Le Croque-mitaine, adapté d’une nouvelle de Stephen King par les scénaristes de Sans un bruit, ennuie au lieu de terrifier.
Le Croque-mitaine s’ajoute donc à la longue liste des adaptations très dispensables de l’oeuvre du gigantesque Stephen King. Si récemment Firestarter avait été à la fois un flop critique et public, ayant très justement mérité sa place dans les tops des pires films de l’année passée, cette nouvelle adaptation signée Rob Savage, du duo de scénaristes Scott Beck et Bryan Woods (Sans un bruit mais aussi 65 – La Terre d’Avant) accompagnés de Mark Heyman (The Wrestler, Black Swan) ne se paiera même pas ce drôle de luxe. Parce que l’ensemble s’avère aussi fade que complètement dépassé par des oeuvres récentes, telles que la surprise SMILE, dont les mêmes thématiques du traumatisme, du deuil impossible et de la malédiction (sujets vus et revus dans nombre de productions horrifiques) s’avéraient bien plus brillamment revisités que dans ce très pâle Croque-mitaine.
Pour l’histoire, on suit le traumatisme de deux adolescentes suite au dècès de leur mère. Confrontées à un père psy aux abonnés absents, se refusant à évoquer la disparition de sa chère épouse, on reconnaît ainsi derrière ce synopsis l’écriture de Stephen King, qui préfigure son futur Ça avec ce mythe du croque-mitaine revisité et des peurs enfantines. Pourtant, rien à la mise en scène comme au scénario ne viendra épouser la maestria de la plume du maître dans un film horrifique atone, dont l’absence d’audace fait suffoquer la moindre émotion, et toute possible tension, dans un mélange de déjà-vu et d’insupportables redites.
Le Croque mi-terne
Ce qu’on ne peut cependant retirer à la mise en scène de Rob Savage, c’est sa sobriété, loin de la surenchère de jump-scares entre autres effets tapageurs et migraineux observés chez les productions James Wan et son Conjuring-verse. Son observation d’une famille endeuillée s’avère ainsi très juste, comme de l’imposant poids du silence qui étouffe toute vie dans le domicile familial, correctement éclairé par la photo très terne et aspyxiante d’Eli Born (Hellraiser version 2022). Les premières apparitions du monstre s’avèrent ainsi très réussies, jouant avec les peurs enfantines propres à l’oeuvre originale avec suffisamment de talent, de la dent qui bouge à la peur du noir, offrant ainsi à sa malédiction des atours bien plus personnels qu’une simple bête propice à réhausser un récit cruellement balisé. L’interprétation est ainsi solide, les jeunes Sophie Thatcher, Vivien Lyra Blair livrant des prestations très convaincantes.
Mais voilà, malgré une certaine retenue et un cadre intimiste soigné, Le Croque-mitaine ne réserve ensuite rien de neuf au schéma très rebattu du film d’horreur doté d’une malédiction à conjurer. Rien ne nous est épargné, et ce, apporté sans la moindre fougue ni invention, qu’un sempiternel et classique produit bien trop formaté pour susciter la moindre émotion, de la survivante devenue folle dans une maison abandonée, au final en forme d’affrontement final avec option incendie. On s’ennuie ainsi beaucoup dans ce Croque-mitaine, qui à défaut de surpendre, se met alors à distiller une certaine léthargie, tant tout s’avère soit attendu, soit apporté sans la moindre finesse, détruisant alors le fragile équilibre instillé dans son introduction.
Terreur automatique
On aurait ainsi aimé que le même soin apporté à la fragile reconstruction d’une adolescente et de toute une famille ait été plus soigné que cette lourdingue métaphore, vue mille fois et en mieux ailleurs, avec beaucoup plus d’identité et surtout de souffle que dans ce pâle Croque-mitaine. Au lieu de perpétuer véritablement cette menace en l’ancrant dans des terreurs propres au refus et à l’acceptation du deuil, cette terreur enfantine se voit incarnée par un monstre finalement très générique (semblable à ceux de Sans un bruit, pas le meilleur exemple récent de design malgré la qualité de la franchise), égal au traitement qui lui est réservé, ne réservant qu’un peu de surprise dans une conclusion ouverte qui aurait pu paraître intéressante si elle ne semblait pas suggérer une éventuelle suite.
De cette promesse intimiste soignée et étouffée par un deuil impossible qui fait suffoquer, Le Croque-mitaine n’en retire ainsi aucun souffle, trahissant sa sobriété et son économie de moyens dans un récit ultra-convenu, qui délaisse la tension et l’intime pour une complète léthargie. Adapté de Stephen King où non, le film de Rob Savage manque ainsi cruellement d’identité, qu’elle soit de son auteur où de ses scénaristes, (qui décidemment après 65 – La Terre d’Avant perpétuent leur sabotage de postulats prometteurs) rendant ainsi ce Croque-mitaine affreusement terne. Un Croque mi-terne, en somme, qui n’a à la fois rien d’honteux mais tout de parfaitement oubliable.
Le Croque-mitaine est actuellement en salles.
Avis
Le Croque-mitaine ne mérite pas les mêmes foudres que Firestarter, paraissant haut la main comme l'un des pires films de l'année dernière et l'une des pires adaptations de Stephen King. Il n'en demeure pas moins un film étonnamment sobre et intimiste qui se dilue peu à peu dans un récit balisé, retirant ainsi la moindre identité à cette adaptation loin d'être honteuse, mais complètement oubliable et dispensable.