Les Miens voit Roschdy Zem s’allier avec Maïwenn pour nous conter une histoire très personnelle, diablement attachante et formidablement interprétée.
Les Miens conclue une formidable année pour Roschdy Zem. L’acteur césarisé en 2020 pour son rôle de commissaire dans Roubaix, une lumière a aligné les projets hétéroclites de qualité, du passionnant thriller Enquête sur un scandale d’État de Thierry de Peretti, au lumineux drame de Rebecca Zlotowski, qui signait également son meilleur long-métrage avec Les Enfants des autres. Récemment observé dans une formidable comédie familiale, L’Innocent, de Louis Garrel, on le retrouve ici dans un drame intime sur le même thème. Et si la filmographie en tant que metteur en scène de l’acteur s’avère plus inégale, du très poignant Omar m’a tuer au raté Persona non grata, ce dernier signe avec Les Miens l’une de ses meilleures propositions.
Rupture(s)
Les Miens suit ainsi Moussa (Sami Bouajila), homme entièrement dévoué à sa famille, victime d’une violente commotion cérébrale le transfigurant en homme dénué d’émotion, parlant sans filtre et lâchant ses quatre vérités à tous ceux qui l’entourent. Refusant le dialogue, il ne communiquera plus qu’avec son frère Ryad (Roschdy Zem), son exact opposé. On trouve rapidement dans Les Miens une désarmante sincérité due à la finesse d’écriture et d’observation du duo Roschdy Zem et Maïwenn. Si l’on avait laissé l’actrice, scénariste et metteuse en scène dans un essai bien trop maladroit et nombriliste, son talent fait ici mouche tant tout paraît ici sonner juste.
D’un repas dominical a priori sans nuages, toutes les fêlures et les non-dits s’apprêtent déjà à fissurer ce lumineux tableau familial, et tout nous est déjà présenté avec une véritable acuité. Tout le casting est ainsi brillant, et c’est donc un réel plaisir que de retrouver Sami Bouajila dans une composition aussi brillante, oscillant entre le Docteur Jekyll et Mister Hyde, passant de l’effacement à un pétage de plomb salutaire et réjouissant. On avait ainsi rarement vu un drame familial aussi réussi depuis le Fête de Famille de Cédric Kahn où l’élément perturbateur était aussi celui qui permettait d’observer un tableau de famille bien plus sombre et fataliste, dont Les Miens choisit cependant la voie de la tendresse.
Crise salutaire
Le scénario de Roschdy Zem et de Maïwenn s’attèle ainsi à observer la destructrice absence de dialogue. La famille est ainsi présentée comme une troupe de comédiens jouant son propre rôle jusqu’à la crise. Chacun étouffe dans son propre costume, de la sœur à la maternité étouffante au frère homme d’image dont la prestation permanente gomme la moindre émotion. Les Miens creuse ainsi chaque personnage avec autant de fragilité que de tendresse, et les moments d’émotions paraissent ainsi précieux, même lorsqu’ils se passent dans des décors rebattus dans ce type de proposition, avec le fameux week-end en Normandie et son inévitable balade sur la plage.
Les Miens respire ainsi l’authenticité. Parce qu’il est issu d’une histoire toute personnelle, on ressent un soin de chaque instant à croquer avec une infinie justesse la fragilité de chaque être et de l’étouffant rôle que l’on lui attribue. S’élevant bien aisément au-delà du conventionnel et nombriliste tableau familial, le long-métrage de Roschdy Zem observe ainsi une crise salutaire pour une déclaration d’amour familiale universelle, dévoilant avec talent et minutie une grande palette d’émotions. Du rire aux larmes, des costumes que l’on revêt, Les Miens déshabille et ausculte avec amour l’être humain dans tout ce qu’il a de plus beau et de plus fragile.
Les Miens est sorti le 23 novembre 2022.
Avis
Les Miens est de ces projets personnels dont la tendresse et la finesse d'écriture le transfigurent en une déclaration d'amour familiale à la fois intime et universelle. Porté par un magistral Sami Bouajila accompagné d'une troupe d'acteurs tout aussi fabuleuse, le long-métrage de Roschdy Zem est ainsi l'un de ses plus réussis et les plus attachants, auscultant avec une infinie justesse les rôles étouffants que chacun s'attribue pour une crise salutaire pétrie d'amour et de tendresse.