Péter Bergendy a quatre ans lorsque son père lui offre sa première caméra. Après un parcours alliant réalisation et rédaction, le cinéaste réalise en 2004 son premier long-métrage Stop Mum Theresa!. Son troisième film, Vault, remporte huit César hongrois. En 2022, Post Mortem représente la Hongrie aux Oscars.
Post Mortem raconte l’histoire de Tomàs (Viktor Klem), un jeune miraculé du front. Il travaille dans une fête foraine, où il exerce le métier de photographe post-mortem. Sa mission : immortaliser les défunts des familles de villages hongrois en recréant l’illusion de la vie par la mise en scène. Alors qu’il vient d’arriver dans un village lourdement endeuillé, la jeune Anna (Fruzsina Hais) lui révèle que celui-ci serait hanté par des spectres mystérieux et terrifiants…
Une œuvre personnelle
L’histoire de Post Mortem se déroule lors des événements de 1917. La Hongrie se voit touchée d’une pandémie meurtrière, la grippe espagnole. La mort est omniprésente au milieu des villages et hante la population. Cette histoire, c’est aussi celle de Péter Bergendy, réalisateur Hongrois. Il délivre donc un portrait d’une population hantée par ses défunts et par la mort.

L’intrigue démarre véritablement au milieu d’une foire. Le mystère autour de l’au-delà est un business entretenu par le vieux. Le forain gonfle ses histoires pour faire fureur et attirer la foule. De l’autre côté de la tente, le réalisateur nous présente Tomàs auprès d’une famille. Il est en train de la photographier aux côtés de leur défunte fillette. Dès lors, le film s’interroge sur la notion de mort et de son traitement dans la société.
Tandis qu’il est un véritable marché à sensation pour certains – faire frissonner les gens pour les divertir – ; il est une douleur parfois insurmontable pour d’autres. Une chose est sûre, le portrait dressé de Tomàs en une scène permet au spectateur de s’identifier à lui. Il sera le héros post mortem. Tomàs détient également – au-delà de son statut de héros – le rôle d’un metteur en scène. C’est le personnage qui met en scène les morts et qui les immortalise à tout jamais.
Un film glaçant
En plus de traiter d’un sujet assez glaçant, Post Mortem se déroule en pleine période hivernale. Les grands froids font des victimes et les personnages le rappellent. Les morts sont d’ailleurs conservés et gelés afin d’être photographiés. La photographie du film est, d’ailleurs, tout aussi glaçante. L’image est désaturée et froide. La mise en lumière est proche du naturalisme, rendant l’univers palpable, crédible et inquiétant. Certaines scènes sont éclairées par le personnage lui-même portant une lampe à huile dans des couloirs obscurs en pleine nuit noire…

Un atout majeur du film, c’est de maîtriser son genre, à savoir : l’horreur. Péter Bergendy a le sens du rythme et sait quand laisser vivre les scènes ou non. Le montage du film est une réussite, très spécifiquement pendant les scènes d’horreur et de surnaturel. Post mortem prend son temps et laisse vivre l’horreur. Le réalisateur sait quand couper, quand faire survenir les choses ou non, rappelant l’art du registre : Monsieur James Wan.
Post mortem est un film d’ambiance, avec une mise en scène intelligente et un traitement du son terrifiant. Le hors-champ est omniprésent et la menace n’apparaît quasiment jamais. Péter Bergendy sait surprendre son spectateur, plaçant les événements surnaturels là où on s’y attend le moins. Un cri strident. Des bruits de pas détalant au grenier… – J’en ai encore des frissons rien que d’écrire ces lignes… J’ai même été vérifier mon couloir, c’est pour dire… –
Une véritable progression dramatique
Ce qui est agréable avec Post mortem, c’est qu’on ne tourne pas en rond. Le film est astucieusement découpé (autant en termes de cadre que de séquence). On pourrait presque identifier une évolution des sous-genre du film, passant du drame, au film d’enquête, puis au film d’horreur.

Péter Bergendy ne fait que renouveler sa mise en scène, qui ne fait qu’évoluer vers le spectaculaire à mesure que le film avance. On découvre d’ailleurs un climax ultra nerveux, basculant jusqu’à des séquences proches de l’expressionnisme allemand, tout en restant glaçant et clinique. Le réalisateur réussit à créer une véritable identité aux entités que les personnages vont rencontrer tout au long du film. Malgré la distance, on identifie facilement chaque chose et leur histoire, avec un mélange de peur et de peine.
L’au-delà, une destinée
Post mortem s’apparente presque à une origin story d’une prochaine trilogie horrifique. Le duo de protagonistes n’est pas sans rappeler Lorraine et Ed Warren de l’univers de Conjuring. Le cinéaste se permet même d’aller jusqu’à un pseudo cliffhanger, ouvrant vers d’autres horizons. Une chose est sûre, le film est – en plus d’être une découverte – une véritable réussite.