Saw X se la joue prequel plus intimiste centré sur le personnage de John Kramer, pour tenter de relancer une franchise à la machinerie définitivement rouillée.
Saw, à l’instar d’autres franchises horrifiques telles que Scream ou Halloween, n’a jamais eu droit à un long et bénéfique repos. Ainsi, et durant sept années, Jigsaw a fait son retour, jusqu’au mensonger Saw : Chapitre final en 2010, qui n’aura su patienter que sept autres printemps avant la longue mise en production de Jigsaw (véritablement entamée dès 2013), et le flop critique et public de Spirale : L’Héritage de Saw, en 2021. Saw X reprend donc Josh Stolberg, le scénariste de ces deux piètres suites, et le réalisateur Kevin Greutert, monteur attitré de la franchise et directement responsable de Saw 6 et Saw : Chapitre final. Précédé de son succès public et critique au box-office américain (récoltant au passage le meilleur score de la franchise sur Rotten Tomatoes), ce dixième opus se présente donc comme un préquel, se situant entre le premier et le deuxième opus, et s’axant plus volontiers sur le personnage de John Kramer.
Pourtant, la fatigue visible de Tobin Bell (81 ans), paraissant bien au-delà de son incarnation de psychopathe en phase terminale, illustre parfaitement celle d’une franchise, née d’un petit braquage signé James Wan et Leigh Whannell, (budget d’1,2 millions de dollars avec plus de 100 millions de recettes) qui en 2004, s’avérait être un cocktail efficace et malin entre Seven et Le Projet Blair Witch, suivi d’autant de suites inutiles versant dans la surenchère et le torture-porn, effaçant et égratignant peu à peu l’aura réelle, et toujours présente, de ce premier opus. Et ce n’est pas ce Saw X qui viendra prouver le contraire, qui en se la jouant plus indépendant et surtout plus intimiste que les autres épisodes, se contente une fois de plus de nous rejouer la même formule rouillée, la malice des pièges et l’inventivité en moins, en se payant même le luxe de signer un réel affront envers son personnage principal et tout son principe.
Fatigue généralisée
John Kramer n’a jamais été aussi proche de la fin. Il décide de se rendre au Mexique afin de subir une opération expérimentale capable de guérir son cancer, découvrant rapidement que tout ceci n’est qu’une escroquerie visant des malades vulnérables et affligés, en se donnant alors pour but de retrouver et de piéger les responsables. Et déjà Saw X s’avère mentir sur son emballage : le piège, impressionnant, faisant office d’affiche, ne se révèle n’être qu’une vision du vieil homme lors d’un passage à l’hôpital, qui n’intégrera jamais l’intrigue et ne servira finalement que de petit biscuit à ronger dans l’attente d’autres joyeusetés d’un projet s’étirant inutilement sur près de deux heures. Parce que John Kramer est fatigué, ayant même perdu le goût de dessiner des pièges machiavéliques, et le mystérieux et fascinant psychopathe aperçu dans le premier opus n’est ici réduit qu’à un gentil papy-gâteau, n’hésitant plus une seule seconde à aider un enfant à réparer la roue de son vélo ou à offrir un cadeau à une gentille aide-soignante.
Saw X n’aura ainsi de cesse de vouloir réveiller un fascinant monstre qui n’est définitivement plus et un principe définitivement fatigués. De Saw, il ne reste ainsi que deux personnages, et si l’un s’avère réduit à une agréable personne âgée lestée, dont le scénario de Josh Stolberg justifie alors pleinement les actes, l’autre ne lui servira que de simple assistant malléable, se chargeant des basses besognes au mépris de sa fascinante ascension dans de précédents épisodes. Et pour le huis clos, le constat est tout aussi décevant, ce dixième opus se déroulant dans un entrepôt suréclairé et sur-esthétisé retirant définitivement à cet épisode le côté moite et malsain qu’avait su instiller la franchise dans ses trois premiers épisodes, le muant peu à peu en un escape-game à la fois poussif et ennuyeux, jusqu’à une scène finale en plein lever de soleil qui finit par complètement écœurer.
Saw-mnifère
Il n’y ainsi plus de malice, plus de suspense et d’autres véritables rebondissements que le déroulé lourdingue d’une suite de pièges aussi fades que le scénario. C’est de toute façon tout ce que semble avoir retenu de la franchise initiée par James Wan et Leigh Whannell ce cher Kevin Greutert, en plus des quelques effets de montage accélérés ayant certes marqué en son temps, il y a déjà près de vingt années, dont ce dernier ne se sert que pour un trajet en taxi. John Kramer assiste alors, à l’image du spectateur, impassible derrière sa tour de contrôle d’une machinerie poussiéreuse qui ne demandait, surtout après dix opus, qu’à être réinventée, à une suite de mises à morts et de rebondissements scénaristiques dont le scénariste Josh Stolberg se pense suffisamment malin pour en faire découler quelques inutiles twists, palliant alors juste à un récit médiocre.
Ainsi, si le principe de la franchise était de faire se confronter des personnages tels des pages blanches face à des pièges machiavéliques dévoilant peu à peu la monstruosité et l’inventivité de leur bourreau autant que leur sombre passé, Saw X n’en fait rien qu’un escape-game foireux où le monstre a laissé sa place à un justicier qui n’a, comme son scénariste et son metteur en scène, plus que la fatigue comme seul repère. Et surtout à garder éveillé l’intérêt du spectateur face à des personnages détestables ou sacrifiés, se débattant dans les pièges rouillés d’une franchise qui n’a définitivement plus rien d’autre à offrir de neuf que des litres de sang artificiel dans lesquels s’est déjà noyée à plusieurs reprises cette dernière, toujours au mépris de son glorieux et unique modèle, jamais dépassé ni même réinventé, dans une trahison qui se fait ici aussi amère que définitivement à bout de souffle.
Saw X sort le 25 octobre au cinéma.
Avis
Saw X fait de son personnage un papy-gâteau fatigué, trahissant encore un peu plus toute la monstruosité et l'ingénierie d'un épisode initial jamais dépassé ni même réinventé. Il ne reste ainsi à ce dixième épisode qu'une machinerie rouillée où la fatigue règne en maître de rebondissements poussifs de ce ne qui ressemble désormais plus qu'un à un piètre espace-game, qui sur près de deux heures a plus que le temps d'ennuyer.