Nouvelle série de prestige d’Apple, Sugar se veut une detective story dans le Los Angeles contemporain. Menée par un impeccable Colin Farrell, les forces du show se diluent malheureusement trop rapidement jusqu’à nous emmener vers d’autres pistes narratives.
Sugar fait partie de ces petites curiosités débarquant sur Apple TV+, et synonyme d’œuvre que l’on ne voit plus vraiment au cinéma. En effet, le film noir et le detective story ont beau avoir été réanimées de manière sporadique (du récent Nightmare Alley aux films de Shane Black en passant par le méconnu Romeo is Bleeding), aujourd’hui le genre semble principalement entouré d’un aura vintage comme le western.
Et tout comme ce dernier, le film noir réinvestit la série TV avec ce Sugar, développée par Mark Protosevich. Scénariste de The Cell, Thor ou encore Je suis une Légende, le voilà maître de son propre projet, avec notamment le réalisateur Fernando Meireilles (La Cité de Dieu) à la réalisation de quelques épisodes.
Film noir illustré
Cette saison 1 nous introduit d’ailleurs efficacement le personnage de John Sugar dans un prologue en noir & blanc au Japon. John est en effet un détective travaillant pour le plus offrant, capable de retrouver n’importe quelle personne. Après une altercation musclée, le voilà de retour à Los Angeles pour un nouvelle affaire.
En effet, la petite fille d’un illustre producteur Hollywoodien n’a pas donné signe de vie depuis plus d’une semaine. De surcroît le père de la fameuse Olivia semble peu soucieux de cette disparition, tandis que le demi-frère de cette dernière fait surveiller John Sugar dans le but de ne pas trop dévoiler certains secrets de famille.
Des prémices de pure detective story, dans un décorum californien évidemment référencé. Les deux premiers épisodes de Sugar parviennent à nous mettre dans le bain, alors que la mise en scène de Meireilles s’amuse efficacement à nous désorienter à coups de close-ups et plans rapprochés sur des éléments du quotidien. Le tout saupoudré par la BO ambiante de Ali Shaheed Muhammad & Adrian Young (Luke Cage).
Codes du genre récités
Une manière de surélever le mystère principal de la série, qui malheureusement va rapidement tourner à vide à mi-parcours de cette saison 1. En effet, le script de Protosevich n’arrive pas à pleinement se détacher des tropes du genre, ni à renouveler efficacement la formule. Pire, les réponses se révèlent même carrément décevantes, malgré une approche contemporaine dans la manière de tacler les noir secrets de l’industrie du cinéma.
Conscient de l’héritage filmique avec lequel il joue, Protosevich incorpore des références directes à Touch of Evil, L.A. Confidential, Chinatown ou bien Gilda. Un procédé méta pertinent caractérisant John Sugar comme fan de polar, et offrant parfois quelques parallèles astucieux. Néanmoins le tout virera rapidement au simple gimmick mal digéré, et pire : comme une comparaison désavantageuse vis-à-vis des classiques cités !
Cette Saison 1 de Sugar déroule ainsi son récit jusqu’à des révélations sans grand éclat, et lorsque Mereilles n’est plus là, les virées du personnage dans sa décapotable se font dans un style télévisuel beaucoup plus consensuel. De plus, les divers arcs narratifs secondaires alliés aux personnages périphériques ne parviennent pas à dépasser l’ennui poli (la famille Siegel, pourtant composante majeure de l’intrigue).
Colin Farrell, toujours impeccable
Car s’il y a bien un intérêt dans Sugar, c’est définitivement son protagoniste principal, impeccablement campé par Colin Farrell (Les Banshees d’Inisherin, The Lobster). Classe de la première à la dernière image, l’acteur parvient à incarner un protagoniste engageant convoquant les codes du genre (un sombre passé traumatique, une violence sous-jacente) tout en offrant une dimension moins brute de décoffrage. Un détective humaniste n’hésitant pas à utiliser la manière forte, mais seulement en dernier recours.
C’est définitivement lui qui porte la série, en particulier lors des nombreuses séquences avec Amy Ryan (The Wire), jouant un atout périphérique à l’enquête. Malheureusement cette dernière n’aura que peu de choses à jouer au final, avant que Sugar n’opère un bien curieux virage narratif (et thématique) en vue de sa saison 2.
En effet, la série essaimait en filigrane quelques bribes de world-building à travers le sympathique personnage d’assistante joué par Kirby Howell-Baptiste (Barry) et des réunions avec d’autres collègues du personnage de John Sugar. De quoi mener la série vers un autre genre via un twist grossier pour l’heure, tandis que cette Saison 1 nous laisse sur notre faim. Un petit rendez-vous manqué donc, en attendant la suite.
Sugar débutera sur Apple TV+ à partir du 5 Avril 2024
avis
Sugar démarrait avec de beaux ingrédients et un charme certain. Malheureusement cette saison 1 fait plus office d'exercice appliqué des codes du genre sans toutefois égaler ses illustres influences pourtant récitées de manière méta. Heureusement Colin Farrell porte le tout avec la classe qui le caractérise, néanmoins jusqu'à un twist nous faisant nous demander si Protosevich ne s'éparpille pas un peu trop à vouloir manger à tous les râteliers.