Secret Invasion se rêve en thriller paranoïaque mais n’en conserve que les atours, confondant au passage maturité avec ennui.
Secret Invasion se paye, une fois de plus pour une série Marvel, et malgré de récents projets assez douloureux et l’aveu d’essoufflement d’une formule atteignant ses limites sur tous les points, les services de noms prestigieux : outre les excellents Ben Mendelsohn et Olivia Colman, on retrouve Kyle Bradstreet à la création, un nom alléchant puisqu’ayant officié à la production de l’excellente Mr. Robot. Si l’on pourrait y voir une nouvelle tentative de la franchise de relire à sa manière l’histoire du cinéma au sein de son univers en s’emparant des grandes heures du thriller paranoïaque d’un Hollywood en pleine Guerre Froide au coeur d’une série aux ambitions plus adultes, c’est surtout une nouvelle occasion pour le studio de botter en touche et de s’inspirer de tout un pan du cinéma pour n’en délivrer qu’une synthèse toujours aussi vaine et désincarnée.
Plutôt que de s’inspirer de ses écrasantes références, telles que Les Trois Jours du Condor, et du travail de cinéastes tels que Sidney Lumet et Alan J. Pakula, Marvel rejoue ici plutôt, avec la même mollesse sa récente Falcon et le Soldat de l’hiver. Il en résulte ainsi des ambitions thématiques intéressantes et actuelles, avec un générique crée par intelligence artificielle, du traitement des fake-news et de la désinformation transfigurées dans une proposition désincarnée à l’extrême illustrée par l’allure désabusée d’un Samuel L. Jackson essoufflé, également crédité comme producteur de cette mini-série. En une heure de ce premier épisode, on ne ressent ainsi jamais aucune tension, que la ballade en pilote automatique d’un personnage lessivé, et d’une inspiration plus que jamais absente.
Désinskrullée
Nick Fury est donc de retour sur terre, alors qu’une organisation de Skrulls lassée des belles promesses de ce dernier de leur offrir un territoire, compte formenter plusieurs attentats. Articles de presse accrochés au mur et reliés par des cordelettes colorées, personnage doubles, filatures et mines concernées : Marvel semble délaisser pour un temps sa panoplie de blagues, de second degré permanent de multivers et de costumes colorés pour se la jouer adulte. Malheureusement, Secret Invasion semble confondre maturité avec ennui, passant mollement de planques et de bureaux à la Maison Blanche sans aucune inventivité, tension, et proposant des personnages toujours cruellement lisses, à l’image de son récit balisé.
À ce petit jeu de dupes, un seul d’entre eux tire son épingle du jeu : l’agent spécial Sonya Falsworth campée par l’impériale Olivia Colman, la seule qui semble véritablement s’amuser dans ce défilé de mines faussement concernées et de manipulations atone. Le personnage campé par Emilia Clarke, décidemment abonnée aux projets mineurs depuis la conclusion de Game of Thrones, ne sait ainsi jamais traduire les zones d’ombres d’un personnage lissé à l’extrême, évoquant l’insupportable leader des Flag-Smasher campée par Erin Kellyman dans Falcon et le Soldat de l’hiver. On se demande alors, en avançant dans cette longue et paresseuse introduction, ce qui pourra bien susciter une quelconque étincelle dans cette démonstration froide et alambiquée.
Sérieux ennui
Et bien, après s’être traînée en longueur, Secret Invasion semble évertuée à vendre l’intêret de sa suite dans un final qui enchaîne les rebondissements avec la même paresse que le reste de son récit. On regrette même d’y perdre un personnage attachant dans cette suite de péripérites forcée, (non par émotion mais par crainte pour l’intêret de la suite) et de constater que ce soit en terme de projets cinématographiques où sériels, le studio de Kevin Feige semble reproduire les mêmes erreurs. À l’heure où le vent semble tourner à son désavantage sur grand écran, il était pourtant temps pour le studio d’investir la plateforme Disney+ avec plus de créativité, et de faire renaître un intêret qui semble s’être égaré pour nombre de spectateurs afin de lutter pour sa propre survie, surtout après des revers créatifs tels que She-Hulk où Miss Marvel.
Malheureusement, il n’en est rien avec ce premier épisode de Secret Invasion qui ennuie au lieu de tenir en haleine et confond maturité avec léthargie. On espère cependant qu’au vu du casting et des ambitions réellement passionnantes de la série (du moins sur le papier), tout cela n’était finalement qu’un faux départ, et que même nous, nous nous étions fait duper par cette démonstration à la fois monotone et empesée. Seule la suite le contredira, où finira par le confirmer et ainsi sombrer comme nombre de propositions du studio, dans les lymbes d’un oubli poli mais complètement nécessaire.
Le premier épisode de Secret Invasion est disponible sur Disney+.
Avis
Secret Invasion perpétue la volonté de Marvel de s'emparer de l'histoire du cinéma pour la faire sienne, à savoir les grandes heures du thriller hollywoodien plongé dans la Guerre Froide. Il n'en résulte cependant, comme à chaque tentative d'appropriation du studio de Kevin Feige, qu'un résultat atone qui troque la tension pour l'ennui et la maturité pour une complète léthargie.