Quand l’art et la musique deviennent une forme puissante de résistance contre le terrorisme et l’extrémisme, c’est ce que raconte Jimmy Keyrouz dans Le dernier piano. Adapté de son court-métrage multi-récompensé Nocturne in Black, le réalisateur propose un premier long-métrage émouvant et engagé.
Karim (Tarek Yaacoub), un pianiste de talent, a l’opportunité unique de passer une audition à Vienne. La guerre en Syrie et les restrictions imposées bouleversent ses projets et la survie devient un enjeu de tous les jours. Son piano constitue alors sa seule chance pour s’enfuir de cet enfer. Lorsque ce dernier est détruit par l’État Islamique, Karim n’a plus qu’une idée en tête : trouver les pièces pour réparer son instrument. Un long voyage commence pour retrouver sa liberté.
Un film sans artifice
Loin des blockbuster américains, Jimmy Keyrouz présente un thriller vraisemblable. Les prises de vues ont été réalisées en décor réel directement en Irak. Sans tête d’affiche au casting, les comédiens rendent le récit réaliste et contribuent à l’aspect quasi documentaire du film. Le dernier piano est un film à aucun moment prétentieux ou spectaculaire. Il n’a qu’une seule volonté : son propos pacifiste, libérateur et artistique.
Jimmy Keyrouz explique dans l’interview disponible sur l’édition physique faite par Blaq Out s’être inspiré de faits réels. Le long-métrage est jonché d’anecdotes qui permettent de développer le background de l’État Islamique. Celles-ci donnent également lieu aux développements des arcs narratifs des personnages secondaires. En effet, bien que la principale storyline soit celle du piano, on découvre une ribambelle d’intrigues secondaires. Elles contribuent à l’histoire et au propos du récit.
Sans être un film de super-héros, Le dernier piano met en scène plusieurs personnages forts, dont celui de Maya (Sara Abi Kanaan). C’est un personnage révolutionnaire qui a été victime des violences de l’État Islamique. Ce qui est intéressant, toujours dans son traitement réaliste des évènements, c’est que son personnage est associé à son costume. Elle porte un treilli militaire et va donc à l’encontre de toutes les valeurs que veut imposer l’État Islamique. C’est une guerrière, dans le sens où elle utilise des armes à feu pour se battre.
Un même combat
Dans Le dernier piano, Jimmy Keyrouz interroge sans cesse la question de la violence et de la guerre au travers de ses personnages. Il crée par exemple un véritable dialogue entre Maya et Karim. Tandis qu’elle prend les armes, lui préfère se battre pour ses valeurs. Il fait de l’art et la musique ses armes de prédilection. Dès lors, on se rend compte que la majorité des personnages ne comprennent pas cet outsider qui incarne la figure de l’artiste. On découvre une société victime et traumatisée voulant à tout prix se venger. Jimmy Keyrouz semble nous inviter à une réflexion sur ce débat plus qu’intéressant, mais surtout complexe.
Ce qui est sûr, c’est que l’œuvre de Jimmy Keyrouz permet de mettre en lumière de véritables enjeux concernant la liberté et la place de l’art dans la société. Il semble interroger sur la manière d’affronter une censure et une privation des libertés individuelles et aussi de l’art sous quelque forme soit-il. Le dernier piano est un film humble et engagé, porté par un réalisateur talentueux.
Le dernier piano est disponible en DVD depuis le 23 août 2022.
Avis
Le dernier piano est un long-métrage engagé et courageux. Jimmy Keyrouz s'approprie des codes de narration "classiques" en les rendant "réaliste" au travers de ses personnages. Sa mise en scène et ses intentions de réalisations rendent le film vraisemblable et invitent à la reflexion.