Roqya est le premier long-métrage du réalisateur français Saïd Belktibia. Un film sur la lutte d’une femme prête à tout pour conserver son indépendance et la garde de son fils.
Roqya retrace le parcours de Nour, une trafiquante d’animaux, ex-conjointe de Dylan et mère d’Amine. Pour certains, elle est une sorcière, pour d’autres, une guérisseuse. En lançant une nouvelle application, elle se retrouve dans le viseur de certains guérisseurs. Jusqu’au jour où tout dérape : elle qu’on voyait comme une aidante devient imposteur, la cible d’une communauté entière. Angoissant, Roqya est une véritable “chasse aux sorcières” qui nous prend aux tripes.
L’histoire d’une femme
Pour son réalisateur, Roqya “est avant tout l’histoire d’une femme qui refuse de se soumettre” et qui se retrouve avec l’ensemble de la société à dos. Parce qu’être une femme libre dérange, parce que vouloir éloigner son fils d’un père violent n’est pas accepté par tous. Mais Nour a en elle cette rage, cette volonté indestructible qui la fait avancer, envers et contre tous. Elle ne baisse jamais les bras et continue de lutter, même au péril de sa vie.
L’actrice Golshifteh Farahani propose une interprétation intense qui convient parfaitement à ce personnage. Sa silhouette lui confère toute sa complexité et son ambiguïté : “Nour est belle mais elle est l’inverse d’un objet de désir car elle fait peur aux hommes”, explique la comédienne. Le personnage reprend donc ses droits et en affrontant son mari, elle lutte contre le système patriarcal ; en devenant l’objet d’une chasse au sorcière, elle se soulève contre l’ensemble d’une société qui voudrait la broyer.
En proie aux images
A l’instar de son court-métrage Ghettotube (2015), Saïd Belktibia se penche sur “la violence engendrée par internet et les réseaux sociaux” et fait de Nour la proie d’une Toile qui porte terriblement bien son nom quand elle est tissée de haine. Cette frénésie collective atteint son paroxysme lors de cette scène insoutenable qui voit Nour lynchée par des adolescents malveillants sous le regard indifférent des passants…
Mais Nour n’est pas la seule victime de ces médias en ligne : il y a aussi son fils, Amine, tiraillé entre différentes réalités. Perdu entre l’amour qu’il ressent pour sa mère, les propos médisants de son père et ces images qu’il voit défiler sur la Toile, il ne sait plus qui croire : elle ou ce qu’on dit d’elle ? Cette incertitude colossale le dévore de l’intérieur et mine, délite, étire jusqu’à la rupture la complicité tissée entre une mère et son fils.
L’effet papillon
Roqya fonctionne à la manière de l’effet papillon : tout part d’une étincelle pour devenir un véritable incendie ravageur. Prise en étau entre son mari – campé par le comédien Jérémy Ferrari – et le reste du monde, elle n’a plus d’autres choix que de se battre, parfois contrainte à recourir à la violence. L’étouffement se retrouve dans des plans qui se resserrent tout en prenant des teintes froides ou au contraire trop chaudes. Les multiples inserts sur des animaux en train de dévorer des insectes vivants nous oppressent, nous asphyxient. On suffoque avec Nour et quand le feu a pris, mieux vaut courir pour ne pas brûler vif.
Le rythme de Roqya monte crescendo et ne laisse aucun répit, et on aurait parfois aimé que le réalisateur prenne justement le temps de s’arrêter.Trop de vitesse tue parfois la vitesse et ce manque de respiration sature certaines des séquences. Il faut cependant reconnaître que Roqya ne laisse pas indemne : le corps réagit, on tremble, on pleure, on voudrait pouvoir crier avec Nour et se battre avec elle contre cette brutalité qui l’assaille de toutes parts. Roqya est un film qui respecte son parti pris de mise en scène en ne relâchant jamais le rythme pour emmener toujours plus loin son personnage principal. Un récit fait d’amour et de haine porté par une actrice brillante.
Roqya de Saïd Belktibia est à découvrir au cinéma dès le 15 mai.
Avis
Roqya retrace la lutte d'une femme qui tente de vivre seule tout en protégeant son enfant d'un mari violent. Roqya retrace aussi le lynchage d'une femme devenue la proie d'une société entière, une course poursuite haletante qui ne s'arrête pas.