Le souffleur est un seul en scène tragi-comique qui met en lumière avec poésie et humour un métier de l’ombre.
Le souffleur nous conte l’histoire d’Ildebrando Biribò, souffleur de la première représentation mondiale de Cyrano de Bergerac au Théâtre de la Porte Saint-Martin. Ce soir-là, le 28 décembre 1897, à la fin de la représentation, on le trouva mort dans son trou. Revenu de l’au-delà le temps d’un sablier qui s’écoule, il nous livre à la manière d’une confidence les secrets de sa vie, de sa passion, et de sa mort. Un joli moment qui nous transporte ailleurs.
« Un jour vous allez tous mourir. Alors, qu’en pensez-vous ? «
Le récit d’une passion
Ildebrando Biribò compte bien, le temps de cette soirée, « botter les fesses de nos angoisses » ! Les soucis sont ainsi priés de rester à l’extérieur, et on ne se fait pas prier ! Car on se laisse très vite embarquer par ce personnage attachant et drôle qui nous confie sa passion pour son métier. Une passion de toujours, la preuve : ce n’est pas un cri qu’il poussa à la naissance mais un souffle !
« Rendre sa mémoire au comédien quand elle disparaît. » C’est par cette jolie formulation qu’il nous parle de ce métier que la plupart d’entre nous n’a jamais connu, mais que nous découvrons pourtant avec une certaine nostalgie.
Car, cette fois, il refuse de se contenter de lire le texte qu’on lui impose. C’est son propre rôle qu’il veut jouer, c’est lui qu’il veut raconter entre quelques répliques d’œuvres classiques, incarnations de comédiens (et de leur mémoire !), et prises à partie du public. Ainsi, dans ce décor d’après spectacle, sur une scène à l’abandon que se partagent un portant à costumes, une grande malle en bois et un sablier géant, il nous conte le temps, la vie, jusqu’à son dernier souffle.
Le souffleur nous égare un peu
Nous aurions vraiment aimé être pleinement séduits par ce spectacle et en ressortir émerveillés. Et, à vrai dire, cela s’est joué à pas grand chose ! Car il se dégage tendresse et poésie de ce personnage, de sa manière d’habiter l’espace, de donner vie à ses émotions. Tout comme de la mise en scène d’ailleurs, et ce travail de Luc Dégassart tellement réussi avec la lumière qu’elle en devient presque un personnage à part entière.
Mais quelque chose, toutefois, nous a un peu gênés. Cette impression, à certains moments, d’un contenu anecdotique posé là juste pour meubler – l’histoire autour d’Adam et Ève par exemple – et qui donne à l’ensemble un aspect un peu décousu. Tout comme on ne comprend pas bien pourquoi, au début, l’auteur du texte qu’est sensé lire le personnage s’exprime tout en restant caché, ni pourquoi ce-dernier est enfermé dans sa boîte pendant les cinq premières minutes. En fait, le sens et la motivation de certaines actions nous ont manqués.
Paolo Crocco éblouissant
Mais ce qui nous restera surtout en mémoire, c’est cette interprétation radieuse et débordante de vie de Paolo Crocco qui incarne son rôle avec une belle générosité et une joie contagieuse. Le moment que nous passons en sa compagnie (et celle du grand manitou !) est une sorte de parenthèse enchantée, un moment de ravissement.
Le décor et les formidables jeux de lumière dont nous parlions un peu plus tôt n’y sont bien sûr pas non plus pour rien. En effet, on passe par exemple d’une ambiance faite de jeux d’ombres et d’une lumière bleutée pour contextualiser sa conversation avec le grand manitou, à une lumière chaude et resserrée sur le visage lorsqu’il s’agit de représenter les derniers instants d’Ildebrando Biribò dans son trou de souffleur.
Une belle manière de clore cette année 2021, avant qu’elle ne rende son dernier souffle.