Après Bacurau en 2019, le cinéaste Kleber Mendonça Filho revient avec l’Agent secret en compétition au Festival de Cannes 2025 avec un thriller d’espionnage au temps de la dictature militaire brésilienne des années 70.
Marcelo (Wagner Moura) est forcé de fuir São Paulo pour se rendre à Recife (dans le Nord-Est du Brésil) en se cachant dans une résidence qui accueille des réfugiés politiques. Père d’un jeune garçon, il souhaite s’échapper au plus vite du pays avec lui, sachant bien que sa vie est en danger. Derrière ce climat tendu se dévoile la vie d’une période sombre de l’histoire du Brésil, celle d’une dictature contrôlée par le pouvoir militaire qui emprisonnait et assassinait les opposants politiques et les intellectuels dont l’indépendance de leur travail était vu comme une menace pour l’État.

Fragments du passé et du présent
En naissant en 1968, le cinéaste Kleber Mendonça Filho a grandi sous la dictature comme le garçon de son film. C’est donc une œuvre profondément personnelle qui explore l’horreur du passé avec douceur et mélancolie. De plus, il inscrit la narration du film entre trois temporalités : la période à São Paulo, la vie à Recife qui est le récit central et l’époque contemporaine à travers le regard d’une étudiante qui découvre les enregistrements audios de cette époque. En fragmentant son récit, Mendonça construit avec ce choix narratif un lien intime qui marque l’interconnexion profonde entre le passé et le présent.
Le cinéaste s’appuie sur un très bon casting pour porter les émotions de son récit. En premier lieu, on découvre un superbe Wagner Moura (Narcos) au regard doux et attachant. L’acteur véhicule impeccablement, avec sincérité et minimalisme, les douleurs de son personnage qui cherche à s’en sortir d’une situation complexe et qui lui échappe.
Mise en scène sobre et inspirée
De plus, pour servir son propos, Kleber Mendonça Filho présente une mise en scène délicate, empruntant aux codes du film d’espionnage classique sans fondamentalement en être un. Le danger permanent est sensible. Il dépeint un monde avec un certain sens de l’absurde, montrant les pantins de la dictature tels des êtres vulgaires et incompétents. On ne sait pas toujours s’il faut en rire ou en pleurer et la solution s’avère peut-être entre les deux. Certes, du temps a passé depuis la dictature, mais la douleur est toujours là, présente dans les écrits, les enregistrements et le destin d’un enfant.

En soi, L’Agent secret demeure essentiellement sobre dans sa forme et dans son fond, en préservant un déroulé de film d’espionnage assez standard dans sa première partie, avant de prendre une autre dimension par des choix de réalisation forts et atypiques. Plus qu’un énième film historique avec des récits qui ne vont pas plus loin que de montrer des tueurs à gages et de policiers corrompus, L’Agent secret révèle un univers où l’information est incomplète et dont parfois il ne nous reste plus qu’un simple article de presse d’un journal local. Le cinéma peut être omniscient s’il le choisit, mais Mendonça en a décidé autrement pour son film, marquant par ce biais d’autant plus les zones de mystère du passé qui continuent de hanter le présent.
De ce fait, Kleber Mendonça Filho signe probablement son plus beau film avec l’Agent secret. Étant en pleine possession de sa maitrise narrative, il traite de sujets importants pour lui, mais aussi d’une certaine manière pour le spectateur, en donnant à son récit historique une forme d’universalité et de connexion avec le présent. Il trouve également, en la présence de Wagner Moura, un acteur capable de porter le film sur ses épaules à travers la douceur de son regard. Possiblement la Palme d’or du Festival de Cannes 2025 ?
L’Agent secret sort le 14 janvier 2026 au cinéma. Retrouvez tous nos articles du Festival de Cannes ici.
Avis
Kleber Mendonça Filho livre avec L'Agent secret son œuvre la plus personnelle et touchante. Ce récit mélancolique sur la dictature militaire brésilienne des années 70 réussit à faire renaitre le passé pour mieux en comprendre son impact sur le présent, le tout porté par un Wagner Moura d'une grande délicatesse.