Les enfants sont rois aurait pu être un portrait glaçant des enfants influenceurs, mais se voit malheureusement rattrapé par son enquête policière lourdingue.
Les enfants sont rois, adaptation du roman éponyme de Delphine de Vigan, sortie ces derniers jours sur Disney+ s’empare donc du sujet glaçant des enfants influenceurs, à l’heure même ou Culte, mettant en scène les débuts de la télé-réalité, rencontre un succès mérité sur Prime Vidéo. Ces deux séries ont ainsi en commun de nous parler des dérives de l’industrie du divertissement manipulant la réalité et déformant les êtres filmés pour les transfigurer en produits comme les autres. Pourtant, si la proposition portée par Géraldine Nakache, plus contemporaine et plus impactante par la force de son sujet, aurait pu frapper plus fort, on se trouve cependant beaucoup plus mal à l’aise devant l’envers du décor du Loft Story.
Pourtant, Les enfants sont rois n’est pas avare de talents, la série étant portée par une distribution impeccable (Doria Tillier, India Hair, Panayotis Pascot et Oussa Kheddam), chapeautée par un duo de jeunes auteurs, Judith Havas accompagnée de Victor Rodenbach, étant tous deux passés sur nombre de programmes fort recommandables (De Dix pour Cent à Platane) et enfin réalisée par l’un de nos meilleurs jeunes cinéastes, à savoir Sébastien Marnier, auteur d’un trio de premiers longs-métrages impeccables (Irréprochable, L’Heure de la sortie et L’Origine du mal). Pourtant, rapidement, Les enfants sont rois semble multiplier les mauvais choix pour finalement dévier de son sujet et se muer en enquête policière poussive et caricaturale. Mais qu’a-t-il bien pu se passer ?
Réseaux policiers
Les enfants sont rois narre ainsi l’enlèvement d’une enfant, propulsée au rang de star grâce aux vidéos chapeautées par sa mère et l’enquête menée par une jeune inspectrice et son équipe. Et fonctionne, durant ses trois premiers épisodes, montrant la vie en toc d’une femme faussement transparente, brillamment interprétée par Doria Tillier. Parce que c’est en démontrant l’envers du décor des vidéos mettant en scène une petite fille que la série parvient à être la meilleure, et de révéler, derrière les sourires de façade et les décors colorés, les douleurs et une enfance véritablement détruite.
Côté enquête, le constat s’avère quant à lui bien plus ronflant. Géraldine Nakache, cicatrice sur la joue et regard lourd, ne parvient jamais à insuffler la moindre faille à son personnage de flic tant il s’avère caricatural et empesé. Elle se trouve heureusement entourée d’un duo très attachant (campé par India Hair et Panayotis Pascot) qui ont parfois l’air de ne pas jouer dans la même série que le reste du casting. Malheureusement, si l’on aurait aimé une série abordant de front les dérives des réseaux sociaux, il n’en sera rien d’autre que d’une énième enquête policière, dégonflant peu à peu le moindre suspense au fur et à mesure d’épisodes se muant en une énième fiction télévisuelle comme on en trouve à la pelle sur notre triste grille télévisuelle.
Enquête de likes
Et petit à petit, l’intérêt suscité par la série laisse rapidement place à la déception, renforcée au fur et à mesure de trois derniers épisodes, menant vers un final poussif et invraisemblable. Le regard par la lorgnette devient un trait grossi, surjouant par une réalisation poussive (un jeter de vêtement par la fenêtre au ralenti), le côté sombre des réseaux sociaux, sans jamais plus de fondements qu’un inerte public de fans et de paparazzis, amassés tel un troupeau désincarné sous les fenêtres de la famille dorée. Il ne restera ainsi rien qu’un affrontement stérile entre concurrents de chaînes YouTube, et d’une historiette inutile de paternité, forçant un peu plus le côté feuilletonesque daté d‘une série aux thématiques pourtant bien contemporaines.
On se trouve ainsi avec l’impression d’assister au spectacle cruel d’un ballon qui se dégonfle en avançant dans cette série qui finit par complètement passer à côté de son sujet, dont les scénaristes se trouvent d’ailleurs contraints de rajouter une scène pré-générique, qui en très peu de mots et d’effets, s’avère bien plus concluante que ce que ses trois précédents épisodes ont pu raconter dans leur entièreté. Et ainsi d’assister à une perpétuelle tentative de fuite face à un sujet passionnant, qui préfère nous resservir le même vide plutôt que de s’attaquer véritablement au fond.
Les enfants sont rois est disponible sur Disney+.
Avis
Si Les enfants sont rois aurait pu s'avérer glaçant en abordant de front son passionnant sujet, il n'en sera finalement rien qu'une énième enquête policière poussive et aux relents télévisuels datés, alors qu'il s'entend pourtant traiter d'un sujet cruellement actuel.