Montre jamais ça à personne clôt en quatre épisodes le fantastique documentaire piloté par Clément Cotentin. Pour s’arrêter sur le douloureux processus créatif de Civilisation.
Montre jamais ça à personne avait convaincu tout le monde, y compris nous, lors de sa sortie sur Prime Video. Nous avions ainsi ici loué la sincérité et la préciosité du documentaire de Clément Cotentin au milieu d’objets promotionnels hagiographiques, là où la proposition du frangin d’OrelSan se trouvait aussi riche que généreuse, transcendant complètement son exercice en étant à la fois un récit initiatique, une quête désespérée et insondable du succès, la radiographie d’une époque et le portrait en creux d’un homme que le succès a permis de s’ouvrir au monde et à lui-même. Cette seconde partie de 4 épisodes s’arrête pourtant là où tout a basculé, pour persévérer dans cette voie pavée de succès.
Confinement artistique
Montre jamais ça à personne aura ainsi réussit l’exploit de parcourir près de 15 ans de carrière en chapitrant chaque nouvelle étape d’une ascension, entre déboires et flamboyantes réussites. Cette seconde partie s’arrête en plein confinement, au moment où la préparation d’un quatrième album fait revenir le doute, les appréhensions, et ausculte ainsi de très prés le fragile processus créatif. Comme un éternel recommencement, la série nous conte ainsi l’avènement d’un nouveau projet comme un énième accouchement douloureux, tout en ne perdant rien de sa désarmante sincérité. Il y ainsi un plaisir intact à observer, au-delà du rappeur, plusieurs carrières évoluer, s’entrechoquer, tout en remettant au centre l’importance infinie de l’amitié, bien derrière les chiffres de ventes.
Comme chaque œuvre d’OrelSan semblait ainsi se muer en un vibrant plaidoyer à l’accomplissement de soi, cette seconde partie de Montre jamais ça à personne en perpétue l’ambition. Comme une bonne comédie où l’on aurait plaisir à retrouver une bande de personnages attachants, il est ainsi précieux de voir graviter autour de cette mise au monde fragile tout un tas de destinées bouleversées et épanouies, se réunissant pour mener ensemble le même projet et ainsi durant un bref instant regarder dans la même direction. Au milieu du nombre souvent étourdissant de streams et autres vues YouTube, l’on a parfois l’impression que certains projets artistiques ressemblent plus à des opérations financières. Au détour de sa série, Clément Cotentin remet ainsi au centre la fragilité d’une carrière, et de l’inspiration.
Friends forever
Ainsi, si Clément Cotentin aurait pu se reposer sur les acquis d’une formule parfaitement huilée, au niveau de la technique le montage est toujours aussi réussi. Entouré du fidèle Christophe Offenstein à la réalisation, cette seconde partie nous avait ainsi gardé le meilleur pour son bouquet final. Parce qu’au-delà de l’exploit de parcourir toute une carrière, le défi de filmer un moment de suspension était encore plus complexe à relever, surtout exécuté avec le même dynamisme et la même gourmandise. Il est ainsi rare de trouver des œuvres aussi abouties sur le doute et la crise créative d’un.e artiste, souvent montré au cinéma au détour de figures de peintres, où dernièrement d’un metteur en scène avec l’excellente Irma Vep d’Olivier Assayas, qui était aussi, on le rappelle, l’une des meilleures séries récentes.
Tel un mash-up improbable entre Strip-Tease, Spinal Tape et Spaced, Montre jamais ça à personne réussit une fois de plus brillamment son pari. Il demeure ainsi un certain déchirement de voir cette formidable aventure s’arrêter là, comme si l’on quittait l’intimité d’une bande d’amis chéris que l’on quittait sans s’être fixé de rendez-vous. Pourtant, on en est sûr, on les retrouvera, tous à leur place, heureux et épanouis. Et c’est bien ça le plus beau dans Montre jamais ça à personne : chaque moment, chaque image, restera gravé comme un morceau de notre propre vie.
Montre jamais ça à personne, partie 2 est disponible depuis le 13 octobre 2022 sur Amazon Prime Video.
Avis
Et si Montre jamais ça à personne nous avait gardé le meilleur pour la fin ? Clément Cotentin renouvelle ici l'exploit de sa formidable première partie en relevant le défi de filmer un pur moment de suspension en auscultant brillamment le douloureux processus créatif. Toujours aussi brillante et désarmante de sincérité, cette conclusion fait ainsi vibrer la corde sensible, avec l'impression de quitter des amis sans s'être fixé de rendez-vous.