Après 120 battements par minute, Robin Campillo revient avec L’Île Rouge. Initialement pressenti pour être sélectionné au Festival de Cannes, ce nouveau film personnel sort finalement directement dans nos salles. Le résultat se veut réjouissant à plus d’un titre, abordant via un angle original (bien que pas toujours justifié) la fin d’une ère coloniale française à Madagascar, à travers une dynamique familiale occidentale.
Nous sommes au début des années 70, à Madagascar. Pourtant, L’Île Rouge ne s’ouvre pas directement sur des séquences familiales ou encore des scènes auprès des militaires français mutés en terre malgache. Non, le spectateur découvre avec surprise un passage fantasmagorico-théâtral impliquant Fantômette, la justicière des romans jeunesse des 60’s-70’s.
Une note d’intention qui va se perpétuer à nouveau (excellents costumes aux visages factices avec doublage supplémentaire), et s’identifiant comme une vraie profession de foi de la part de Campillo : à savoir aborder la fin de l’ère coloniale française à Madagascar, à travers divers points de vue !
![Critique L'Île Rouge : au-revoir Madagascar](https://linfotoutcourt.com/wp-content/uploads/2023/05/redisland-02.jpg)
Via des regards d’enfant tout d’abord, fantasmant les dynamiques du monde adulte à travers une conspiration que doit déjouer Fantômette, puis via le regard des parents. L’Île Rouge prend donc le parti de nous immerger auprès d’une famille via diverses tranches de vie, tout en dévoilant par petites touches la fin d’une époque.
Beauté insulaire
L’Île Rouge parvient à séduire d’entrée de jeu, s’imposant même comme le travail formel le plus accompli de Robin Campillo. Empli de naturalisme, le cadre est pourtant maîtrisé, mettant en avant la beauté des paysages tropicaux et la quotidienneté de ces expatriés vivant près d’une base militaire. Et outre une fabrication léchée, il faut noter une direction d’acteurs de belle tenue (et de tout âge !).
![Critique L'Île Rouge : au-revoir Madagascar](https://linfotoutcourt.com/wp-content/uploads/2023/05/Redisland-03.jpg)
Charlie Vauselle représente la porte d’entrée du spectateur, dont l’œil naïf explorera les non-dits de la relation entre Nadia Tereszckiewicz (Mon Crime) et Quim Gutiérrez (Madeleine Collins). La première illumine encore une fois l’écran dans un rôle de mère emplie de maturité. Le second laisse petit à petit entrer un visage plus nuancé passée la bonhommie introductive. Bref, des acteurs de talent qui portent le métrage et incarnent avec aisance un couple battant de l’aile.
L’occasion pour Robin Campillo de petit à petit laisser infuser un portrait de domination masculine, jusque dans la manière de dresser le portrait du milieu militaire ambiant. Un milieu que Campillo a sans doute côtoyé dans son enfance (tout comme l’auteur de ses lignes), et qui est retranscrit avec grande fidélité (jusque dans une séquence d’hymne martial).
L’Île Rouge panse ses plaies
L’humour, le drame et la poésie sont ainsi présents, tout en mettant en avant de manière fugace une population malgache reprenant peu à peu la main-mise sur leur île (dont la superficie aussi importante que la France est explicitée à dessein dès les premières minutes). C’est sans doute la principale faiblesse de L’Île Rouge, alors que Campillo opère un changement de regard (et donc de protagoniste).
![Critique L'Île Rouge : au-revoir Madagascar](https://linfotoutcourt.com/wp-content/uploads/2023/05/Redisland-04.jpg)
Le réalisateur semble ainsi s’intéresser à ce point de vue fondamental mais de manière bien trop tardive pour pleinement atteindre sa cible. Le duo mis en scène en épilogue (et son traitement) est néanmoins lourd de symbolique dans son issue, tout comme sa conclusion. Un point final qui aurait mérité d’être mis en valeur plus en amont (tout comme le personnage incarné avec sensibilité par Amely Rakotoarimalala) pour plus de liant émotionnel et un shift de perspective plus efficace.
Pas de quoi saborder le résultat global, réjouissant à plus d’un titre. Avec L’Île Rouge, Robin Campillo s’impose encore une fois comme une valeur sûre du paysage cinématographique français. Une plongée des plus plaisantes, malgré l’aspect mélancolique qui s’insinue insidieusement jusqu’à son final plus solaire.
L’Île Rouge sortira au cinéma le 31 mai 2023
avis
Avec L'Île Rouge, Robin Campillo signe une traversée sensorielle des plus solaires, tout en laissant infuser un regard inquisiteur concernant la domination française à Madagascar. Malgré quelques réserves sur l'angle choisi pour aborder la fin de cette ère coloniale, difficile de ne pas être charmé par cet objet de cinéma à la fabrication impeccable.