Netflix s’empare d’un immense scandale britannique, l’interview du prince Andrew impliqué dans l’Affaire Epstein, en adaptant l’autobiographie de la journaliste Sam McAlister. Dommage que le film de Philip Martin ne soit pas à la hauteur des attentes. Un Scoop qui ne refera pas le buzz.
Le cinéaste britannique Philip Martin (The Crown) avait toutes les cartes en main pour réaliser avec Scoop un film attrayant, mais il en ressort un long-métrage ennuyeux, qui peine à maintenir l’intérêt et la tension. En s’emparant d’une affaire ayant fortement ébranlé la famille royale britannique en 2019, il livre une œuvre inspirée de faits réels qui peine à décoller.
L’Affaire Epstein
Novembre 2019, le prince Andrew prend la parole dans une interview animée par la présentatrice Emily Maitlis lors de l’émission télévisée de la BBC, Newsnight. Il s’exprime publiquement pour la première fois au sujet de sa relation amicale avec le pédo-criminel Jeffrey Epstein, milliardaire américain s’étant suicidé trois mois plus tôt en cellule alors qu’il attendait son procès pour trafic sexuel. Durant cet entretien où il creuse sa propre tombe, le duc d’York répond également aux questions concernant les allégations formulées à son encontre par l’une des victimes d’Epstein.
Scoop relate cet épisode peu glorieux de la Couronne en exposant les prémisses de cette interview qui a finalement entraîné la destitution du prince Andrew (Rufus Sewell). Bien que cette histoire ait eu un grand retentissement à l’époque, le film parvient avec difficulté à retranscrire précisément les faits, oubliant d’expliciter des éléments importants, ou de présenter clairement certains personnages. Difficile donc de comprendre toute cette affaire ; et cela même si l’on en connaît déjà les détails.
Dans les coulisses de la BBC
Pour narrer cette histoire, Philip Martin adopte le point de vue de Sam McAlister (Billie Piper), journaliste pour l’émission de la BBC, Newsnight. En adaptant son autobiographie sortie en 2022, Scoops : Behind the Scenes of the BBC’s Most Shocking Interviews, il nous entraîne dans les locaux du plus grand média britannique pour nous faire découvrir les coulisses d’un métier de l’ombre.
Quête d’interviews exclusives, relations tendues entre collègues, pression des supérieurs, crainte d’être licencié ; Scoop s’intéresse au fonctionnement interne de Newsnight. Le problème, c’est qu’il aborde avec superficie cet « autre côté du miroir », ne nous laissant apercevoir qu’un reflet partiel. Certes, certaines scènes sont habilement amenées – à l’instar de la séquence en montage alterné de la préparation de l’interview – mais celles-ci restent peu nombreuses et surtout, sous-développées. D’autres films d’enquête, tels que Spotlight, auront réussi à nous happer avec davantage de panache.
Ce qui interpelle le plus, c’est surtout cette bien-pensance généralisée qui suinte de toutes parts, jusqu’au discours final de la rédactrice en chef de Newsnight, Esme Wren (Romola Garai), qui annonce : « C’est ça, Newsnight. On se démène pour raconter des histoires uniques. Des histoires qui doivent être racontées, qui intéressent les gens. On tient les puissants responsables et on donne la parole aux victimes. ». C’est une chose de mettre en avant le travail d’une journaliste qui a effectivement réussi à obtenir l’une des plus grandes interviews de son temps, c’en est une autre de glorifier ouvertement le travail de la BBC. Après tout, ce devoir d’information n’est-il pas l’essence même du sacerdoce de tout journaliste qui se respecte ? Cette auto-glorification donne un petit goût de ridicule à l’œuvre entière. Reste à savoir s’il vient de l’adaptation ou de l’autobiographie elle-même…
Un à-côté qui bat de l’aile
Scoop dresse le portrait de Sam McAlister, mais là encore, le film passe à côté de ses objectifs. En essayant d’étayer le quotidien de son personnage pour donner du réalisme à sa vie, Philip Martin ne fait qu’ajouter des scènes qui desservent l’histoire au lieu d’apporter une plus-value. En la dépeignant comme une mère de famille absente, trop absorbée par son travail, il amène une piste qu’il ne fait qu’effleurer, nous laissant sur le bas-côté, bien incapable d’éprouver la moindre compassion pour son fils, comme pour elle.
S’il ne fait nul doute que l’affaire est moche, remercions Scoop d’avoir opté pour une photographie qui nous le rappelle à chaque seconde. Passés la surprise de l’image granuleuse et l’espoir que ce soit un effet stylistique pour nous replacer dans l’ambiance visuelle des années 2000, force est de constater que les choix douteux persistent, notamment en matière d’éclairage et de colorimétrie, et ne semblent avoir d’autre objectif que d’entretenir la nausée et une certaine forme de colère chez le spectateur.
Information exclusive : Scoop est passé à côté de la victoire, rendant peu attrayant un scandale qui l’était. Espérons que la mini-série Amazon A Very Royal Scandal, adaptation cette fois-ci du livre d’Emily Maitlis, saura mieux nous combler.
Scoop est disponible sur Netflix depuis le 4 avril.
Avis
Scoop de Philip Martin aurait pu être un film d'enquête réussi, si seulement le réalisateur avait pris soin d'adapter avec intelligence le livre autobiographique de la journaliste Sam McAlister. Mais Scoop ne décolle jamais, s'embourbant dans une histoire qu'il ne parvient pas à retranscrire en détails. Résultat, on s'ennuie beaucoup et on découvre peu de choses.