Taylor Sheridan, le nouveau dieu du petit écran hollywoodien, propose avec Mayor of Kingstown un nouveau genre de western, cette fois carcéral et policier, une nouvelle réussite vertigineuse.
Mike McLusky est le « maire » de Kingstown, celui qui fait le lien entre les détenus, les criminels libérés et les flics. Un négociateur neutre qui essaye de préserver une entente cordiale dans un environnement explosif. Diffusée sur Paramount+ dont votre tonton aux Etats Unis vous aura évidemment partagé ses codes, Mayor of Kingstown, la nouvelle série de Taylor Sheridan, quitte le paysage sauvage de l’Ouest pour se focaliser sur une autre jungle, celle carcérale d’une petite ville de l’Est américain. Une nouvelle dinguerie, même si la série semble un peu forcée dans plusieurs directions différentes.
En parallèle de Yellowstone (série la plus regardée et plébiscitée aux Etats Unis actuellement), de ses spin-offs 1883, 1923 (on vous prépare la critique), bientôt 6666 et de Tulsa King, Taylor Sheridan continue d’étendre son sheridanverse en confirmant son statut de poule aux œufs d’or pour Paramount, avec qui l’acteur, scénariste et réalisateur a signé un deal d’exclusivité mirobolant, et propose maintenant Mayor of Kingstown, dont la saison 2 vient de commencer chez nos cousins américains. Créée en collaboration avec Hugh Dillon, un de ses acteurs fétiches, le show est comme d’habitude entièrement écrit par Sheridan himself tandis que la caméra virevolte entre ses mains et celles de Ben Richardson, Guy Ferland, Clark Johnson ou Stephen Kay, soit une équipe de réalisateurs incroyables pour une série tout bonnement hallucinante. Une plongée dans la criminalité citadine, entre Ray Donovan, The Wire et Oz, pour ne citer que des trucs méchamment stylés.
The Kingstown redemption
La direction narrative de Mayor of Kingstown est d’une simplicité extrême. Un type à l’allure d’anti-héros fait le lien entre bad guys et forces de l’ordre pour calmer tout ce beau monde tout en se faisant prendre pour cible par un méchant. Un plot somme toute classique, mais qui permettra à Sheridan de développer son propos sur la violence urbaine et les inégalités sociales entre ses protagonistes, sel de son écriture. Une trame de fond évidente pour permettre de plus beaux développements pour ses personnages, bien aidés par un casting 5 étoiles.
Jeremy Renner en haut de l’affiche est comme à chaque fois magnifique, bien secondé par Aidan Gillen, évidemment machiavélique, Hugh Dillon, James Jordan ou la talentueuse Dianne Wiest, parfaite en matriarche désabusée. De quoi brosser de superbes compositions pour peindre un climat familial tendu au milieu d’un monde hostile et carcéral et d’une rare violence malgré la neutralité inhérente au rôle principal. Une vision extrêmement noire vient donc se dégager de ce thriller policier absolument féroce où Sheridan prend un malin plaisir à filmer plein cadre les ignominies commises par les gangs, les prisonniers ou les flics qui grattent aussi bien le bitume que des tronches sur les trottoirs d’une ville désespérément grise.
Ainsi la photographie, désaturée, forme autour de Jeremy Renner tout de noir vêtu une sorte de brouillard immuablement constitué de violence latente, tout comme le personnage, irascible et sanguin qui, s’il tente de résoudre les problèmes de tout le monde, n’hésite pas à casser des clavicules ou à flinguer tout un gang suprématiste pour garder la tête hors de l’eau. Une belle dichotomie de la nature humaine comme Sheridan sait si bien le faire, particulièrement conscient de ces failles et fasciné par son comportement de réaction face aux pressions et vicissitudes de la vie, et par la violence en général d’ailleurs.
Si les scènes d’action sont ultra lisibles, filmées de façon académique pour offrir un réalisme glaçant, une certaine overdose se ressent de ce trop-plein de violence, tant dans la forme que dans le fond au demeurant. Les curseurs semblent poussés à donf et l’escalade, qui met une claque à tout spectateur c’est certain, parait parfois disproportionnée. Une descente aux enfers incroyable dont les situations paraissent capillotractées pour permettre à l’ensemble de prendre de l’épaisseur. Une épaisseur bien sanglante. De même l’escalade de cette violence, sourde ou graphique, qui accompagne la montée en pression narrative est également à réserver à un public averti, même pour nous, c’est parfois chaud. Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir.
Mais peut-être faut-il ce ratio de violence inouï et ces personnages désabusés pour permettre de peindre un portrait du milieu carcéral aux Etats-Unis en plus de s’attaquer aux inégalités des classes sociales éreintées par des forces de police ségrégationnistes. Entre complots, magouilles, pots de vin, passages à tabac, assassinats ou contrats, une peinture pas très joviale mais parfois nécessaire. En cela Mayor of Kingstown fait très bien son job de sensibilisation, comme l’avait fait en son temps The Wire (on extrapole, calmez-vous), et sa noirceur permet finalement de coller au mieux à une réalité qui nous dépasse.
Toujours est-il que Mayor of Kingstown dégage une aura énervée, qui ne laissera personne indifférent, une plongée dans les affres de la violence humaine. Une nouvelle claque de Sheridan en somme.
La saison 1 de Mayor of Kingstown est disponible sur Paramount Network.
Avis
Pour sa nouvelle série, The Mayor of Kingstown, Taylor Sheridan déménage sa passion pour les westerns contemporains pour une sombre plongée dans la violence carcérale. Pour ceux qui n'ont pas peur des claques dans la tronche bien agressives.