Le Deuxième Acte ne se contente pas d’user les ficelles d’un cinéaste absurdement répétitif, il appuie également son nihilisme.
Le Deuxième Acte est donc le treizième film de Quentin Dupieux, et le deuxième après le répétitif et vain Daaaaaali ! d’une année qui sent clairement la redite pour un cinéaste ici faussement hyperactif mais réellement répétitif. Parce que ce Deuxième Acte, derrière son casting une fois de plus prestigieux et son pitch toujours plus minimaliste, porte ici au parangon la petite machine usée d’un homme avisé atteignant enfin les sommets attendus. Ouverture du Festival de Cannes, certes, doublée d’un écho et d’un succès populaire qui ne se dément pas depuis les 400 000 entrées méritées de Yannick. Cependant, si le Festival a toujours apprécié, comme de nombreuses cérémonies, les œuvres célébrant le septième art, il est dommageable d’avoir sélectionné un projet détricotant absolument tout de ce dernier, surtout après l’égotique Jeanne du Barry.
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Parce que la misanthropie de Quentin Dupieux vis-à-vis du septième art était devenue une marque de fabrique depuis son inauguration du format Vidéo-Club de Konbini. N’hésitant pas à étaler avec malice son dégoût et sa suffisance, en évoquant au passage l’incompréhension d’une grande partie de la presse envers sa filmographie, le cinéaste n’épargnait pas non plus certaines de ses œuvres, égratignant au passage son formidable Réalité, le consacrant en sommet d’inepties sans aucun sens. Un regard noir et acerbe qui s’était peu à peu étendu sur son cinéma, regardant l’époque avec pessimisme sur Fumer fait tousser et Incroyable mais vrai, interrogeant le rapport entre art et réel avec Yannick mais qui tombe ici à côté pour ce Deuxième Acte, sûrement celui de trop.
Le Détr-acteur
Le Deuxième Acte se propose ainsi de suivre quatre personnages, respectivement campés par Léa Seydoux, Vincent Lindon, Louis Garrel et Raphael Quenard, se retrouvant dans un restaurant au milieu de nulle part. Une fumeuse intrigue romantique plus tard, s’évanouissant en quelques secondes après une interminable scène inaugurale de dialogue entre deux acteurs révélant peu à peu leurs vrais visages, telle sera la véritable quête du treizième long-métrage de Quentin Dupieux, qui après s’être amusé à brouiller les pistes en rêve et réel avec une certaine fatigue dans son précédent long-métrage, décide de recycler ce dispositif comme unique prétexte d’un portrait (soi-disant) sans concession du petit monde des acteurs.rices.
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Il serait ainsi de mauvaise foi de dire que tout est répétitif et vain dans ce Deuxième Acte qui réussit parfois à susciter l’hilarité, lorsque ses acteurs semblent enfin s’épanouir dans cette répétitive démonstration, toujours merveilleusement dirigés autour de la direction artistique toujours impeccable de Joan Le Boru. Malheureusement, Quentin Dupieux n’a rien de nouveau à offrir visuellement, narrativement et surtout de rafraîchissant sur ces acteurs dont il semble clairement se moquer plutôt que de réellement les égratigner et d’apporter un tant soi peu de profondeur sur cette drôle de condition.
L’acte manqué
Les parisiens sont insupportables, être homosexuel semble toujours un levier comique potable en 2024, et surtout, surtout, les acteurs et le cinéma ne sont que d’inutiles remparts à un monde qui s’effondre irrémédiablement, pantins inutiles et désarticulés dont Dupieux prend un malin plaisir à détruire le moindre intérêt. Il ne reste ainsi, au milieu de quelques échanges réellement hilarants, que le point de vue complètement nihiliste d’un cinéaste ne croyant plus en son art, ne dévoilant ici qu’une fois de trop une machinerie qui fonctionne, quant à elle à plein régime, reposant sur les mêmes ressorts épuisés. Fiction ? Réalité ? Humour ? Nihilisme ? Devant tant de flemmardise et aussi peu d’audace, on finit par ne même plus se poser la moindre question.
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On peut déjà s’amuser, en se mettant à la place du cinéaste (refusant ici d’ailleurs toute promotion), en lisant une presse une nouvelle fois dithyrambique devant cette énième répétition d’un artiste qui ne cache même plus ses grosses ficelles, attendant le feu vert pour déclencher un nouveau projet issu de sa machinerie qui n’a plus rien de magique. On y saluera sûrement une réflexion, qui derrière son absurdité, soulève de réelles questions sur la place du septième art, que Dupieux est décidemment un cinéaste précieux et libre devant tant d’audace et de liberté de ton avec ce qu’on considèrera sûrement comme un dynamitage du cinéma français. Nous n’y voyons quant à nous qu’un acte manqué, Quentin Dupieux a-t-il pleinement réussi à nous transmettre son nihilisme ?
Le Deuxième Acte est actuellement en salles.
Avis
Quentin Dupieux use une fois de plus des mêmes artifices, qui derrière la fausse absurdité d'une machinerie qui ne finit que par se répéter, n'étale finalement que sa misanthropie, son nihilisme, transfigurant cette réflexion en démontage finalement assez vain et paresseux du métier d'acteur, malgré quelques répliques réellement hilarantes et numéros d'acteurs remarquables.