les ingérences russes en amont de l’élection présidentielle de 2016 fait la part belle à l’intégrité du Bureau. Comey est érigé comme un leader exceptionnel, ce qu’il était certainement, se battant jusqu’au bout pour l’indépendance de l’administration, définie comme apolitique pour servir au mieux les intérêts du pays. Une autonomie ignorée et bafouée plus tard par Trump qui n’hésite pas à multiplier les visites et appels téléphonique au directeur Comey lesquels causeront le renvoi de ce dernier.
En parfait exemple de drame politique, à la réalisation très académique où seuls quelques plans montrent l’ambivalence d’un monde de requins, la série fait de son héros un personnage assez plat dont la loyauté, l’intégrité et l’humanisme laissent paraître peu de failles. Difficile de s’impliquer pour un protagoniste qui dégouline de perfection et pour lequel on n’éprouve que compassion, jusqu’à tenter de nous faire verser une larme quand son dévouement pour ses responsabilités lui coûte finalement son job. Une bien-pensance légèrement excessive même si on comprend qu’elle se place en opposition au nombrilisme conservateur de Trump. Ainsi, la faute revient à l’écriture, plus linéaire que jamais, descriptive et peu nuancée. On est donc incapable de dénigrer le jeu parfait de Jeff Daniels qui continue de louvoyer au cœur d’intrigues engagées (notre critique de la géniale The Looming Tower) pour notre plus grand bonheur.
A ce titre, le casting monstrueusement ressemblant aux véritables acteurs de ces heures sombres demeure la plus-value incontestable de la série, de Oona Chaplin à Michael Kelly, sans oublier la narration granuleuse de Scoot McNairy. Mais la présence de Brendan Gleeson (qu’on adore) en Donald Trump illustre également ce qui marche ou non dans The Comey Rule. L’ours Irlandais interprète parfaitement le 45e président des États Unis. Bourru, irascible, son ombre pèse et menace le bureau ovale qu’il finit par ingérer et noyer sous son ingérence et irresponsabilité égoïste. Mais pétri de tics de langage, d’expressions qui parfois frisent la caricature ou la satire grossière, le portrait tend à gommer toute subtilité pour faire du show une parodie moins dénonciatrice que grossière. Plate et sans saveur, surfant sur des parti pris manquant de contraste, on en viendrait à se demander si ce sentiment ne viendrait pas paradoxalement de notre incrédulité face à tant de magouilles et d’incompétence bureaucratique.
Peut-être que l’ombre des institutions immuables aura impressionné la production de The Comey Rule, dépassée par son sujet, qui jamais ne prendra de risque autre que celui d’établir de faits avérés, inconcevables, mais sans en tirer les leçons. Un biopic sage et finalement très politiquement correct. Dommage.