Après avoir fait le tour des festivals et reçu de nombreux prix (notamment au prestigieux Cinéma du réel), Nous, étudiants ! débarque enfin dans nos salles, et on ne peut qu’admirer le travail.
Premier long métrage documentaire de Rafiki Fariala, Nous, étudiants ! suit le quotidien de 4 amis, Aaron, Benjamin, Nestor et Rafiki lui-même. En troisième année de licence, nos protagonistes étudient à l’université de Bangui, capitale de la République Centrafricaine. Ils se sont rencontrés en première année, et sont depuis devenus inséparables, partageant leurs rêves, leurs états d’âmes et leurs difficultés. Car étudier en RCA n’est pas de tout repos, il faut se battre au quotidien. Entre l’état vétuste des bâtiments, la corruption régnant chez les professeurs, le manque d’argent et la faim, il s’agit de survie à l’université de Bangui.
Tournage difficile
L’élément le plus marquant de Nous, étudiants !, c’est sa qualité au vu des conditions de tournage. En effet, le réalisateur étant lui même protagoniste du film, il vit dans les conditions qu’il met en scène, c’est à dire dans une très grand précarité. Nos personnages sont parfois obligés de se lever dans la nuit pour se réserver une place en cours, car les salles ne sont pas assez grandes. Ils dorment à quatre dans une chambre étudiante, dans laquelle il y a des infiltrations d’eau quand il pleut. Ils doivent également travailler à côté de leurs études, pour avoir de quoi manger. En bref, suivre les cours n’est pas la partie la plus difficile de la vie universitaire.
Malgré toutes ces embûches (et la perche qui apparaît quelques fois à l’écran…), Rafiki Fariala nous propose des images d’une grande beauté. Les cadres sont travaillés, régulièrement impactants. Les mouvements de caméra sont maîtrisés, alors que tout est fait à la main, comme on peut le voir lors du travelling à moto parfaitement exécuté. Le résultat est donc d’autant plus impressionnant, quand on connaît les conditions matérielles et le peu de moyens techniques du film.
Ce cadre de travail est aussi ce qui permet au film d’exister tel qu’il est. En effet, c’est dans ce milieu difficile que ces adolescents se sont rencontrés, et ont appris à vivre ensemble, dans une intense proximité. Cette relation forte entre eux a donc permis à Rafiki de pouvoir les filmer dans tout les moments de leur quotidien, sans que ses amis ne soient gênés par sa présence. La caméra existe dans le film, elle n’a jamais un point de vue extérieur, c’est celui d’un étudiant qui observe ses amis. Cela permet au réalisateur de nous introduire dans l’intimité des protagonistes, dans des instants de vie très privés, comme une rencontre amoureuse ou encore lorsque les protagonistes partagent leurs angoisses concernant leur avenir.
Cette proximité que le réalisateur entretient avec ses amis nous rapproche d’eux également. Cela les rend touchants et attachants, on rit et pleure avec eux comme si nous faisions également partie de ce groupe. Au final, Rafiki Fariala réussi à merveille à capter l’essence d’une amitié réelle, et de nous la retranscrire le plus sincèrement possible à l’écran.
Revendications centrafricaines
Mais la beauté de la réalisation, et ses personnages touchants ne sont pas les seuls intérêts de Nous, étudiants !. C’est un film qui porte une idéologie, pleine de rêves et de désirs de changements : celle de toute la jeunesse étudiante centrafricaine. Les élèves que l’on suit portent en effet en eux un réel désir de révolte contre les modèles sociaux en place. Les difficultés matérielles rencontrées sont pour eux un produit de la corruption existante au sein du gouvernement, et même de l’université. Certains professeurs forceraient les élèves à les payer, ou à leur céder des faveurs sexuelles en échange de bonnes notes. Or pour nos 4 étudiants, l’université est le moyen de s’élever contre l’ancienne génération, et les coutumes désuètes toujours en usage. C’est souvent la source de nombreux débats et discussions pour nos amis, qui nous permettent de comprendre clairement la situation socio-politique de la RCA, pays dont on entend peu parler en France. Pour eux, la jeunesse est l’avenir du pays, et doit donc tout faire pour changer les dysfonctionnement du système en place, et reconsidérer d’anciennes traditions qui ne sont plus d’actualité.
Nous, étudiants ! est donc un film purement centrafricain. On ressent le désir de Rafiki Fariala de faire connaître son pays qu’il affectionne, et de faire connaître son opinion et ses idées en tant que représentant de la nouvelle génération. L’objectif est réussi, et pour un premier long métrage ayant demandé un tel travail (presque 3 ans de tournage !), on ne peut que féliciter le réalisateur. On espère alors, comme l’a dit Rafiki lui même, qu’on entendra encore parle du cinéma centrafricain.
Nous, étudiants ! sortira le 15 novembre au cinéma.
AVIS
On sort du film avec un sentiment galvanisant, une certaine envie de révolte. Le réalisateur maîtrise son art à la perfection, on attend vraiment les projets suivants avec impatience !