Présenté au Festival de Toronto en 2024, Nightbitch et son pitch décalé avaient de quoi intriguer, d’autant que cette comédie dramatique est portée par une Amy Adams décidément trop rare sur les écrans. Le résultat n’est ni plus ni moins qu’une déception, à découvrir quand même, directement en streaming chez nous.
Marielle Heller a beau n’avoir aucun vrai film digne de grand intérêt à son actif (reste quand même le sympathique L’Incroyable Mr Rogers avec Tom Hanks), on était en droit d’attendre quelque chose de Nightbitch. Outre un titre un brin frondeur qui accroche nos belles esgourdes délicates, ce film Searchlight Pictures (la filiale films d’auteurs de Fox-Disney) part d’un postulat de base aussi excitant que casse-gueules.
Amy Adams remue la queue
En effet, le film nous présente Amy Adams (Premier Contact, Sharp Objects) en tant que mère au foyer, parent d’un bambin de deux ans. Les journées s’enchaînent, parfaitement retranscrites via un montage d’intro orchestré tel un métronome sans autre perspective d’avenir que subvenir aux besoins primaires de son enfant.
Pas de métro-boulot-dodo, mais l’accompagnement à la crèche, les tâches ménagères, la cuisine, les courses au supermarché… et l’annihilation progressive de toute possibilité de loisir. Car l’ex-artiste peintre désormais mère va peu à peu perdre la raison et penser qu’elle se change en chien !
Un postulat accrocheur donc, tandis que Nightbitch laisse penser qu’Heller adapte le roman éponyme de Rachel Yoder pour en faire une satire acidulée de la condition féminine une fois la maternité/pré-ménopause arrivée, tout en variant drame et comédie avec des éléments surréalistes. Un contrat avec le spectateur qui se fait relativement rapidement d’ailleurs, tandis que la mise en scène épousera par instants les monologues intérieurs de la protagoniste (tendance schizophrénie naissante à la Fight Club) avec même un sursaut de body horror.
Dur dur d’avoir un bébé
Hirsutisme exacerbé, kyste suspect, apparition de melons sur le ventre… une dysmorphophobie naissante qui appuie ainsi l’évolution du personnage jusqu’à ce que Nightbitch fasse d’Amy Adams une anxieuse sur pattes, capable d’aller dans le jardin pour trotter dans l’herbe, aboyer face à des convives au restaurant ou bien manger sa nourriture dans une gamelle !
Une dimension « in your face » que malheureusement la réalisatrice n’utilisera jamais autrement que comme un pur gimmick artificiel dans le but de surligner au marqueur fluorescent le burn-out d’une mère ayant abandonné sa propre identité au profit d’autrui. Un regard certainement pessimiste sur la condition de mère au foyer (qu’un film comme Tully avait par exemple traité avec plus de nuances et de subtilité), mais dont le fond se veut toujours pertinent en faisant de cette quotidienneté un réel enjeu dramaturgique contaminant à la fois la femme, mais aussi son entourage.
Malheureusement, Marielle Heller abandonne rapidement les promesses de variations de ton pour faire de Nightbitch un drame qui aboie plus qu’il ne mord. En résulte non seulement un objet filmique sans patine singulière, préférant bazarder à mi-parcours tout aspect de comédie noire, mais également un métrage curieusement avare en idées de mise en scène.
Acting sans fasse note
Bien heureusement, Nightbitch peut compter sur une Amy Adams toujours juste, arrivant même à faire accepter des séquences sur le fil où une actrice moins expérimentée nous aurait entraîné vers les chemins amers du cabotinage. Une vraie star en somme, qui surélève constamment chaque séquence via les nuances de son jeu : en résulte un protagoniste ancré dans le réel qui ne vire jamais au personnage détestable, malgré des accès de folie tout au long du récit. Une balance que l’on doit aussi à Scoot McNairey, bon contre-poids en mari constamment overbooké.
Malheureusement, difficile de voir en Nightbitch autre chose qu’un potentiel gâché. Trop timoré et n’assumant jamais vraiment son parti-pris initial, le film a au moins le mérite de montrer qu’une maternité viable n’est possible que par le compromis sans abandonner ses idéaux et autres passions constitutives de sa personne. Pour le reste, le résultat est franchement oubliable, malgré une comédienne que l’on a toujours plaisir à revoir à l’écran.
Nightbitch sortira sur Disney+ le 24 janvier 2024
avis
Même si pertinent dans son regard désenchanté où maternité, féminité et individualité ont du mal à cohabiter, Nightbitch troque rapidement ses prémices de comédie dramatique acide par un récit surligné et timoré. Heureusement, Marielle Heller peut compter sur une Amy Adams tenant à elle seule l'ensemble d'un récit ne virant jamais au cabotinage, apportant les nuances dont est dépourvue la narration globale. Pas franchement désagréable mais toujours dans les sentiers battus : une pioche tout à fait oubliable qui aboie plus qu'elle ne mord !