Avec Mon Crime, François Ozon revient à la comédie par la grande porte, en délivrant tout ce que son cinéma sait proposer de meilleur.
Mon Crime est le vingt-deuxième film de l’hyperactif François Ozon. À l’instar d’Olivier Assayas, il est compliqué de catégoriser la filmographie des deux réalisateurs dans un seul genre tant les deux hommes se sont montrés éclectiques, du drame au thriller, en passant par celui, plus risqué de la comédie. Ainsi, quand on pense à François Ozon, chaque cinéphile y trouvera son bonheur, tant des films complètement différents viennent en tête, des géniaux et colorés 8 Femmes et Potiche, en passant par les glaciaux et tendus Swimming Pool et Gouttes d’eau sur pierres brûlantes en passant par les drames intimes Grâce à Dieu et Été 85.
Après les tout aussi différents (et aux succès plus confidentiels) Tout s’est bien passé et Peter Von Kant, François Ozon revient ainsi sur la voie royale de la comédie. Et pas par la petite porte, donc, mais par la très grande, en réunissant tout ce que son cinéma sait proposer de meilleur. Si les allusions à 8 Femmes et à Potiche paraissent ainsi évidentes (on retrouve même Fabrice Luchini et Isabelle Huppert), dont ce Mon Crime pourrait paraître comme le dernier né d’une trilogie de comédies féminines et féministes. Parce que la dernière œuvre de François Ozon sait marier à merveille le kitsch du théâtre de boulevard de Barillet et Grédy, tout en modernisant à merveille une œuvre des années 30 pour délivrer une savoureuse, et surtout brillante, comédie contemporaine.
Serial-killeuses
Mon Crime suit ainsi une jeune actrice et son amie avocate, toutes deux sans le sou (Nadia Tereszkiewicz et Rebecca Marder, merveilleuses), dont le crime d’un producteur libidineux va apporter gloire et reconnaissance, avant que la vérité n’éclate… Et de ce postulat complètement amoral, François Ozon tire ainsi une comédie merveilleuse, pépite d’interprétation et de dialogues. Le cinéaste s’approprie ainsi à merveille une pièce de 1934 pour en délivrer une œuvre complètement baignée dans l’air du temps, où les femmes règnent en héroïnes modernes tandis que la veulerie et la bêtise des hommes rappellent celles occupées par un certain Fabrice Luchini dans Potiche, reprenant ici un rôle de juge aussi réjouissant que très similaire.
Cependant, François Ozon va ici plus loin. Dans ses précédents vaudevilles, il y avait toujours une sorte de basculement dramatique permettant aux hommes de reprendre le pouvoir et de sonner une sorte de désenchantement pour ses héroïnes toutes-puissantes (criminelles dans 8 Femmes, poussée de son siège de directrice temporaire dans Potiche). Dans Mon Crime, le cinéaste s’affirme, comme libéré par une époque qui a enfin remis les pendules à l’heure (sur le papier) au niveau de l’égalité, n’hésitant pas à y aller franchement, et pousse ainsi les curseurs de son écriture, trempant à la fois dans une immoralité jouissive et un empowerment féminin de chaque instant.
Femmes libérées
Parce que dans Mon Crime, toute la galerie de personnages masculins s’avère aussi hilarante sur le papier que piteuse dans la forme. Des juges et policiers complètement à côté de la plaque, des producteurs prédateurs sexuels (tiens, tiens), et autres amants idiots où complètement obsédés, le film de François Ozon aurait pu paraître glacial tant la gente masculine s’y voit représentée sous son apparence la moins reluisante. Mais la transposition dans les années 30 fait sauter le moindre trouble pour plonger Mon Crime dans la satire mordante et astucieuse, où l’intelligence supérieure des femmes provoque à la fois l’audace, l’admiration et l’hilarité. Réjouissant sur le fond comme sur la forme, et dénué du moindre jugement moral, François Ozon semble alors en état de grâce.
Des intérieurs chics et faussement idylliques de l’entre deux guerres, François Ozon y insuffle toute l’élégance et la maîtrise formelle d’un cinéaste inspiré et généreux, délivrant sûrement l’une de ses meilleures œuvres. Mon Crime a ainsi à la fois les atours d’une comédie populaire au casting prestigieux, d’un film d’époque complètement réussi, et d’une satire aussi mordante que jouissive et surtout très contemporaine. On ne saurait donc vous encourager, à défaut de commettre l’irréparable, d’aller admirer celui de François Ozon, qui a tout du crime parfait.
Mon Crime est actuellement au cinéma.
Avis
François Ozon revient à la comédie par la très grande porte. En réunissant tout ce que son cinéma sait proposer de meilleur, tant au niveau du casting que de l'interprétation, le cinéaste relit ses précédentes comédies pour en livrer une synthèse à la fois jouissive, audacieuse, hilarante et complètement contemporaine. Un crime PAR-FAIT.