Smile est la première pièce en noir et blanc qui nous invite au rendez-vous qui a bouleversé la vie de Charlie Chaplin.
Smile est un spectacle étonnant et audacieux dont le concept nous a immédiatement séduits. Car si nous découvrons régulièrement de petits bijoux – dont le dernier en date, Les filles aux mains jaunes – il est plus rare que nous soyons surpris ; qu’une pièce nous emmène là où nous ne sommes encore jamais allés comme a pu le faire l’excellent spectacle immersif Smoke Rings, actuellement au Théâtre Michel.
Pour cela, il faut davantage qu’une histoire captivante et de bons comédiens. Il faut un concept, une idée novatrice. Et une pièce de théâtre entièrement en noir et blanc : ça c’est une idée aussi originale qu’intrigante ! Mais est-ce que cela a suffi à nous transporter ? Pas complètement…
Le passé comme si nous y étions
Smile nous immerge avec beaucoup de charme dans une histoire, une ambiance, une époque. Nous sommes au Mitz, un bar du nord de Londres, en 1910. Une jeune femme attend un homme qui lui a donné rendez-vous et qui est en retard. Cet homme, c’est Charlie Chaplin, et ce rendez-vous galant pourrait bien changer sa vie…
L’idée de nous plonger dans une histoire tout en noir et blanc est excellente et fait son effet. Ainsi, depuis les tenues et le maquillage des comédiens jusqu’aux éléments du décor, en passant par les lumières de Laurent Béal qui déclinent superbement des nuances de noir : tout concourt à composer cette atmosphère d’une autre époque qui nous charme. Jusqu’au lieu qui apporte un petit côté enchanteur à l’ensemble.
Pourtant, nous étions d’abord un peu perplexes à l’idée de découvrir cette pièce à La Nouvelle Ève. En effet, si nous adorons tout particulièrement ce lieu pour son ambiance cabaret, feutrée et intimiste, il nous semblait moins adapté à un format classique de pièce de théâtre. Mais finalement, assis à l’une de ces petites tables rondes éclairées de lampes individuelles qui s’éteignent durant la représentation, nous pouvions presque nous croire dans cette salle de café aux côtés des comédiens.
Smile joue avec le temps
Mais le noir et blanc n’est pas la seule originalité de cette pièce. L’autre surprise, c’est sa structure qui nous fait naviguer sur le fil du temps. Ainsi, l’histoire finit par s’interrompre et… on rembobine ! Les comédiens rejouent alors, en accéléré – et sans aucun autre son que celui de la musique de Dominique Mattei – les scènes qui viennent d’avoir lieu pour revenir au point de départ de la soirée ! Un régal !
« Votre rire est ma musique préférée. »
On prend alors les mêmes et on recommence la même histoire… mais depuis le point de vue d’un autre personnage. On profite ainsi de ses commentaires tandis que le décor se déplace également pour nous offrir un nouvel angle visuel. Ce qui nous permet de saisir peu à peu les intentions et les enjeux de chacun d’eux, en même temps que les tenants et les aboutissants de cette fameuse soirée.
Ces passages qui se rejouent en accéléré – dans un jeu forcément saccadé – ou plus rarement au ralenti pour nous promener dans le temps font sourire et apparaissent comme autant de petits clins d’œil au style Chaplin. Bien qu’assez rares, ils apportent une touche de fantaisie supplémentaire et un peu de peps à l’ensemble.
Une appréciation en demi-teinte
Vous l’aurez compris, sur la forme nous avons été conquis. Et, à vrai dire, nous sommes un peu frustrés de ne pas l’avoir autant été sur le fond… Car si nous avons adoré ce que nous avons vu, l’émotion nous a manqué. Mais, une fois passées les premières minutes de découverte, le temps a commencé à nous sembler un peu long…
Certes, le procédé de rejouer la scène sous un autre angle est, en soi, intéressant et original. Mais, concrètement, ici cela n’apporte pas grand chose à l’intrigue car trop peu d’éléments changent et trop peu de nouvelles informations sont finalement apportées. Si bien que l’ensemble manque de rythme, et on finit par s’ennuyer un peu.
D’autant que, si Dan Menasche incarne un barman attachant et plein de malice, il fait finalement de l’ombre à ce Charlie Chaplin, certes tout en élégance dans le duo qu’il forme avec Pauline Bression – également à l’affiche d’Une histoire d’amour, de Michalik – mais un peu terne. Dans ce rôle, on retrouve Grant Lawrens, en alternance avec Alexandre Faitrouni – admirable dans le rôle de Timon dans le merveilleux spectacle Le roi lion, à Mogador.
Nous aurions voulu du relief, des nuances. Nous aurions voulu que la poésie et l’humour – dans le jeu comme dans le texte – ne s’invitent pas sur la pointe des pieds mais qu’ils donnent à cette pièce ses couleurs. Et nous aurions adoré que l’émotion nous gagne davantage, en particulier dans le dernier tiers qui précipite un peu le dénouement. Le charme, tout de même, opère jusqu’à la fin et nous laisse un sourire sur les lèvres.
Smile, de Nicolas Nebot, Dan Menasche , mis en scène par Nicolas Nebot, avec Pauline Bression, Dan Menasche, Alexandre Faitrouni ou Grant Lawrens, se joue jusqu’au 23 décembre 2022, du jeudi au samedi à 19h30, à La Nouvelle Ève.
Avis
Nous en attendions beaucoup de ce spectacle au concept original et inspiré d'une véritable anecdote. Et nous aurions aimé que cette forme séduisante serve un fond tout aussi brillant. Mais si nous avons passé un agréable moment, l'intrigue un peu faible et le manque d'émotions n'ont pas fait monter notre sourire jusqu'aux oreilles.
3 commentaires
Très émouvant. Une mise en scène soignée avec ce pari fou du Noir et Blanc. Beau trio d’acteurs qui ont su transmettre des moments d’émotions et de tendresse. Nous avons aimé cette pause de douceur et d’amour mélancoliques. La salle comble et les applaudissements sont les meilleurs indicateurs.
Complètement d’accord avec votre analyse: nous sommes sortis déçus de Smiles… trop lent et répétitif même s’il y a de bonnes trouvailles de mise en scène … on est pas rentré dedans
Déçus également. Fans de Charlie Chaplin, les extraits de la pièce vus à la télé nous ont fait rêver. Hélas, malgré le jeu des comédiens, le maquillage et l’éclairage, nous nous sommes assez vite ennuyés. En cause : la même scène répétée 3 fois (selon le point de vue de chaque personnage mais sans réelle variation en fait), les dialogues qui ne font pas vraiment mouche, un manque de rythme, d’humour et de fantaisie. Au final, peu d’émotions. Dommage…