C’était probablement un des évènements série de 2025 : Pluribus est la nouvelle série de Vince Gilligan (Breaking Bad, Better Call Saul) produite par Apple TV. Mêlant science-fiction, humour et drame, cette première cuvée convainc tout en s’affirmant comme une rampe de lancement plus ample.
Cela faisait déjà quelques années que nous attendions Pluribus. En effet, il s’agit de la toute nouvelle œuvre de Vince Gilligan, auteur à qui l’on doit les inoubliables Breaking Bad et Better Call Saul. Non content d’avoir proposé deux monuments du monde de la série TV, le bougre retrouve d’ailleurs Rhea Seehorn pour lui filer le premier rôle de ce TV show hautement original sur le papier !
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Via son excellent premier épisode, Pluribus nous introduit à Carol Sturka (Rhea Seehorn), une autrice à succès responsable de la saga de romance-piraterie Wycaro. Tandis qu’elle se trouve dans un bar avec sa compagne, un évènement sans précédent frappe le monde entier : une invasion extra-terrestre ! Mais pas n’importe laquelle, étant donné que tous les humains (sauf douze immunisés) sont frappés de convulsions et se redressent animés par la même conscience collective.
En effet, les premières minutes de Pluribus mettent en avant la découverte d’un signal radio d’origine inconnue provenant d’un monde à 600 années-lumière. Mais en décodant ce signal, l’humanité ouvre sa propre boîte de Pandore, produisant un ARN messager pour la confection d’un dangereux virus. Le vecteur parfait pour coloniser la Terre tel un esprit-ruche.

Pluribus ne surprendra donc pas forcément tout féru de science-fiction old-school, renvoyant autant à The Twilight Zone qu’à Invasion of the Body Snatchers dans son concept. Car s’il paraitrait curieux pour tout fan de Walter White ou Saul Goodman que Gilligan s’attaque à un tout autre genre, il ne faut pas oublier que Gilligan a fait ses armes de scénariste avec X-Files !
L’humain au centre
Un terrain en or pour le showrunner, plaçant à nouveau son action principale à Albuquerque, mais rendant immédiatement tangible la menace mondiale que représentent désormais ces Intrus. Et si le canevas de base à tout du scénario SF-catastrophe, c’est avant tout dans sa dimension existentialiste que Pluribus convainc !
En effet, l’humanité partage désormais une seule conscience, au tempérament perpétuellement heureux. Une utopie en quelque sorte, annihilant la guerre et la violence (ils ne peuvent même pas cueillir une pomme, car contraire à leur éthique de ne pas faire de mal à une forme de vie). Une forme d’uber-communisme en quelque sorte, tandis que la dernière forme de singularité est représentée par Carol (puis un autre personnage vivant au Paraguay).

Rhea Seehorn excelle dans un tout autre registre, en héroïne cynique d’abord prête à tout pour « sauver le monde ». Pluribus pourra peut-être rebuter tout spectateur pensant que le scénario se doit d’amener des réponses immédiates sur la manière de botter les fesses de l’envahisseur, mais Gilligan et son équipe sont heureusement plus intelligents que ça, préférant questionner frontalement notre propre conscience et condition humaine.
High-concept sur la condition humaine
Une thématique charnière qui est bien déroulée à chaque épisode, tandis que Carol se doit de cohabiter avec la menace la plus sympathique (mais non empathique) qui soit. De plus, le sujet se veut plus ludique et vertigineux qu’il n’y paraît, renvoyant forcément que spectateur à son propre reflet : que ferions-nous ? Nous dresserions-nous avec notre individualisme et nos imperfections comme porte-étendards ? Accepterions-nous la défaite et rejoindre le collectif ? Ou alors profiterions-nous des plaisirs égoïstes qui en découlent dans une cohabitation vidée de sens ?

C’est via cette substantifique moelle que Pluribus tient en haleine, plus que par sa dramaturgie. Pour autant, cette saison 1 place efficacement ses pions en terme de caractérisation de personnages, notamment son trio principal (qui constitue l’essentiel du casting paradoxalement). Ainsi, les derniers épisodes se veulent plutôt étonnants dans leur manière à subvertir le jeu de domination entre Carol et Zosia (Karolina Wydra est épatante dans sa manière de mimer une promiscuité affective avec Carol que dans sa capacité à totalement incarner le collectif), et ce jusque dans son final en apostrophe laissant songeur sur la suite de la série.
Une première saison robuste
Mais plus encore, Pluribus impressionne via son épisode 7 « Le Fossé » : un modèle de narration presque sans aucun dialogue, mettant en avant le personnage vindicatif de Manousos (Carlos-Manuel Vesga bouffe l’écran) dans un road trip magnifiquement photographié en terme de blocking. Oui, on est toujours chez Gilligan, donc niveau fabrication pas de réelles fautes : de la prestige TV comme on aime !
Au final, cette Saison 1 de Pluribus s’avère avant tout une belle rampe de lancement pour un voyage de 4 saisons prévues. Et même si le show propose un high-concept vertigineux, c’est toujours l’humain qui reste au centre de la narration. De là à faire le parallèle avec nos propres problématiques socio-relationnelles contemporaines, il n’y a évidemment qu’un pas..
Pluribus est visible sur Apple TV
avis
Avec Pluribus, ce n'est pas tant son high-concept à la bodysnatchers qui impressionne, mais bien la réflexion existentielle qui en découle. Vince Gilligan livre ainsi une première saison de belle tenue, impeccablement mise en scène et servie par un superbe trio principal. Une rampe de lancement plaçant toujours l'humain au centre de cette œuvre SF caustique, qui laisse songeur sur la tournure des évènements à venir : une réussite !

