Présenté début 2023 au festival de Sundance, Past Lives s’est progressivement frayé un chemin privilégié vers les tops films de l’année. En effet, Céline Song (dont c’est le premier long-métrage), signe à la fois une romance fleuve pouvant avoir un certain goût de déjà-vu, mais rehaussée par la sensibilité propre de sa réalisatrice.
Past Lives début de nos jours, alors que la caméra/le spectateur/des individus hors-champs se questionnent sur trois individus présents dans un bar new-yorkais : une femme coréenne nommée Na Houng (Greta Lee), un homme coréen du nom de Hae-Sung (Teo Yoo), et Arthur (John Magaro), un américain à leurs côtés. Quelle est la nature de leur relation ? C’est avec cette interrogation que les 1h45 de métrage vont se construire au sein d’un récit s’étalant sur 24 ans.
Deuils relationnels à retardement
En effet, nous plongeons ensuite en 2000 à Séoul, alors que Na Houng et Hae Sung sont amoureux l’un de l’autre, mais alors que la première doit déménager à Toronto avec sa famille, cet amour d’enfance s’évaporera durant 12 ans. Une étincelle allant ensuite se raviver au moyen d’une relation à distance, elle-même terminée avant que les 2 anciennes âmes sœurs se retrouvent de nos jours le temps d’un week-end..sachant que Na Houng est désormais mariée à un collègue écrivain à New York.
Past Lives aurait donc tout du scénario vaudevillesque ou bien d’une comédie romantique un brin galvaudée. Et pourtant, Céline Song se sert avec un bien bel escient d’un vécu quasi autobiographique pour porter à l’écran le déracinement du formidable personnage principal. En effet, si l’on vient avant tout chercher une romance bouleversante supportée par un amour impossible, Past Lives ne va définitivement pas sur les traces du cinéma de Wong Kar-Wai.
Plus proche d’un Richard Linklater, Céline Song filme une quotidienneté rythmée par les non-dits et autres silences, sans toutefois aller sur les mêmes plates-bandes. Car si le film peut paraître un brin illustratif par instants (notamment via son rapport à la destinée, le « inyeong » en coréen), voire même cloisonnant dans sa maîtrise assez constante du cadre, Past Lives aborde avec une maturité rare la complexité d’une relation et de comment les aléas de la vie rendent difficile d’y mettre parfois un terme.
L’émotion par le prisme de Greta Lee
La caméra donne ainsi le tempo narratif de cette histoire, s’attardant sur la solitude et le doute expérimentés par la protagoniste : le vent qui s’engouffre par une fenêtre ouverte, la pluie se déversant dans un New York automnal.. Un spleen méditatif global donne une signature ambiante forte à Past Lives, épousant avant tout le projet de quête émotionnelle et identitaire pour les divers personnages.
Et derrière une romance pudique jamais expérimentée, Past Lives se veut avant tout réellement touchant quand il dresse le portrait du trouble identitaire de Na Houng (renommée Nora aux USA), ne se sentant jamais coréenne ni complètement américaine. Et si les acteurs masculins sont évidemment très bons, c’est bien l’excellente Greta Lee qui ressort du lot, telle l’avatar de la réalisatrice. Une performance toute en émotion contenue, à l’instar du film, nous caressant jusqu’à son final cathartique, avec une réelle humilité.
Past Lives est sorti au cinéma le 13 décembre 2023
avis
Avec Past Lives, Céline Song signe un beau premier film, qui derrière quelques oripeaux de mise en scène picturales et contrôlées, laissent apparaître une réelle maturité d'intention et une douceur réellement délectable dans cette romance plus complexe qu'elle en a l'air. Mais surtout, outre une cinéaste à suivre, c'est aussi la révélation dugrand talent de Greta Lee. Une bien belle pioche donc !