Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait poursuit avec brio l’exploration du dialogue amoureux entamé avec Mademoiselle de Joncquières où Emmanuel Mouret synthétise toute l’essence de son cinéma dans un geste magnifique.
Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait est le dixième film de l’acteur, réalisateur et scénariste Emmanuel Mouret. Ce dernier sera parvenu à créer une filmographie centrée sur les sentiments, imprégnée d’une cinéphilie convoquant aussi bien Rohmer que Truffaut. A partir de 2006, Emmanuel Mouret incarne un personnage anachronique d’amoureux maladroit, assumant alors avec brio l’héritage d’Antoine Doisnel. S’étant concentré uniquement sur la réalisation depuis Caprice, en 2015, le réalisateur avait alors débuté une exploration plus dramatique et plus lyrique des sentiments, quête poursuivie par le magnifique Mademoiselle de Joncquières.
Le temps de l’amour
Le dixième long-métrage d’Emmanuel Mouret porte ainsi les stigmates de son œuvre précédente tant le metteur en scène rythme son film d’un dialogue qui ne prendra fin que lors de ses dernières déchirantes minutes. Resserré sur un quatuor de personnages, Mouret y filme un échange amoureux intime qui déshabille avec sensibilité chaque personnage. Filmés au plus près des regards, Camélia Jordana, Niels Schneider, Vincent Macaigne et Emilie Dequenne livrent ainsi des prestations bouleversantes de justesse et de sensibilité, à l’image d’un film dont le lyrisme épouse une démarche jusqu’au boutiste d’une exploration intime de l’amour.
Des histoires qui construisent ses personnages et qui lorsque ces derniers s’en libèrent, les déshabillent, Emmanuel Mouret en fait un geste malicieux en faisant de chacun de ses protagonistes une pièce incontournable de ce grand puzzle qu’est le film. Si aucune des destinées ne laissera ses personnages indemnes, le réalisateur étend avec brio son observation sur plus de deux heures et ce, sans aucun temps mort, prenant perpétuellement ses personnages à leur propre piège dans ce jeu cruel qu’est l’amour.
La temporalité est au cœur du film d’Emmanuel Mouret qui prend intelligemment le temps de dépeindre avec finesse des amours qui naissent et meurent pour nous guider vers une impasse sublime d’un cœur qui n’a jamais dit son dernier mot. Véritable fil conducteur du récit, le temps demeure ici comme un juge inéluctable qui aura raison des sentiments et des promesses et ce, malgré la beauté et l’intensité des désirs. La durée néanmoins suffisante pour Emmanuel Mouret, de signer un grand drame, sensible et bouleversant qui n’a pas fini de nous chambouler. Chose dite, chose faite.