Le dernier livre est un thriller d’anticipation réaliste qui interroge sur le rôle essentiel de la littérature dans la construction de l’humanité.
Le dernier livre nous parle tout autant d’hier que de demain. Enfin, d’un demain possible, mais franchement pas souhaitable…
Paris, 2040. Les nouvelles technologies dominent un monde dans lequel le livre n’a plus sa place. Au sein de cette nouvelle société déshumanisée et aseptisée se produisent des phénomènes étranges. En effet, de nombreux enfants sont enlevés et disparaissent sans laisser aucune trace… À l’enquête se mêle une réflexion sur l’histoire du livre, le rôle de la littérature, mais aussi sur notre propre histoire.
Un futur cauchemardesque
C’est au pied de la tour Eiffel que démarre cet album. En arrière plan se devinent les buildings d’un Paris futuriste. Dans un appartement sous les toits, deux jeunes amants semblent vivre de lecture, d’amour et d’eau fraiche. Jusqu’à ce que leur porte ne soit défoncée et que la violence s’introduise. La raison ? Les livres sont interdits. Une entrée en matière qui réussit à capter immédiatement notre attention.
« Contrôler le savoir, c’est contrôler le pouvoir. »
C’est à partir de ce principe que les dirigeants politiques ont décidé 8 ans plus tôt de la disparition des livres papiers. Seuls certains ouvrages sont numérisés et restent accessibles. Et c’est ainsi qu’Aldous Huxley, Ionesco ou Steinbeck pour ne citer qu’eux se sont retrouvés au pilori. Exit aussi les différentes langues. Un nouveau langage unique à base d’emojis est devenu la norme. Les cultures, c’était trop mauvais pour le commerce… Flippant ? C’est le mot, oui.
Un réalisme glaçant
Écoles fermées, bibliothèques vidées, livre détruits par milliers, écriture manuelle proscrite… Le monde se découvre, se visite, s’apprend désormais virtuellement. Il n’est plus question de culture, de liens sociaux et encore moins d’éducation. Les chaînes d’infos en continu doivent être regardées en boucle. Bref, la population est sous contrôle total.
En quelques pages à peine, une déferlante d’émotions s’abat sur nous, lecteurs du passé ! On est tout à la fois surpris, choqué, inquiet, angoissé, triste. Car la situation qui nous est décrite semble improbable… mais pas pour autant impossible. Et pour cause, il est question de pandémie mondiale, de collecte des données personnelles, de dépendance au numérique… Bref, de notre réalité et, qui sait, de la direction qu’elle pourrait prendre.
Mais une intrigue qui perd en puissance
Nous avons d’abord eu la sensation d’être plongés dans un épisode de Black Mirror, confrontés aux dérives possibles de notre société à partir d’éléments de notre quotidien. Les dessins très minutieux et les couleurs plutôt sombres à dominante de bleu, gris et marron de Brice Bingono servent parfaitement le scénario angoissant de François Durpaire – qui n’est pas sans rappeler 1984, d’Orwell. Scénario dans lequel l’espoir se fraye tout de même un chemin (ouf !).
Mais Le dernier livre se révèle finalement, avant tout, une ode à la littérature, à son pouvoir de transmission, aux différentes cultures et civilisations, à la liberté. De nombreux clins d’œil sont ainsi faits à des ouvrages, à des auteurs, à des textes importants comme le Petit Prince, Jules Verne, Daniel Pennac, Roméo et Juliette, ou encore la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.
Les informations historiques sur l’origine de l’écriture, du livre, son évolution, son rôle supplantent peu à peu l’intrigue, qui passe alors au second plan. Et le suspense promis par les premières pages se dissipe très rapidement, ne laissant pas même le temps à ces disparitions d’enfants de nous inquiéter. Dommage, sans ça nous aurions été totalement conquis.