Le Dernier voyage du Demeter, déjà sacrifié par son studio et envoyé sur les plateformes de streaming face à son flop au box-office, n’en méritait pas vraiment moins.
Le Dernier voyage du Demeter confirme la sale année que vient de passer le pourtant immortel comte Dracula. Après le flop du pourtant sympathique Renfield, c’est un autre chapitre de l’œuvre de Bram Stoker qui vient de connaître une sacrée déconvenue au box-office américain, ne rapportant au moment où votre cher rédacteur vous écrit ces lignes, que la modique somme de 15 millions de dollars pour 45 millions de budget. Tiré d’un passionnant journal de bord extrait de Dracula, relatant la disparition de tout l’équipage du navire emmenant le plus célèbre des vampires des Carpates à Londres, Le Dernier voyage du Demeter avait pourtant tout pour réussir : son côté évidemment horrifique, genre très en vogue en ce moment, et celui du huis-clos, propice à des économies de budget et à instiller une tension plus que prégnante.
Si le nom de Guillermo Del Toro avait tout d’abord été attaché au projet, c’est finalement l’un de ses protégés, André Øvredal, qui s’occupe de la mise en scène, après avoir signé le prenant The Jane Doe Identity et l’inégal Scary Stories, déjà basé sur une histoire de Del Toro. Scénarisé par Bragi F. Schut et Zak Olkewicz, à qui l’on doit notamment, outre Bullet Train pour l’un, le piteux Escape Game et le super-hero movie fadasse porté par Sylvester Stallone, Le Samaritain pour l’autre, rien ne laissait cependant présager de ce qui s’incarne aujourd’hui comme un véritable petit naufrage, critique et public. Ressemblant ainsi plus à une œuvre de commande dénuée de la moindre substance qu’à une plongée fidèle dans les pages d’une œuvre indémodable, Le Dernier voyage du Demeter fait ainsi couler, en plus de son bateau, cette créature mythique qu’est Dracula.
La croisière abuse
Le Dernier voyage du Demeter suit donc le petit équipage d’un navire de commerce voguant vers Londres. Porté par un casting solide, où l’on retrouve notamment Corey Hawkins (The Tragedy of Macbeth, Kong : Skull Island), le fascinant David Dastmalchian et Liam « Davos » Cunningham, tout, dès sa plate introduction, laisse présager d’une honnête mais sans aucune prétention adaptation de ce segment si fascinant du roman de Bram Stoker. La mise en scène s’avère impersonnelle, et le travail d’adaptation, à savoir les ajouts de quelques personnages, afin d’humaniser un peu plus cet équipage, celui du petit-fils du capitaine, d’un jeune docteur idéaliste et d’une jeune femme emmenée comme casse-croute du vampire, tout aussi dispensables. Rien, cependant, ne laisser augurer d’un tel ennui et d’une telle avalanche d’invraisemblances scénaristiques.
Parce que si le design du monstre s’avère plutôt hideux mais justifié par la volonté de créer un huis-clos horrifique à la Alien, le huitième passager, l’avalanche de poncifs et de mises à morts aussi mal filmées que grossières confèrent rapidement à ce Dernier voyage du Demeter un sentiment de ridicule. Ne sachant jamais faire naître une véritable tension et créer un rythme qu’en enchaînant bêtement les meurtres nocturnes et les ridicules remises en question de la journée, le film d’André Øvredal s’avère ainsi être une sacrée galère, tant le metteur en scène ne semble jamais passionné par son sujet qu’en adaptant scrupuleusement et sans aucune fougue un scénario aussi bête qu’attendu. D’un segment d’horreur littéraire sec mais passionnant, le métrage le transfigure ainsi en un long et attendu naufrage, se payant au passage le luxe de sa cupidité, en tentant d’y adjoindre de foireux projets de franchise.
Demeter prend l’eau
En voulant humaniser un équipage qui n’était réduit dans le roman qu’au journal du capitaine, le scénario de Bragi F. Schut et Zak Olkewicz réussit ainsi à rendre sa galerie de personnages aussi stupide qu’insupportable. En voulant simplement cocher des cases pour se la jouer adaptation contemporaine, à savoir mollement aborder la thématique du racisme et celle de l’émancipation d’une femme face à de bourrus matelots, ce Dernier voyage du Demeter réussit ainsi, au moins, à souhaiter que tous se voient exécutés le plus rapidement possible. Malheureusement, lorsque ces mises à morts ne s’avèrent pas sous-éclairées, elles relèvent purement du grotesque, avec des immolations en CGI qui n’ont même pas pris la peine d’être peaufinés, conférant ainsi à ces soi-disant déchirantes disparitions, des morts frisant le grand-guignolesque.
Mais, ce n’est pas tout, puisqu’après une introduction fidèle au ton horrifique et désespéré du roman, le film y révèle un nouveau doigt d’honneur en réservant une scène finale pensée telle une scène post-générique pour sa conclusion, finissant ainsi de définitivement couler cette nouvelle itération du plus prestigieux des vampires sur grand écran. Puisque même Universal semble l’avoir abandonné, l’on ne tirera ainsi pas plus sur cette ambulance qu’est réellement ce pauvre Demeter, dont le véritable titre aurait ainsi pu être Et Dracoula. Une autre manière d’enterrer un peu plus son foisonnant catalogue de monstres légendaires pour un studio qui ne cache ici même plus sa véritable volonté : celui de leur offrir un dernier voyage et de les faire couler, au fond de la mer et dans les lymbes des catalogues de streaming, à des années-lumière de leurs glorieuses adaptations passées.
Le Dernier voyage du Demeter est actuellement en salles.
Avis
Le Dernier voyage du Demeter s'annonce comme une relecture sans souffle, mais honnête d'un des segments les plus cinématographiques de l'œuvre de Bram Stoker : il n'en est finalement rien qu'une longue et ennuyeuse galère où tout semble réuni pour faire couler, une fois de plus, une figure mythique de la littérature gothique et du cinéma au fond de la mer, et dans les lymbes des catalogues de streaming, à des années-lumière de ses glorieuses adaptations passées.