Carton inattendu aux USA, Longlegs est un des plus gros succès contemporains du cinéma d’horreur indépendant. Mené par Maika Monroe (It Follows) et Nicols Cage, ce thriller d’investigation débute en citant les grands, avant de se gameler en série B déceptive.
Via une promo savamment orchestrée, Longlegs aura vu son démarrage particulièrement remarqué au box-office, notamment aux États-Unis. En effet, le film réalisé par Oz Perkins (le fils d’Anthony Perkins, inoubliable Norman Bates de Psychose!) bat des records pour la boîte de production Neon (Titane, Anatomie d’une Chute, Triangle of Sadness).
Alors que le genre de l’horreur subie depuis quelques années une cure de jouvence dénommée « elevated horror », Longlegs embrasse d’entrée de jeu des influences autres. En effet, dès sa scène d’intro d’excellente facture en 16/9, Perkins joue habilement avec le hors-champ et le trauma a hauteur d’enfant (riche idée de ne pas montrer le visage du fameux boogeyman devant ce point de vue).
Le film nous mène ensuite dans les années 90, tandis que Lee Harker (Maika Monroe), une nouvelle profiler du FBI, va utiliser ses capacités de medium pour résoudre des crimes vieux de plusieurs décennies : des familles entières assassinées par un des adultes, mais toujours liées par une simple signature « Longlegs ».
Alors qu’un nouveau meurtre semble prévu prochainement, Lee va peu à peu découvrir une implication encore plus personnelle face à un tueur en série au modus operandi des plus obscurs. Bref, du thriller d’enquête tendance hardboiled qui ne fait pas que penser au Silence des Agneaux ou Seven, mais qui les cite ouvertement à bon escient !
Les prémices d’un grand film
Pendant près de 50 minutes, Longlegs a en effet des allures de thriller noir très bien digéré, jouant habilement avec le grain de l’image, un sound design âpre, une mise en scène cliniquement élégante et surtout une narration avant tout dirigée par un vrai suspense de polar. La réalisation de Perkins use pas ailleurs intelligemment d’axes déstabilisants pour le spectateur, ce dernier étant quasi exclusivement dans une position de voyeur.
Constamment dirigé vers l’échine des personnages, Longlegs parvient même à toucher du doigt le cinéma de David Fincher par instants (Zodiac en tête), alors que macabre, contamination du quotidien et codes à déchiffrer se mêlent. Jusqu’à un prenant segment nocturne où le fameux tueur est traité comme Michael Myers d’Halloween : en tant que forme indomptable synonyme de pure manifestation du mal !
Un aspect glaçant, d’ailleurs impeccablement supplémenté par les performances de Maika Monroe (toute en émotion contenue) et Blair Underwood (véritable liant charismatique du métrage) en protagonistes proactifs. Ce sera donc largement regrettable qu’Oz Perkins n’aie plus confiance en sa capacité à distiller efficacement des bribes de scénario à mi-parcours, en bazardant presque complètement le tueur Longlegs.
Killer Cage
Difficilement reconnaissable au premier abord de par son faciès à la Tiny Tim, Nicolas Cage flirte constamment avec le surjeu et le cabotinage dans une performance mutante pourtant fascinante, loin du cliché du serial killer mutique ou terrifiant. Un Diable dérangé auquel le réalisateur n’a pas les reins pour se mettre au niveau de son interprète, préférant enchaîner les moments à la Buffalo Bill tout en amenuisant considérablement l’aura satanique et mystérieuse de son antagoniste.
Le thriller poisseux laisse donc place à de l’occulte tendance sous-La Malédiction, jusque dans un final cruellement attendu (et donc sans aucun vrai poids émotionnel ou viscéral), précédé d’une demi-heure grossièrement illustrative pour lier les 2 faces protagoniste/antagoniste de Longlegs (explications en voix-off rajoutées !). En résulte donc un virage 180° d’un point de vue qualitatif, qui n’annihile peut-être pas la première partie de film réellement horrifique, mais la pervertit durablement de par son final inabouti. Un beau loupé donc : dommage (revoyez donc Cure de Kiyoshi Kurosawa, film étrangement similaire mais largement plus abouti) !
Longlegs est sorti au cinéma le 10 juillet 2024
avis
Longlegs avait tout du nouveau grand thriller clinique et terrifiant tel que vendu. Mais passée une première partie citant les plus grands (Fincher, Demme, Kurosawa), le polar d'Oz Perkins se prend les pieds dans le tapis pour flirter avec de la série B occulte ridiculement explicative et illustrative. Un malheureux virage pour un résultat largement en demi-teinte, malgré une fabrication soignée et un casting impeccable !