Déjà renouvelée pour de plus amples aventures enneigées, Snowpiercer vient de terminer sa première saison, efficace mais loin d’être passionnante.
La Terre entièrement gelée, l’humanité s’est réfugiée dans une arche au mouvement perpétuel, le Snowpiercer, un train inarrêtable où les inégalités sociales appellent une révolution inévitable. TNT et Netflix viennent de diffuser les derniers épisodes de la série adaptée du film de Bong Joon Ho, lui-même adapté du comic français. Une réussite télévisuelle qui se regarde gentiment mais pourtant bien fade et on ne peut plus prévisible.
Si la série se veut plus détaillée que ses aînés, son âme reste pâle en comparaison avec les œuvres originales. On en parle au pluriel puisque le long-métrage du papa de Parasite était déjà une adaptation personnelle du roman graphique de Jaques Lob et Jean-Marc Rochette. Versant dans les références grossières et pas follement originales (quel euphémisme), cette fois Snowpiercer devient un reboot pour la télévision. De quoi mettre en avant un cycle révolutionnaire, un affrontement inévitable entre les différentes classes sociales du train comme un nouveau contrôle des masses dans le style du soulèvement régulier de Zion dans Matrix. Une parabole sympathique mais qui ne va pas plus loin tant le reste de cette première saison (notre critique du pilote) est formaté.
Train-train quotidien
Tout n’est pourtant pas à jeter dans Snowpiercer. Comme dans le film et la bande-dessinée, un protagoniste remonte le long des wagons pour découvrir une organisation sociale à l’inégalité révoltante où stéréotypes et genre cinématographique identifient chaque wagon. Le tout sous couvert d’une enquête policière rythmée, qui sert surtout à mettre le feu aux poudres, à dynamiter l’ordre établi. De quoi alléger le récit tout en y insufflant pas mal de poncifs habituels parce que le show diffusé sur Netflix tend à niveler toutes ces aspérités pour offrir une société sinon plus plausible, en tout cas moins contrastée. Quand dans le film on passe des voitures à bestiaux au sushi bar, la série préfère échelonner, présenter des boites de nuits et logements de la classe ouvrière. De quoi rendre plus vivant et hiérarchisé un environnement hostile, avec ses forces de police, son armée, pour offrir un paysage plus à même de se révolter, moins brutal et bien moins original.
Si on note qu’un effort certain est appliqué à faire de cette arche mouvante une ville à part entière, avec son quartier huppé, ses banlieues et ses bidonvilles, le design général et le soin apporté aux décors laisse à désirer. Les moyens sont là mais l’ensemble respire bon l’absence d’envergure, de l’absence de musique personnelle ou de mise en scène, bonjour les copiers-collers des plans de Ho, tout sent bon le tournage en studio. Les espaces sont si grands qu’ils ne font pas le moins du monde ressentir une quelconque claustrophobie ou le moindre sentiment d’être à bord d’un train. La plausibilité en pâtit et si le propos révolutionnaire reste efficace, bien que terriblement cliché, il devient forcé, artificiel, un simple argument narratif pour redistribuer les cartes et brosser dans le sens du poil des développements de personnages complètement stéréotypés.
Daveed Diggs nous propose un messie révolutionnaire aux dreadlocks cubaines qui, s’il offre une performance toute en nuance, manque cependant de charisme dans les instants décisifs. C’est donc naturellement que la série est surtout portée par Jennifer Connelly, laquelle compose avec un personnage ambivalent, à la voix suave mais au déterminisme certain, véritable centre névralgique et révélation de la série. Pourtant, si les acteurs nous offrent une partition inspirée, il est loin d’en aller de même pour les rebondissements puisque Snowpiercer souffre d’une lenteur et d’une prévisibilité ahurissantes. A tel point qu’il faudra attendre les dernières minutes de la première saison pour être véritablement confronté au premier twist efficace et inattendu après 10 épisodes à la narration tartinée simplement sur deux trois bonnes idées trop éparses pour nous contenter. D’autant plus que la série lorgne sur tous les artifices narratifs possibles, des romances obligatoires aux trahisons évidentes, sans oublier le bon pathos inhérent à ce genre de production tout public.
Sorte d’introduction balourde et bien polie, la première saison de Snowpiercer se regarde bien mais ne laissera pas un souvenir aussi impérissable que ses matériaux originels, dommage.